QPC sur la loi bioéthique (1)

Cet article est destiné à répondre aux différentes interrogations relatives à une QPC qui a été déposée le 27 février 2023 auprès du Conseil d’Etat.

1. Qu’est qu’une QPC ?

La Constitution française permet de garantir les droits fondamentaux des citoyens. Elle pose, par exemple, le principe de l’égalité des citoyens devant la loi, fait du suffrage universel la source de la légitimité politique et accorde à chacun le droit de faire entendre sa cause devant un tribunal indépendant.

La Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est un droit reconnu à toute personne de demander que soit contrôlé qu’une disposition législative est bien conforme aux droits et libertés que la Constitution garantit. Pour prendre un exemple simple, la Constitution française prévoit en son article 66-1 que « nul ne peut être condamné à la peine de mort ». Cela signifie que s’il était adopté une loi instaurant la peine de mort, une personne serait en droit de déposer une QPC afin que soit contrôlé si la loi respecte bien les droits et libertés que la Constitution garantit.

C’est le Conseil Constitutionnel qui est chargé de veiller à ce que les lois françaises soient conformes à la Constitution.

2. Est-ce utile que les lois respectent la Constitution française ?

Il est toujours souhaitable que les lois respectent les droits et libertés que la Constitution française garantit.

En ce qui concerne plus spécifiquement le droit d’accès aux origines, il faut bien avoir conscience qu’il ne s’agit pas d’une loi gravée dans le marbre et que celle-ci a vocation à évoluer avec le temps. On pourrait par exemple imaginer que lors de la prochaine loi relative à la bioéthique (ce sera probablement en 2028), il soit donné le droit aux parents d’avoir accès à certaines données non identifiantes du donneur dès la naissance de leur enfant, ou que la personne issue du don ait accès aux données non identifiantes du donneur dès 14 ans, ou que la CAPADD ait comme mission de mettre en relation les personnes issues d’un don et les donneurs, ou que la CAPADD ait comme mission de mettre en relation les demi-génétiques (les personnes issues du même donneur), ou de permettre un accès plus facile aux antécédents médicaux du donneur, etc.

Il est probable que les futures évolutions du droit d’accès aux origines seront facilitées si ses fondations sont solides, ce qui implique notamment que celles-ci aient été reconnues comme conformes à la Constitution. Ce contrôle de la constitutionnalité permettra de clarifier les choses et de pouvoir plus sereinement envisager les futures évolutions du droit d’accès aux origines.

3. La loi bioéthique et le droit d’accès aux origines

Le gouvernement a déposé un projet de loi relatif à la bioéthique le 24 juillet 2019. Ce projet de loi prévoyait l’instauration d’un droit d’accès aux origines pour les personnes issues d’une AMP avec tiers donneur. Le dispositif prévoyait que les futurs donneurs devront obligatoirement consentir à la communication de leur identité et de données non identifiantes. En ce qui concerne les anciens donneurs (ceux qui ont donné sous l’ancien régime), il était prévu qu’ils aient le droit de se manifester auprès de la CAPADD afin de consentir à la communication de leur identité et de données non identifiantes.

Précédemment, le Conseil d’Etat avait remis un avis au gouvernement sur le projet de loi bioéthique en validant le principe du droit d’accès aux origines avec les dispositions prévues par le gouvernement.

L’Assemblée Nationale a fait une ultime lecture de la loi relative à la bioéthique le 29 juin 2021 pour être ensuite promulguée le 2 août 2021.

Suite à la promulgation de la loi relative à la bioéthique, il y a eu une importante campagne destinée à informer les anciens donneurs de l’existence du droit d’accès aux origines et de la possibilité pour eux de consentir à la communication de leur identité aux personnes issues de leur don.

4. Sur quoi porte la QPC déposée le 27 février 2023 ?

La QPC qui a été déposée le 27 février 2023 porte exclusivement sur le 6° de l’article L. 2143-6 du code de la santé publique :
« Une commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur est placée auprès du ministre chargé de la santé. Elle est chargée :
6° De contacter les tiers donneurs qui n’étaient pas soumis aux dispositions du présent chapitre au moment de leur don, lorsqu’elle est saisie de demandes au titre de l’article L. 2143-5, afin de solliciter et de recueillir leur consentement à la communication de leurs données non identifiantes et de leur identité ainsi qu’à la transmission de ces données à l’Agence de la biomédecine. Afin d’assurer cette mission, la commission peut utiliser le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques et consulter ce répertoire. Les conditions de cette utilisation et de cette consultation sont fixées par un décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. La commission est également autorisée à consulter le répertoire national inter-régimes des bénéficiaires de l’assurance maladie afin d’obtenir, par l’intermédiaire des organismes servant les prestations d’assurance maladie, l’adresse des tiers donneurs susmentionnés ; »

Cette disposition ne figurait pas dans le projet de loi initial et elle a donc été ajouté par un amendement parlementaire. Cela a pour conséquence que le Conseil d’Etat ne s’est donc pas prononcé sur la légalité de cette disposition.

La Fédération Française des CECOS avait transmis des observations au Conseil Constitutionnel sur cette disposition mais le Conseil Constitutionnel n’en pas pu en tenu compte puisqu’il ne lui a pas été demandé de contrôler cette disposition.

Il a été posé la question de savoir si la QPC pouvait aboutir à la suppression du droit d’accès aux origines et la réponse est clairement non. Quelle que soit l’issue de la QPC, les nouveaux donneurs auront toujours l’obligation de consentir à la communication de leur identité et de données non identifiantes, les anciens donneurs auront toujours la possibilité d’y consentir spontanément et toutes les personnes issues d’une AMP avec tiers donneur auront toujours le droit de saisir la CAPADD

5. Possibilité de déposer d’autres QPC ?

Le fait qu’i y ait eu une QPC de déposer sur cette disposition de la loi bioéthique ne retire pas le droit à d’autres personnes de déposer des QPC sur cette même disposition.

Certaines des personnes issues d’un don qui ont saisi la CAPADD vont recevoir des réponses négatives. Ces demandeurs déçus ont la possibilité de déposer une QPC. Par exemple, ils pourraient estimer qu’ils devraient avoir le droit d’obtenir l’identité du donneur à partir du moment où celui-ci est décédé. Si le Conseil d’Etat décide que la QPC présente un caractère sérieux, celle-ci pourra être renvoyée devant le Conseil Constitutionnel.

Si une personne issue d’un don estime qu’une disposition de la loi bioéthique est non conforme à la Constitution, elle a donc parfaitement le droit de déposer une QPC.

6. Le 6° de l’article L. 2143-6 du code de la santé publique

C’est notamment la rapporteure Coralie Dubost qui s’est battue pour introduire dans la loi une disposition pour que la CAPADD puisse solliciter un ancien donneur en cas de demande d’une personne issue d’un don. Les débats au parlement permettent de bien appréhender la finalité de cette disposition, ainsi que les doutes qui lui sont associés.

Séance d’examen à l’Assemblée nationale de l’amendement 2449 du 2 octobre 2019 :

Séance d’examen à l’Assemblée nationale de l’amendement 2167 du 30 juillet 2020 :

7. Conséquences de la décision du Conseil Constitutionnel

Le Conseil Constitutionnel rend dans 65 % des QPC une décision de conformité. Cela signifie que le Conseil Constitutionnel valide que la loi est bien conforme à la Constitution. Par déduction, il y a donc 35% des QPC qui ont une décision de non conformité.

Quand le Conseil Constitutionnel rend une décision de conformité de loi avec la Constitution, cela permet à la loi d’en sortir plus forte puisque les doutes sur sa légalité sont levés.

Quand le Conseil Constitutionnel rend une décision de non conformité à la Constitution, celle-ci est motivée. En fonction de la motivation donnée par le Conseil Constitutionnel pour justifier la non conformité, cela peut aboutir à la suppression totale de la disposition contrôlée ou à une petite modification qui ne change pas fondamentalement la disposition.

8. Droit d’accès aux origines pour les nés sous X

Le 22 janvier 2002 a été promulgué la loi n° 2002-93 relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’Etat. Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) a été créé par cette loi. Il assure plusieurs missions dont rechercher les parents de naissance et solliciter leur accord pour lever le secret de leur identité à la suite d’une demande d’accès aux origines de l’enfant. Le Conseil Constitutionnel avait été saisi par une QPC pour se prononcer sur la constitutionnalité de cette loi.

Le requérant faisait valoir qu’en autorisant une femme à accoucher sans révéler son identité et en ne permettant la levée du secret qu’avec l’accord de cette femme, ou, en cas de décès, dans le seul cas où elle n’a pas exprimé préalablement une volonté contraire, les dispositions contestées méconnaissent le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale.

Extrait de la décision du Constitutionnel au sujet de la QPC du 16 mai 2012 (https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2012/2012248QPC.htm) : « Considérant qu’en permettant à la mère de s’opposer à la révélation de son identité même après son décès, les dispositions contestées visent à assurer le respect de manière effective, à des fins de protection de la santé, de la volonté exprimée par celle-ci de préserver le secret de son admission et de son identité lors de l’accouchement tout en ménageant, dans la mesure du possible, par des mesures appropriées, l’accès de l’enfant à la connaissance de ses origines personnelles ; qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, de substituer son appréciation à celle du législateur sur l’équilibre ainsi défini entre les intérêts de la mère de naissance et ceux de l’enfant ; que les dispositions contestées n’ont pas privé de garanties légales les exigences constitutionnelles de protection de la santé ; qu’elles n’ont pas davantage porté atteinte au respect dû à la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale ».

Une bonne analyse de cette décision du Conseil Constitutionnel est disponible ici : https://www.dalloz-actualite.fr/essentiel/constitutionnalite-de-l-accouchement-sous-x

Cette décision du Conseil Constitutionnel sur la conformité du droit d’accès aux origines pour les personnes nées sous X pourrait être citée dans le cadre du contrôle de la conformité du droit d’accès aux origines pour les personnes issues d’une AMP avec tiers donneur.

9. Contenu de la QPC

Avec cette QPC, l’objectif prioritaire est de permettre aux anciens donneurs de faire connaître leur refus de recevoir des sollicitations de la CAPADD (par exemple, en remplissant un formulaire de refus de sollicitations).

Lorsqu’une personne née d’un don sollicite la CAPADD pour obtenir des informations sur le donneur, la CAPADD peut envoyer un second courrier recommandé en cas de non réponse du donneur à la première sollicitation. Ceci est vrai distinctement pour chaque demande de personne issue du don (la loi permet à un donneur d’aider à la conception de 10 personnes). Un donneur pourrait donc se retrouver à être sollicité un grand nombre de fois. C’est pour éviter la sur-multiplication des sollicitations du donneur que la QPC demande que les anciens donneurs aient le droit de mettre un terme aux envois de sollicitations provenant de la CAPADD..

10. Date d’audience de la QPC

L’audience de la QPC s’est tenue le mardi 30 mai 2023.

Le représentant de la Première Ministre a proposé que le Conseil Constitutionnel fasse une réserve d’interprétation pour permettre aux anciens donneurs de s’opposer à la réception de sollicitations de la part de la CAPADD. L’avocate du requérante a salué cette proposition compte tenu que cela répond au principal grief. Si le Conseil Constitutionnel décide de suivre la proposition du représentant de la Première Ministre, cela permettrait donc d’améliorer les droits des anciens donneurs, et cela répondrait également à la demande du requérant.

11. Date de la décision

Le Conseil Constitutionnel rendra sa décision le vendredi 9 juin 2023.

12. Décision

Le Conseil constitutionnel assortit d’une réserve d’interprétation la déclaration de conformité à la Constitution de dispositions relatives à l’accès aux données non identifiantes et à l’identité des tiers donneurs des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation.

Télécharger la décision du Conseil Constitutionnel sur la QPC 2023-1052.

La Graine

Quand deux futures mamans veulent un enfant ensemble, elles sont prêts à tout, aidées par un médecin aux méthodes peu conventionnelles.

Date de sortie : 3 mai 2023
Genre : Comédie
RÉALISATEUR : Eloïse Lang
SCÉNARISTES : Eloïse Lang et Pauline Mauroux
ACTEURS ET ACTRICES : Marie Papillon, Stacy Martin et François Damiens
Production : Pathé, Beside Productions et Les Films du Cap

Nouvelle réglementation pour le don de spermatozoïdes

La révision de la loi bioéthique de 2021 a introduit 2 grands changements : la PMA pour toutes et le droit d’accès aux origines.

Selon nos informations, le gouvernement devrait publier durant l’été un décret pour imposer qu’à partir de fin 2024 ou début 2025, il ne soit utilisé que des gamètes dont le donneur a consenti au droit d’accès aux origines.

Depuis l’instauration de la PMA pour toutes, les besoins de spermatozoïdes sont plus importants mais cela est heureusement compensé par une forte augmentation du nombre de donneurs. Afin d’éviter de se retrouver en situation de pénurie, il convient de faire attention à ce qu’il n’y ait pas dans le futur une baisse du nombre de donneurs. Selon nous informations, le décret qui sortira cet été va modifier la réglementation relative au don de gamètes avec l’objectif d’augmenter le nombre de donneurs de spermatozoïdes.

À partir du 1er septembre 2023, l’âge limite pour faire un don de spermatozoïdes passerait de 44 à 49,3 ans. Ensuite, tous les 3 mois, l’âge limite sera progressivement augmenté jusqu’à atteindre l’âge de 64 ans. Les centres de don recevant plus de 300 donneurs par an auront l’obligation de mettre un index seniors. Cet indicateur permettra de vérifier que les centres de don ne discriminent pas les donneurs en fonction de leur âge.

Un autre changement serait que les donneurs de spermatozoïdes pourraient être indemnisés. L’objectif étant que les donneurs qui seront allés au bout de leur don, aient l’assurance de recevoir au moins 1200 € (soit l’équivalent d’au moins 85% du SMIC). Cette mesure serait également applicable au don d’ovocytes et le gouvernement prévoit de prendre en considération sa pénibilité particulière et en conséquence, les femmes auront droit pour leur indemnité à une généreuse surcote de 5% et même de 10% pour les femmes qui feront le choix de faire 2 dons d’ovocytes.

Edit : Vous aurez deviné qu’il s’agissait d’un poisson d’avril s’inspirant de l’actuelle réforme des retraites.

Témoignage de Diane

Mon corps est à moi, sauf mes ovocytes ?

C’est sur les bancs de l’université que j’ai fait la connaissance de Camille, qui m’a révélé assez tôt ne pas être capable de devenir mère car elle était atteinte du syndrome de Turner. C’est un maladie qui touche exclusivement les femmes, avec des manifestations variables dues à l’absence complète ou partielle d’un des deux chromosomes X. Ces femmes ont notamment un défaut de fonctionnement des ovaires, obligeant le recours au don d’ovocytes pour avoir des enfants. Camille a toujours sensibilisé son entourage au don.

Et pourquoi pas moi ? Mon amie n’avait pas besoin de moi pour un don (les personnes éligibles au don peuvent raccourcir leur délai d’attente en venant avec une donneuse), mais je ne faisais pas une grande utilité de mes ovocytes. J’ai 30 ans, en couple depuis 8 ans mais pas de projet d’enfant, je ne sais pas si ce choix est définitif.

Ce don était pour moi une façon de faire preuve de sororité. Je m’estime chanceuse d’être en bonne santé. Au niveau purement génétique,mes parents sont toujours en vie, ma mère de 70 ans rentre toujours dans du 36 et fait son footing tous les matins, elle n’a jamais eu de grave problème de santé. Mon frère et son fils sont aussi en bonne santé. Bref, tous les feux sont au vert me direz-vous. Le don de gamète ne me pose pas de problème éthique, je ne vois pas dans le don d’une cellule un abandon d’enfant.

Je me suis donc rendue au centre habilité au don d’ovocytes le plus près de chez moi, à 20 kilomètres. L’accueil est agréable mais on m’annonce que les différents entretiens préalables (gynécologue, psychologue, généticienne) ne pourront être fait le même jour à cause d’une incompatibilité d’agenda des différents professionnels. Je prends donc 2 demi jours de congés pour me rendre aux RDV. On me donne de nombreux papiers à remplir dont un formulaire qui retient mon attention : le consentement de mon conjoint.

« Mon corps m’appartient », ce slogan qui a défendu le droit à l’avortement résonne en moi comme un étendard. Et c’est au cours de ce don qu’on le réfute violemment. Les professionnels de santé sont désolés : « si vous déclarez que vous êtes célibataire, vous n’aurez pas à le remplir, c’est une simple déclaration ». Révoltant. Je suis en couple, mon conjoint soutient ma démarche mais il se demande bien qu’est-ce qu’il vient faire là dedans. Quel droit a-t-il sur MES cellules ? « Ne vous inquiétez pas, c’est la même chose pour les hommes ». C’est censé me rassurer ? Dans quelle société sommes nous encore ? Quel droit la vie commune donne sur le corps de l’autre? Sur ses choix? J’ai vécu la signature de ce formulaire d’autorisation comme une vraie violence. J’étais convaincue que le combat mené par des générations de femmes avant moi m’éviterait de demander l’autorisation de mon conjoint dans quoi que ce soit.

La seconde épreuve fut la généticienne. Naïvement, je pensais que ne pas avoir connaissance de maladie grave suffisait. Ma famille a une histoire complexe, comme de nombreuses familles je pense. J’ai rompu les liens avec mon père et donc sa famille, et ma mère a perdu ses parents et n’a jamais vraiment créé de liens avec ses frères et soeurs. La généticienne entreprend un arbre généalogique qui s’avère truffé de points d’interrogation et de vide. Elle reste bienveillante mais m’explique que si je ne fais pas des recherches sur ma famille, le don ne pourra pas se faire car il sera trop “risqué” pour les receveurs. Elle me prescrit une prise de sang avec de nombreuses recherches génétiques que je pars faire au laboratoire. Elle me demande de faire des recherches sur ma famille et de la recontacter. Je suis prête à subir une stimulation ovarienne, à subir une ponction douloureuse, mais certainement pas à plonger dans une histoire familiale que je devine venimeuse. C’est trop. Je n’ai jamais été recontactée par le centre de don d’ovocytes.

Tout ça… pour rien! Nous manquons cruellement de dons d’ovocytes en France. Le don est anonyme et gratuit, il est plus éprouvant (stimulation ovarienne, échographie), douloureux parfois. Sélectionner sévèrement les candidates selon des règles décidées par la médecine ne serait-il pas un luxe?

A 30 ans, débordante de santé, j’ai été “ghostée” par le centre de don d’ovocytes (aucune lettre de refus, aucune relance). Certes la crise sanitaire a dû bouleverser les plannings mais les demandes des couples infertiles sont toujours là. La vraie problématique est toujours la question du refus du choix, et du déni d’autonomie de la personne dans la médecine de 2020. Refus de l’autonomie de la donneuse qui doit demander à son conjoint et refus de l’autonomie des receveurs à qui on pourrait proposer mon profil et le “risque” associé. Le refus de mon don se fait selon des critères qui ont été fixés par un
paternalisme médical qui n’a plus lieu d’être.

Décision du Tribunal administratif de Paris

Un ancien donneur de spermatozoïdes a demandé en 2019 à avoir accès à certaines de ses données personnelles (notamment ses caractéristiques physiques) se trouvant dans son dossier médical de donneur. L’hôpital a répondu à la demande en 2021 et a refusé de faire droit à la demande d’accès du donneur de spermatozoïdes à ses propres données personnelles et médicales se trouvant dans son dossier médical. Le motif de refus était que la communication de ces données serait contraire au principe d’anonymat.

La 5e Section – 1re Chambre du Tribunal administratif de Paris a décidé le vendredi 10 mars 2023 d’annuler la décision de refus de l’hôpital. Le tribunal a également décidé que l’hôpital versera au donneur de spermatozoïdes la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Déclic : Faut-il lever l’anonymat des donneurs de sperme ?

L’émission Déclic (chaîne RTBF) propose l’émission : « Faut-il lever l’anonymat des donneurs de sperme ? »

Date : 20/02/2023
Lien : https://auvio.rtbf.be/media/declic-en-tv-declic-faut-il-lever-lanonymat-des-donneurs-de-sperme-3001357

Description :
Faut-il lever l’anonymat des donneurs de sperme ? Le comité de bioéthique s’est prononcé sur cette question, de manière nuancée. puisqu’il préconise plusieurs options laissées à l’appréciation des donneurs et des couples demandeurs. Nous débattrons de cette question avec jacynthe dancot, membre du comité de bioéthique et Loreana Ventimiglia, qui cherche à connaître l’identité de son père biologique.

Projet Contact

Nous relayons l’annonce d’une étude qui démarre et qui nous semble particulièrement intéressante. En effet, quand la CAPADD sollicite des donneurs ancien régime pour qu’ils consentent à communiquer leur identité, il est légitime qu’ils se questionnent sur l’étape suivante, à savoir le possible contact avec la personne issue de leur don.


Bonjour, je suis Anaïs Martin, anthropologue et chercheuse postdoctorale à l’Université du Québec en Outaouais (Canada). Avec Isabel Côté (Professeure au département de travail social de l’Université du Québec en Outaouais), je lance un projet de recherche sur l’expérience des donneurs et donneuses de gamètes qui ont été contactés par une personne issue de leur don. Nous cherchons des volontaires pour participer à un entretien et nous raconter leur histoire. Nous acceptons la participation des donneurs/donneuses qui ont répondu à la demande de contact, mais aussi de celles et ceux qui n’ont pas souhaité donner suite. Le contact doit avoir été demandé à l’initiative de la personne conçue par don mais peut être passé par un intermédiaire (comme une commission ou un registre par exemple).

Pour en savoir plus sur l’enquête, n’hésitez pas à m’écrire (anais.g.martin@uqo.ca) ou à visiter notre page web : https://crcppa.uqo.ca/nos-projets/recrutement-en-cours/projet-contact

ADN

Résumé
Papaoutai
Chez nous, on pense que 50 000 personnes sont nées d’une procréation médicalement assistée. Combien parmi elles sont le fruit d’un don de sperme anonyme ? On ne le sait pas. Les principaux intéressés ignorent souvent tout de leur filiation. Dans cette histoire, le secret est capital. Cette pièce documentaire tente de le lever, en donnant, pour la première fois, la parole aux enfants.
Myriam Leroy (prix de la critique 2017 de la meilleure autrice pour Cherche L’amour, autrice de la pièce Les Yeux Rouges) signe ici un texte inédit et puissant sur l’identité, la filiation et ce qui fait qu’on est ce qu’on est.
À partir de sa propre histoire, elle délivre un propos universel et poignant hors des sentiers de l’humour que le TTO emprunte habituellement mais où l’on rit souvent, c’est promis.

L’équipe
Mise en scène Nathalie Uffner Assistanat à la mise en scène Aurélie Trivillin Avec Julie Duroisin, Emmanuel Dell’Erba, Sandy Duret, Antoine Cogniaux Décor sonore Laurent Beumier Scénographie et Costumes Thibaut De Coster, Charly Kleinermann Création Lumières Alain Collet Chorégraphies  Clément Thirion Illustrations Justin Lalieux Animations Gabriel Balaguera Photo © Fahd Zidouh Production Théâtre de la Toison d’Or

Informations pratiques
du 15 Septembre 2022 au 22 Octobre 2022
Le mercredi à 19h30, du jeudi au samedi à 20h30
Lieu : théâtre de la Toison d’Or
Site Internet : http://www.ttotheatre.com/spectacle/adn/

La trajectoire des gamètes

Présentation
Petite fille conçue par un couple de femmes dans les années 80 puis élevée au sein d’une famille recomposée, Cécile a maintenant 36 ans. Entre séances psy et examens gynéco, elle se lance dans la généreuse aventure du don d’ovocytes. Un récit truffé d’anecdotes aussi drôles que touchantes. Une ode à toutes les formes de parentalités, en mots, en doutes et en musique. Une ode à la vie.

Informations pratiques
Genres : Société, Théâtre contemporain
Lieu : La Manufacture des Abbesses, Paris 18e
Date de début : 24 janvier 2023
Date de fin : 15 avril 2023
Site Internet : https://www.manufacturedesabbesses.com/theatre-paris/la-trajectoire-des-gametes/

L’équipe
L’autrice – Laura Léoni
Mise en scène : Morgan Perez
Comédienne – Cécile Covès
Collaboration artistique : Leila Moguez
Création sonore : Tim Nadeau
Distribution : Cécile Covès

L’AUTRICE – Laura Léoni
Laura Léoni est une dramaturge et comédienne. Après un parcours universitaire et un passage en école de journalisme, elle se consacre, à partir de 2014, pleinement à ses pièces, aujourd’hui au nombre de dix. “Tenir debout” et “Au milieu des hommes”, ont été créés en 2013 et 2014 à Paris, au Guichet Montparnasse et au Théâtre de la Bastille.
“Anatomie d’une absence” et « Les saintes écorchures » sont éditées par Les Cahiers de l’Égaré et régulièrement lues, ainsi que « Ailleurs qu’en été », dans différents théâtres et évènements consacrés aux écritures contemporaines. En parallèle de sa septième pièce « Ne laisse pas nos corps aux chiens et aux oiseaux », elle a cosigné un solo humoristique au sujet de la femme à travers l’histoire pour Diane Prost « La folle et inconvenante Histoire des Femmes ».
Depuis 2019, elle travaille comme auteur pour la compagnie du Libre Acteur dirigée par le metteur en scène Sébastien Bonnabel pour lequel elle a écrit la pièce « Vivat » et une série tournée en plan séquence « Il est déjà trop tard » . Elle a également scénarisé plusieurs courts-métrages, dont « Je suis la fois de trop » réalisé par Diane Prost et « Je suis nue » réalisé par Alexandra Mignien sélectionné et récompensé dans de nombreux festivals.

METTEUR EN SCÈNE –Morgan Perez
Morgan Perez a suivi une formation à l’école Florent. Très tôt, il a travaillé en tant qu’acteur. Il a joué différents répertoires, du théâtre classique à la comédie en passant par le théâtre politique et social. Il a travaillé aussi bien dans le théâtre privé que dans le subventionné. En sortant de l’école, il travaillait déjà beaucoup comme acteur et a commencé un travail d’assistant à la mise en scène tout en se formant à l’écriture. Après quelques expériences comme assistant, il intègre un collectif qui travaille à l’image. Il reste 10 ans dans ce collectif et revient ensuite au théâtre, sa maison, riche de toutes ces expériences. Il joue, écrit et fait ses premières mises en scène. Il connait un certain succès avec le spectacle « Maligne » qu’il a coécrit et mis en scène.
Aujourd’hui, il décide de recentrer sa recherche et son travail pour développer son écriture et son théâtre dans un travail de compagnie. Ses différentes expériences et les nombreux univers et fonctions traversés lui donne une expertise assez précise du métier et de ce qu’il veut faire. Le Misanthrope est un point de départ, il est actuellement en train de développer plusieurs projets, notamment la première pièce qu’il signe seul.

COMÉDIENNE – Cécile Covès
Ses passions pour le théâtre et la danse commencent très tôt. Elle intègre dès l’âge de 6 ans un cursus scolaire Danse-Etudes au Conservatoire Régional de Basse-Normandie, jusqu’à ses 15 ans.
Après un parcours universitaire et un passage en agence d’urbanisme, elle se consacre ensuite au théâtre et intègre les Cours Florent et studio Pygmalion.
Après avoir joué sur scène dans différents registres, elle fonde en 2018, la compagnie Camélia. Et co-produit 3 pièces entre 2019 et 2021, « Nos petits secrets », « L’oiseau bleu », « La folle et inconvenante histoire des femmes ». Du côté de l’image, elle participe à plusieurs longs métrages français et américain, films institutionnels et spots publicitaires. Elle est également la voix de publicités radios et double des séries sur Disney Channel.

COLLABORATION ARTISTIQUE – Leïla Moguez
Leïla est comédienne et metteuse en scène. Après sa formation à l’Acting International, elle rencontre en 2006, Yann Reuzeau, directeur du Théâtre de la Manufacture des Abbesses, Auteur et Metteur en scène. Elle sera son assistante sur deux pièces : Les Débutantes, en 2006 et Monsieur le Président en 2008. De là, commencera une longue collaboration avec le théâtre de la Manufacture des Abbesses. En tant que comédienne, Leïla y jouera notamment dans Le Regard des Autres de Christopher Shinn, Dieu de Woody Allen, Chute d’une Nation, une saga politique en 4 épisodes de Yann Reuzeau, reprise au Théâtre du Soleil en 2017 ou encore Feel Good, de Thomas Gunzig. . Elle y mettra également en scène plusieurs spectacles : Seawall de Simon Stephens, Né sur X de Anne Percin, La Mise au Pas de Alexandre Duclos ou Et avec sa queue, il frappe de Thomas Gunzig.
En 2015, elle crée la Compagnie Anansi, dont elle assure la direction artistique. Au sein de la Cie, elle adapte et met en scène deux spectacles jeune public : Le Fantôme de Canterville d’après Oscar Wilde et Scoubidou, la poupée qui sait tout d’après Gripari.

CRÉATION SONORE – Tim Nadeau
C’est à l’âge de huit ans, après avoir posé les mains sur sa première guitare, que Tim commence à développer une passion croissante pour la musique qui le conduira à être diplômé en musicologie et de la formation de musicien professionnel de l’école Atla.
Depuis plus de dix ans, il enseigne la musique à l’Académie du 13ème à Paris.
Parallèlement à sa formation et son métier d’enseignant, Tim officie, depuis l’âge de quinze ans, en tant que guitariste, compositeur et arrangeur dans différents projets musicaux qui lui ont permis d’acquérir une solide expérience de la scène, du studio et de la production musicale. En 2018 il intègre notammant Except One, formation émergante de la scène metal française avec laquelle il a pu parcourir l’Europe et ouvrir pour des artistes de renom.
Autant passionné par les musiques de film que par le rock, Tim décide également d’utiliser ses talents de compositeur et sa maîtrise des outils de musique assistée par ordinateur pour se lancer dans la création de musique à l’image et pour le spectacle vivant.

EXTRAIT PIÈCE
Après pendant un certain temps j’ai été la fille du fleuriste.
Pour lui je ne me souviens pas d’un visage. J’ai juste les gestes. Deux mains silencieuses qui arrangent des fleurs au fond d’un magasin. Là aussi c’est une histoire de beauté, mais plus diffuse, plus lointaine, comme si c’était la boutique tout entière mon père.
Puis y’a eu le trapéziste. Magnifique lui aussi, grand, les cheveux châtains, le nez droit. Quand je le voyais s’élancer à travers le théâtre de Caen comme si c’était rien, comme si tout était léger et facile. J’avais envie qu’il m’enlève. Qu’il me trouve toute petite au milieu du public pour m’emmener dans ses hauteurs.
Et alors dans ses bras, sur la scène, d’un coup tout le monde aurait pu me voir.
Enfin.
Parfois j’attrapais la main de ma mère pour qu’elle se penche vers moi et je lui demandais :
« C’est lui mon père ?»
Elle se contentait de répondre non. Mais quand même j’avais des doutes. Il faut me comprendre Pour une petite fille de trois ans un homme capable de s’envoler c’est forcément son père.
D’ailleurs c’est ça que ça veut dire non ? Skywalker. Qui marche dans le ciel ?
Hein ?
Mon groupe sanguin ? C’est un petit peu brusque ça comme changement de sujet…
On sent que le personnage hors champ la coupe.
Cécile : Oui, non bien sûr, je comprends
On sent que le personnage hors champ la coupe.
Cécile : Oui en effet…
On sent que le personnage hors champ la coupe.
Cécile : Écoutez
Elle se penche pour lire le badge de de la jeune femme
Cécile : Écoutez Sylvie, je sais que pour un don d’ovocytes vous avez besoin de certaines informations médicales de base mais je crois que ce que je suis en train de vous raconter c’est tout aussi…
On sent que le personnage hors champ la coupe.
Cécile : Ok très bien, O positif.
Le personnage hors champ note.
Cécile : Ben, vous m’avez en face, c’est vraiment nécessaire ?
Le personnage hors champ acquiesce
Cécile : Peau blanche, yeux marron… Enfin noisette. Cheveux châtains. 37 ans et demi. Oui et demi.
Petite réaction de Sylvie
Cécile : Oui, je sais, c’est la limite fatidique, l’obsolescence programmée du bas ventre… Rien n’a changé, la date est dépassée, on a trop peur de les utiliser.
Cécile : Bref, 37 ans et demi. Un mètre soixante-quatre, 85D.
Sylvie tique
Cécile : Ah si si c’est important, notez-le. Notez-le parce que mon 85D je le traîne depuis que j’ai onze ans… Oui, j’ai été formée très jeune comme on dit…. Donc si le bébé est une fille, il faut que les parents se préparent psychologiquement à la chose…
Cécile laisse échapper un petit rire.
Cécile : Ma mère voulait que je sois une ballerine… Elle rit encore… Oh la déception ! L’utopie ! Ah ben si j’vous jure. La danse classique quand à 11 ans, tu as les seins d’une actrice porno des années 70, c’est compliqué…J’étais pas la grâce incarnée…Puis, j’aimais pas du tout ça…
Cécile passe dans la peau de son prof de danse
Jacques : allez ! allez ! en ligne ! Pénélope, Chloé, Elsa, première ligne, Maud, Bérénice, deuxième ligne. Cécile, mets-toi derrière, voilà, recule, encore, encore, encore, vas-y t’as de la marge, encore, oui, je sais que tu es dans le couloir, encore, encore, voilà ! Maintenant ferme la porte.

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Bientôt un droit d’accès aux origines en Belgique ?

Le Comité consultatif Bioéthique de Belgique a publié le 5 décembre 2022 un avis favorable pour l’instauration d’un droit d’accès aux origines pour les personnes issues d’une AMP avec tiers donneur.

Votre demande d’avis du 24 février 2022 relative à l’anonymat du don de sperme et à la révision de l’avis n°27 du 8 mars 2004

Monsieur le ministre,

Par votre lettre du 24 février 2022, vous avez en tant que Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique saisi le Comité consultatif de Bioéthique à propos du don de sperme. Vous demandiez de réviser l’avis n°27 émis par le Comité le 8 mars 2004.

Le présent avis par lettre est centré sur l’anonymat du donneur de gamètes. D’autres aspects, tels que la communication de la conception par donneur, ne sont abordés que lorsqu’ils sont pertinents pour l’anonymat. L’avis par lettre s’efforce surtout de tracer les grandes lignes, sans développer dans le détail l’ensemble des considérations éthiques et pratiques impliquées. Dans le présent avis, le terme « donneur » désigne les donneurs de sperme, d’ovules et d’embryons du circuit officiel (c’est-à-dire les banques et les centres de fertilité agréés).

Cadre général
Le débat sur l’anonymat est un sujet délicat où se confrontent des divergences de vue quant à la conception du lien parental et l’importance à accorder à ses composantes biologique, psychologique et sociale. La pratique actuelle du don de gamètes repose sur une conception de la parenté qui se fonde principalement sur l’intention et les liens sociaux et psychologiques établis avec l’enfant. A côté de cette position priorisant la dimension sociale et psychologique de la parenté existe une variété de positions qui reconnaissent, à différents degrés, la dimension génétique de la définition de la parenté et éventuellement de l’identité de la personne. L’on trouve ainsi à l’autre bout de ce continuum une conception de la parenté selon laquelle la dimension génétique prédomine et doit être reconnue socialement, si pas légalement, pour le bien-être de toute personne issue du don. Il semble néanmoins que la majorité des positions actuelles se situe entre ces deux extrêmes et reflète une volonté de reconnaître la dimension génétique de la parenté et de l’identité d’une façon ou d’une autre, par exemple simplement en informant l’enfant de son mode de conception par don ou bien en permettant aux personnes issues d’un don d’accéder à des données identifiantes sur leur donneur, sans que les liens sociaux ni légaux de leur parenté ne soient modifiés.

Points importants

Dévoilement du mode de conception

Le Comité estime que la décision de dire ou non à l’enfant qu’il a été conçu avec les gamètes d’un donneur doit revenir aux parents. Il faut veiller à ce que les parents soient suffisamment informés, et de façon neutre, des avantages et inconvénients des différentes options. Il est ainsi important de communiquer au donneur et aux receveurs les évolutions sociales et scientifiques récentes en la matière (telles que la possibilité de découvrir la filiation avec le donneur par un test génétique). Un accompagnement devrait être proposé aux parents qui souhaitent être aidés dans le cadre de cette décision.

Bien-être de l’enfant

Des études scientifiques réalisées sur les enfants nés grâce à un don de gamètes permettent de conclure que la connaissance de l’identité du donneur n’est pas indispensable pour le développement équilibré de ces enfants. Il ressort de dizaines d’études que le bien-être, le développement psychologique et la qualité des relations parent-enfant des enfants nés au moyen d’un don de gamètes ne diffèrent pas de ceux des enfants nés à partir du matériel génétique de leurs parents (Zanchettin et al., 2022). Les enfants qui ne sont pas au courant de leur origine par donneur s’en sortent tout aussi bien et ont une aussi bonne relation avec leurs parents que ceux qui le savent (Pennings, 2017). Par ailleurs, des études longitudinales ont été réalisées auprès d’enfants de couples lesbiens (jusqu’à l’âge de 18 ans) avec différents types de donneurs. Celles-ci révèlent qu’il n’existe aucune différence de développement psychologique entre les enfants qui ont eu un donneur anonyme, un donneur identifiable ou un donneur connu (Carone et al., 2021). Autrement dit, il n’existe aucune indication scientifique prouvant que l’absence d’informations sur l’origine génétique créerait des problèmes de construction identitaire chez l’enfant. La construction identitaire est d’ailleurs un processus très complexe qui s’étale sur une longue période. De nombreuses données peuvent constituer l’identité d’une personne et les gens font des choix et ont des besoins distincts en la matière. Les informations relatives à la filiation peuvent, mais ne doivent pas nécessairement être un élément de la perception que l’on a de soi.
Certains adultes nés d’un don de gamètes indiquent vouloir connaître le nom du donneur et entrer en contact avec celui-ci. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce souhait. Une grande partie de ces personnes souhaitent recevoir ces informations par curiosité, pour se faire une meilleure idée de leur origine ou pour pouvoir comprendre certains traits de leur personnalité. Elles ne considèrent pas que ces informations sont indispensables à leur bienêtre. Un certain nombre d’adultes, en revanche, déclarent subir un préjudice grave du fait de ne pas connaître l’identité du donneur. Ils éprouvent ce besoin parce qu’ils attachent énormément d’importance à la relation génétique pour la détermination de la parenté et de l’identité (Pennings, 2022). Il est difficile de connaître l’ampleur de ce groupe. Certaines personnes vont chercher à savoir, d’autres non. Sur les quelque 900 enfants nés d’un don et entre-temps devenus adultes en Suède (où l’anonymat a été levé en 1985), 7 % ont réclamé des informations sur le donneur (Lampic et al. 2022).

Politique à voies multiples

La législation belge actuelle impose l’anonymat du donneur, à l’exception du don connu où le donneur et le receveur se connaissent au moment du don.
Le Comité est favorable à la levée de l’anonymat obligatoire. Il n’y a pas suffisamment de motifs impérieux pour ne pas laisser cette décision aux personnes concernées. Au départ du processus, l’attention est ainsi placée aussi bien sur l’autonomie des parents d’intention que sur celle des donneurs. La procédure prônée par le Comité est qu’au début du traitement ou du don, une politique à voies multiples soit proposée. Tant le donneur que le receveur y ont trois options : anonyme (l’identité du donneur et du receveur n’est pas divulguée par l’hôpital), identifiable (l’identité du donneur peut être réclamée par l’enfant né du don à un certain âge) et connu (le donneur et le receveur se connaissent au moment du don). Cette politique à voies multiples est basée sur le principe qu’il relève de l’autonomie reproductive des parents de décider dans quelle mesure ils veulent impliquer le donneur dans leur famille. Le donneur jouit des mêmes possibilités en matière d’identifiabilité et de contact. Cet élément est essentiel au regard de sa décision de faire ou non un don. Chaque personne a la liberté de décider elle-même si les conditions d’un don sont acceptables. La concordance des souhaits des receveurs et des donneurs offre la meilleure garantie d’une collaboration harmonieuse. Ce choix est une convention que les parties sont censées respecter pendant une certaine période (voir plus loin) et sur laquelle elles peuvent aligner leurs autres choix (comme la révélation ou non à l’enfant). Comme dans toute procréation, les intérêts supposés de l’enfant ne peuvent qu’être portés par ses parents : aucun enfant n’est jamais consulté sur sa conception, ni sur les circonstances dans lesquelles il est né. Dans une politique à voies multiples, l’enfant n’a pas un droit en tant que tel de connaître son origine génétique. Un tel droit devrait être fondé sur un intérêt supérieur de l’enfant et cet intérêt n’a pas été démontré jusqu’à présent. En outre, l’intérêt de l’enfant doit toujours être mis en balance avec les intérêts des autres parties concernées. Les parents sont en principe les mieux placés pour déterminer les conditions offrant la plus grande garantie pour le bienêtre de leur (futur) enfant. Des conseils non directifs doivent permettre aux parties prenantes de prendre une décision mûrement réfléchie au sujet des options.
Offrir ces options devrait également permettre aux personnes concernées de voir leurs valeurs et leurs choix reflétés dans la pratique du circuit officiel. En effet, les recherches montrent que les donneurs et les receveurs se tournent en grand nombre vers les médias sociaux et les sites internet permettant de mettre en contact des donneurs et des receveurs parce qu’ils sont en désaccord avec les règles imposées dans le circuit officiel. Cette évolution présente plusieurs risques (Pennings, sous presse).
Les donneurs et les receveurs doivent par ailleurs être informés dès le départ du fait que l’anonymat ne peut plus être garanti. Tout individu peut envoyer un échantillon de salive à une entreprise qui effectue des analyses ADN et découvrir de nombreux parents génétiques (même si ces personnes n’ont jamais donné d’ADN pour un tel test) par le biais de grandes bases de données génétiques. Ils peuvent dès lors tenir compte de cette donnée dans leur décision de participer ou non au don et dans leur choix quant à l’anonymat / la possibilité d’identification / être donneur connu au moment du don. Cette évolution ne change fondamentalement rien à l’objectif proprement dit de ce choix, à savoir indiquer dans quelle mesure les parents et le donneur souhaitent avoir des contacts et échanger des informations entre eux et avec l’enfant.

Gestion des données et soutien aux parties prenantes

Le choix opéré par le donneur et le(s) receveur(s) au moment du don peut être revu ultérieurement si une demande est formulée par un enfant né d’un don, à un âge qui pourrait être fixé à 16 ou 18 ans. Cette possibilité peut se justifier par le fait que l’enfant est devenu, entre-temps, autonome et peut désormais remettre en question le choix de ses parents. Il devrait donc, à l’âge où il a atteint la maturité suffisante, être en mesure de poser la question au donneur lui-même. Vu la longueur de la période intermédiaire, il est possible qu’un donneur ayant initialement opté pour l’anonymat ait changé d’avis ou que les circonstances aient tellement changé que la décision antérieure doive être revue. Le donneur doit être informé de la possibilité de ce contact ultérieur au moment du don.
L’enfant peut, à partir de l’âge prévu et s’il le souhaite, demander au donneur s’il est prêt à échanger des informations et ce, par l’intermédiaire du centre de fertilité où a eu lieu le traitement. Le centre de fertilité doit dans ce cas contacter le donneur, en toute discrétion afin d’éviter que l’entourage de ce dernier soit accidentellement informé du don par le biais de cette démarche. Le donneur et l’enfant (avec le centre de fertilité jouant éventuellement le rôle de médiateur) discutent de la quantité et du type d’informations supplémentaires qu’ils souhaitent partager l’un avec l’autre et de l’éventualité d’un contact personnel direct. Un accompagnement dans ce processus doit être proposé par le centre de fertilité, sans être obligatoire pour les parties impliquées. Aucune décision unilatérale ne peut être prise ou imposée en la matière. En d’autres termes, l’anonymat des parties ne peut être levé sans leur autorisation.
Le Comité estime en outre que tous les enfants issus d’un don et qui le souhaitent doivent pouvoir accéder à des informations non identifiantes sur le donneur, quel que soit le type de donneur. L’enfant doit pouvoir demander ces informations (fournies par le donneur au moment du don, c’est ce qu’on appelle le profil du donneur) au centre de fertilité ou à une base de données centrale.
La question relative à l’identifiabilité n’a aucun rapport avec l’accès aux informations médicogénétiques. Si des experts estiment que l’obtention d’informations génétiques sur le donneur est importante pour la santé de l’enfant, cela peut être réalisé sans révéler l’identité du donneur à l’enfant ou aux receveurs. L’échange de ces informations est normalement organisé entre les médecins traitants ou les hôpitaux.

Adaptations légales

Le Comité estime qu’une politique à voies multiples implique deux nouvelles tâches.
La première tâche consiste à conserver les informations sur les parties prenantes et leurs choix pendant une période suffisamment longue. Le Comité propose à cette fin de créer une banque de données centrale avec les données des parties concernées. La principale raison est que les personnes nées d’un don de gamètes disposeront ainsi d’un point central pour réclamer des informations si elles ne savent pas dans quel centre leur mère ou leurs parents ont suivi le traitement. Une base de données centrale constitue également une meilleure garantie de conservation des données au cas où un centre de fertilité fermerait ses portes. La deuxième tâche consiste à soutenir les parties concernées dans leurs interactions lorsqu’elles en ressentent le besoin. Le Comité propose de confier cette tâche aux centres de fertilité. L’attribution de cette tâche aux centres de fertilité a pour avantage que l’expertise nécessaire y est présente et que le donneur et le(s) receveur(s) sont déjà familiarisés avec le centre dans lequel ils ont fait leur don ou ont bénéficié d’un traitement. Il faudrait établir un cadre légal qui décrive ces deux tâches et règle les modalités de l’échange d’informations entre les parties concernées.

Conclusion

Aucune solution ne peut répondre pleinement aux attentes, besoins et désirs de toutes les parties impliquées. Dans cette matière complexe, il faut trouver un juste milieu. Le Comité estime que celui-ci peut résider dans une politique à voies multiples, en y ajoutant la possibilité pour la personne née par un don anonyme de gamètes de solliciter du donneur, à l’âge adulte, des informations supplémentaires et/ou un contact personnel et ce, par l’intermédiaire du centre de fertilité.