Le double guichet

Dans le cadre de la révision de loi relative à la bioéthique, on entend parfois parler du double guichet et nous avons pensé qu’il serait intéressant d’expliquer de quoi il s’agit.

Possibilité 1 : Choix du donneur au moment de son don

Au moment de son don, le donneur fait savoir s’il accepte ou non le principe de l’accès aux origines, et si donc, il donne son consentement pour que les personnes issues de son puissent obtenir des informations sur lui.

Les parents qui bénéficient d’un don ont donc la possibilité de choisir si leur enfant pourra ou non exercer son droit d’accès aux origines.

Cette possibilité n’a jamais été proposée dans le cadre de la révision de la loi.

Possibilité 2 : Choix du donneur au moment où une personne issue de son don saisit la commission en charge de l’accès aux origines

Au moment de son don, le donneur n’est pas interrogé sur la question de l’accès aux origines. Les parents qui bénéficient d’un don ignorent si le donneur acceptera que leur enfant puisse exercer son droit d’accès aux origines s’il en fait la demande.

Quand la personne issue du don devient adulte, elle a le droit de saisir une commission en charge de l’accès aux origines. C’est seulement à ce moment que le donneur va être interrogé pour savoir s’il donne son consentement à la levée de son anonymat.

Dans cette solution, le droit d’accès aux origines est conditionné au bon vouloir du donneur. Les personnes issues d’un don devront attendre de saisir la commission en charge de l’accès aux origines pour connaître la position du donneur.

Cette solution avait été retenue par le gouvernement dans une version non définitive du projet de loi bioéthique.

Choix du gouvernement au 24 juillet 2019

Le gouvernement n’a finalement pas retenu la solution du double guichet dans son projet de loi du 24 juillet 2019.

La possibilité de faire un don sera conditionné au fait que le donneur donne son consentement pour l’acceptation du principe d’accès aux origines. Le donneur ne pourra pas revenir sur son consentement.

Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Le 24 juillet 2019, le gouvernement a présenté en conseil des ministre son projet de loi relatif à la bioéthique.

Une commission spéciale est chargée examinera à partir du 26 août le projet de loi relatif à la bioéthique. (voir sa compositionversion PDF).

La loi de bioéthique sera ensuite examinée par le parlement à partir du 23 septembre 2019.

Nous vous informerons au fur et à mesure des évolutions de loi en lien avec le don de gamètes et d’embryons.

Capture ecran du site de la commission loi bioethique

Les tests ADN et l’anonymat du donneur

Cet article aborde la question des tests ADN qui peuvent permettre de retrouver un donneur/géniteur.

Dès 2006, quelques médias ont relayé des histoires de donneurs retrouvés grâce à des tests ADN : https://www.clubdesvigilants.com/alerte/cherche-p%c3%a8re-biologique-sur-le-net (article au format PDF). A noter que toutes ces découvertes de l’identité du donneur se produisaient à l’étranger et non pas en France.

En avril 2016, pour la première fois, un article scientifique annonce la fin de l’anonymat du don de gamètes par le biais des tests ADN (voir l’article au format PDF). Cet article scientifique fait réagir les CECOS qui publient « la fin de l’anonymat du don de gamètes est-elle programmée ? » (voir l’article au format PDF)

Cette prédiction se confirme pour la France où effectivement, des donneurs ont été retrouvés par ce moyen. Depuis janvier 2018, les médias français abordent régulièrement ces découvertes liées aux tests ADN.

Pour suivre en temps réel l’évolution des découvertes, l’association PMAnonyme a mis en place un compteur.
Compteur PMAnonyme

Quelques explications sur les tests ADN.

Le principe du test ADN consiste à envoyer un peu d’ADN à un laboratoire qui va réaliser un séquençage. Une fois que l’on possède le séquençage de son ADN, il est possible de l’envoyer dans des immenses bases de données où il va être réalisé des comparaisons afin de trouver des personnes ayant un ADN proche du notre. On a par exemple 50% d’ADN commun avec nos parents biologiques et environ 25% d’ADN commun avec un demi-frère ou demi-soeur.
Aucune société française ne propose pour l’instant de réaliser ces tests ADN, ce qui fait qu’ils sont moins répandus en France que dans d’autres pays. Pour l’instant, aucune personne issue d’un don n’a directement trouvé de donneur français dans une base de données. En revanche, les personnes issues d’un don trouvent parfois uns membre de la famille du donneur. Il faut ensuite que le membre de la famille du donneur accepte d’aider la personne issue du don dans sa quête de la recherche de ses origines. Si la personne issue d’un don obtient un arbre généalogique, il est susceptible de réussir à deviner qui peut être le donneur (il faut regarder les conditions d’âge, les caractéristiques morphologiques, le lieu d’habitation au moment du don, etc.). C’est la raison pour laquelle, une personne qui fait un test ADN n’a pour l’instant aucune certitude qu’elle parviendra à retrouver le donneur. Cependant, même sans retrouver le donneur, le test ADN peut tout de même espérer avoir des indications sur ses origines géographiques.

Le nombre de personnes réalisant des tests ADN ne fait qu’augmenter et si ces tests ADN deviennent un jour légaux en France, il est très probable qu’un très grand nombre de français se laisseront tenter. Plus les bases de données seront riches en ADN et plus l’identification d’un donneur deviendra aisée. En 2019, l’anonymat des donneurs n’est plus absolu et il se pourrait qu’il disparaisse totalement dans 10 ou 20 ans.

Il nous semble important que les donneurs qui donnent aujourd’hui soient prévenus que leur anonymat peut être mis à mal du fait des tests ADN. D’après ce que nous savons, certains CECOS font le choix d’informer les donneurs.
Facebook CECOS Lille

Consentement du conjoint pour réaliser le don de gamètes

1. La critique de l’église envers le don de spermatozoïdes

Dans les années 1960, le don de spermatozoïdes se réalise sans cadre légal dans des cabinets privés de gynécologie. L’église considère en effet que si une femme mariée fait appel à un homme pour lui donner du sperme afin d’avoir un enfant, cet acte est équivalent à un adultère, même en cas d’absence de tout acte sexuel.

2. 1973, création des CECOS

Les fondateurs du CECOS souhaitent que le don de spermatozoïdes ne soit plus perçu comme un adultère et vont donc imposer un certain nombre de règles.

– Seuls les couples peuvent bénéficier d’un don.
– Seuls les couples infertiles peuvent bénéficier d’un don.
– Seuls les couples mariés peuvent faire un don.
– Seuls les couples déjà parents d’un enfant en bonne santé peuvent être donneurs.

Biologiquement, le don de spermatozoïdes correspond à un homme qui donne ses spermatozoïdes à une femme. Cependant, les CECOS insistent pour que le don de spermatozoïdes soit perçu comme étant « un couple marié fertile (la fertilité est prouvée du fait qu’ils ont au moins un enfant) fasse un don de spermatozoïdes à un couple infertile ». Grâce à cette représentation qui se fait entre un couple donneur à un couple receveur, il n’est plus possible de considérer qu’il y a adultère.

3. Consentement

Pour des raisons éthiques et légales, il est nécessaire d’obtenir le consentement écrit du couple donneur. Compte tenu que ce sont les 2 membres du couple qui font don de gamètes, il est normal que les 2 membres du couple donnent leur consentement.

De la même façon, les 2 membres du « couple receveur » doivent eux aussi donner leur consentement pour un don de gamètes, même si biologiquement, seule la femme va recevoir ce don.

4. Evolution des règles

Les CECOS qui au départ ne faisaient que des dons de spermatozoïdes se sont mis à faire des dons d’ovocytes.
Alors qu’il était indispensable que le donneur soit marié afin que ce soit un don de couple, cette obligation a été supprimée et il est finalement accepté les donneurs célibataires.
Alors que les donneurs devaient nécessairement avoir au moins un enfant, cette obligation a été supprimée.

En 2021, le don de gamètes devrait aussi pouvoir bénéficier à des couples de femmes et des femmes célibataires.

4. Contestation du consentement du conjoint

L’obligation d’avoir l’autorisation du conjoint pour réaliser un don de gamètes est mal acceptée par les femmes.
Tout d’abord, l’argument que le don de spermatozoïdes peut être perçu comme un adultère ne s’applique pas au don d’ovocytes puisque biologique, il se fait entre une femme et une autre femme.

Les féministes peuvent ressentir cette obligation comme quelque chose de similaire à l’avortement qui historiquement nécessitait le consentement du conjoint.

D’après ce qui m’a été rapporté, les hommes s’impliquent souvent assez peu dans le don d’ovocytes et donc, les femmes ont du mal à assimiler la notion de don de couples quand elles font tout le parcours seules.

La notion de couple donneur fertile avait un sens dans les années 70 mais 45 ans plus tard, cela a moins de sens compte tenu que les donneurs célibataires et sans enfant sont acceptés.

5. Un don de confiance

Le CECOS demande de nombreux renseignements aux donneurs mais il faut bien avoir conscience que les CECOS ne sont pas en mesure de vérifier les informations. Il est donc parfaitement possible pour un agriculture de se déclarer ingénieur en physique.

Le don repose en grande partie sur la confiance et donc, les déclarations du donneur ne pas systématiquement vérifiées. Certains donneurs font donc le choix de se déclarer célibataires afin de ne pas avoir à fournir l’autorisation écrite de leur conjoint.

6. Mon avis

Pour avoir lu d’anciens documents des CECOS, je comprends parfaitement les raisons pour lesquelles, il a été décidé qu’il fallait parler de don de couple et pourquoi, il fallait donc obtenir le consentement des 2 membres du couple donneur. Cependant, 45 ans plus tard, je pense que cette règle n’est plus nécessaire.

A noter que Frédéric LETELLIER (vice-président de l’association) est mobilisé depuis de nombreuses années sur cette question.
Courrier ministre de la sante (PDF) Courrier agence de la biomedecine (PDF)

7. Projet de loi bioéthique

Le projet de loi bioéthique devrait supprimer l’obligation d’obtenir l’autorisation du conjoint. Nous approuvons ce choix.

Edit du 20 avril 2022 : Comme prévu, la loi bioéthique a supprimé le consentement du conjoint. Cette mesure sera effective à partir du 1er septembre 2022.

Quel avenir pour le stock de gamètes des CECOS ?

Extrait du projet de loi relatif à la bioéthique :

  • 3° À compter d’une date fixée par décret ne peuvent être utilisés pour toute insémination et toute tentative d’assistance médicale à la procréation que les embryons proposés à l’accueil et les gamètes issus de dons réalisés à compter du premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la loi ;
  • 4° À la veille de la date prévue au 3°, il est mis fin à la conservation des embryons proposés à l’accueil et des gamètes issus de dons réalisés avant le premier jour du treizième mois suivant celle-ci.
  • VII. – 1° L’article L. 2143-2 du code de la santé publique s’applique aux personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à compter de la date prévue au 2° du VI du présent article ;
  • 2° Les tiers donneurs dont les embryons ou les gamètes sont utilisés jusqu’à la date prévue au 2° du VI du présent article peuvent manifester auprès de la Commission mentionnée à l’article L. 2143-6 leur accord à la transmission aux personnes majeures nées de leur don de leurs données non identifiantes d’ores et déjà détenues par les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 ainsi que leur accord à la communication de leur identité en cas de demande par ces personnes ;

Il y a donc un risque que le stock des CECOS soit détruit dans l’hypothèse où il ne serait pas possible d’obtenir le consentement des donneurs pour la transmission de leur identité aux personnes issues de leurs dons.

Il est bien évidemment normal que ces gamètes ne soient plus utilisés dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation mais nous ne comprenons pas la nécessité d’obliger à détruire ces gamètes. Les gamètes qui ne peuvent plus être utilisés pour procréer devraient selon nous pouvoir continuer à être conservés pour des recherches médicales si les donneurs ont donné leur consentement pour cela.

Lors de son premier rendez-vous, le donneur signe un consentement qui autorise le CECOS à utiliser les gamètes dans le cadre d’une procréation médicalement assistée. Le donneur peut également signer un consentement pour que ses gamètes soient utilisés dans le cadre de recherches sur l’infertilité. Les stocks de gamètes des CECOS ont donc 2 finalités : l’assistance médicale à la procréation et la recherche.

Si le donneur ne donne pas son consentement pour l’accès aux origines et qu’il a donné son consentement pour que ses gamètes/embryons servent pour la recherche, il faut privilégier la recherche médicale plutôt que la destruction.

Les inquiétudes liées aux stocks de gamètes et d’embryons ne sont pas nouvelles. Je vous propose un extrait vidéo d’une table ronde organisée par l’association PMAnonyme le 29 septembre 2018 dans lequel, on peut entendre la présidente des CECOS (le Professeur Nathalie Rives) évoquer cette question.

Pour ceux qui voudraient voir la totalité de la table ronde, vous pouvez vous rendre à cette adresse : http://pmanonyme.asso.fr/?p=5491
C’est Jérôme Deneubourg qui a réalisé la capture vidéo de la table ronde.

Réglementation applicable au don de gamètes et d’embryons

Vous trouverez sur cette page toute la législation française relative au don de gamètes et d’embryons.

Réglementation dans le cadre de la 4e loi de bioéthique

Réglementation dans le cadre de la 3e loi de bioéthique

Réglementation dans le cadre de la 2e loi de bioéthique

Réglementation dans le cadre de la 1ère loi de bioéthique

Réglementation antérieure à la 1ère loi de bioéthique

Utilité du numéro de Sécurité Sociale pour retrouver les donneurs

Le projet de loi bioéthique va instaurer un droit d’accès aux origines pour les personnes issues d’une AMP avec tiers donneur. Les personnes qui feront le choix d’obtenir l’identité du donneur, voudront peut être entrer en contact avec lui. Pour que cette mise en relation puisse se faire, encore faut-il pouvoir retrouver le donneur, ce qui n’a rien d’évident. En effet, le droit d’accès aux origines peut s’exercer 20, 30 ou 40 ans après le don. Durant cette longue période, le donneur peut avoir déménagé, changé de numéro de téléphone et même avoir changé de nom de famille.

Le CNAOP qui est chargé du droit d’accès aux origines pour les personnes nées sous X connaît particulièrement bien la difficulté de retrouver quelqu’un. C’est la raison pour laquelle, Madame Marie-Christine Le Boursicot qui est l’ancienne secrétaire générale du CNAOP recommande vivement de recueillir le numéro de sécurité sociale du donneur. Cette déclaration a été faite le 22 novembre 2018 dans le cadre de la conférence « L’accès aux origines personnelles, dons de gamètes et accouchement sous X » organisée par la Cour de Cassation.

L’alinéa 13 de l’article 3 prévoit que le médecin doit collecter l’identité et des données non identifiantes du donneur.
collecte
Nous demandons que le médecin collecte également le numéro de sécurité sociale du donneur.

Bien évidemment, la finalité de ce numéro de sécurité sociale devrait être exclusivement d’aider à retrouver le donneur. En aucune façon, ce numéro de sécurité sociale ne devra être transmis aux personnes issues du don du tiers donneur. Afin que ce numéro de sécurité sociale soit utile, il faudra que la commission en charge de l’accès aux origines ait le droit d’utiliser/consulter le Répertoire National Interrégimes de l’Assurance Maladie (RNIAM). Les conditions de cette utilisation et de cette consultation pourront être fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Dans le cadre du projet de loi bioéthique, nous demandons que soit recueilli le numéro de sécurité sociale des donneurs qui aura pour unique finalité de rechercher le donneur (il ne pourra pas être communiqué aux personnes issues du don). La commission en charge du droit d’accès aux origines devra avoir le droit d’accéder au Répertoire National Interrégimes de l’Assurance Maladie (RNIAM).

Comme la conférence était très intéressante, nous vous proposons de la visionner en intégralité. Le 22 novembre 2018, la cour de cassation a organisé une conférence ayant pour thème « L’accès aux origines personnelles, dons de gamètes et accouchement sous X » (voir le PDF). Madame Marie-Christine Le Boursicot (ex-secrétaire générale du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles – CNAOP) avait recommandé que soit recueilli le numéro de sécurité social des donneurs afin de pouvoir plus facilement les retrouver. Pour entendre l’intérêt du numéro de sécu, il faut écouter de 1 heure et 5 minutes à 1 heure et 7 minutes.

Edit du 15 février 2020 : Notre proposition a été transmise aux députés et aux sénateurs mais aucun amendement n’a été déposé lors de la première lecture du projet de loi bioéthique.

Edit du 25 juin 2020 : Dans le cadre de la deuxième lecture du projet de loi bioéthique, la députée Agnès Thill a déposé l’amendement 596 qui va dans ce sens. Cependant, l’amendement a été rejeté.

Edit du 1er août 2020 : Notre amendement a été examiné en deuxième lecture à l’assemblée nationale mais celui-ci a malheureusement été rejeté.