Association Enfant de l’insémination avec donneur

En décembre 2023 a été créé l’association Suisse « Enfant de l’insémination avec donneur ». La fondatrice et présidente est Anne Marie Le Penven.
Site Internet de leur association : https://enfantdelinsemination.com

La fondatrice de l’association a publié le 11 avril 2024 l’article « J’ai envoyé une demande à la CAPADD pour connaître mon donneur et je sais déjà que ça ne va pas aboutir ».
Lien : https://enfantdelinsemination.com/recherche-dorigines-la-capadd-impuissante-et-sans-reponse-pour-les-conceptions-hors-cecos-reflexions-et-propositions/

Cet article/vidéo aborde la problématique des personnes qui ont été conçus avant 1994 dans un cabinet de gynécologie et qui ne peuvent pas exercer leur droit d’accès aux origines.

QPC sur la loi bioéthique (2)

Cet article est destiné à répondre aux différentes interrogations relatives à une QPC qui a été déposée le 28 janvier 2023 auprès du Conseil d’Etat.

La question transmise est la suivante :
« L’article 342-9 du code civil dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, en ce qu’il exclut le droit pour les personnes issues d’un don de spermatozoïdes et n’ayant qu’un seul parent, à être adoptées par le donneur, est-il contraire au principe de liberté individuelle et au droit à une vie familiale normale ? »

1. Qu’est qu’une QPC ?

La Constitution française permet de garantir les droits fondamentaux des citoyens. Elle pose, par exemple, le principe de l’égalité des citoyens devant la loi, fait du suffrage universel la source de la légitimité politique et accorde à chacun le droit de faire entendre sa cause devant un tribunal indépendant.

La Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est un droit reconnu à toute personne de demander que soit contrôlé qu’une disposition législative est bien conforme aux droits et libertés que la Constitution garantit. Pour prendre un exemple simple, la Constitution française prévoit en son article 66-1 que « nul ne peut être condamné à la peine de mort ». Cela signifie que s’il était adopté une loi instaurant la peine de mort, une personne serait en droit de déposer une QPC afin que soit contrôlé si la loi respecte bien les droits et libertés que la Constitution garantit.

C’est le Conseil Constitutionnel qui est chargé de veiller à ce que les lois françaises soient conformes à la Constitution.

2. Est-ce utile que les lois respectent la Constitution française ?

Il est toujours souhaitable que les lois respectent les droits et libertés que la Constitution française garantit.

3. La loi bioéthique de 1994 et la question de la filiation

Jusqu’en 1994, la pratique du don de spermatozoïdes était peu encadrée et il n’y avait pas de loi spécifique en ce qui concerne la filiation des personnes issues d’une AMP avec tiers donneur, ce qui était dommageable pour les enfants. En cas de séparation du couple, il pouvait arriver que l’enfant s’entende dire de la part de sa mère : « Ton père n’est pas ton père » et que la filiation entre l’enfant et son père soit cassée au motif que l’homme n’est pas le père biologique de l’enfant.

C’est pour cette raison qu’a été introduit plusieurs articles de loi pour protéger la filiation entre l’enfant et son père même si celui-ci n’est pas le géniteur.

Lors de la première loi de bioéthique de 1994, la question d’un lien de filiation entre l’enfant et le donneur de spermatozoïdes ne pouvait pas se poser car la loi imposait que l’enfant issu du don ait 2 parents et la loi imposait également l’anonymat absolu avec le donneur.

4. La loi bioéthique de 2021 et la question de la filiation

Comme dit précédemment, la question du lien de filiation entre l’enfant issu d’un don et le donneur ne se posait en 1994 pas pour 2 raison :
1) L’anonymat absolu du don faisait que la personne issue du don et le donneur ne pouvaient pas se connaître
2) Les enfants avaient obligatoirement 2 parents

La loi de bioéthique de 2021 a apporté les modifications suivantes :
1) « PMA pour toutes », ce qui signifie que les femmes célibataires ont à présent accès à l’AMP et leurs enfants n’ont qu’un seul lien de filiation
2) « Le droit d’accès aux origines », ce qui signifie que les personnes issues d’un don peuvent connaître l’identité du donneur

A noter qu’en plus du droit d’accès aux origines, il est également possible de retrouver le donneur grâce à des tests ADN. Cette pratique est théoriquement interdite mais dans la pratique, il n’y a jamais eu de poursuites.

Compte tenu de ces changements, la question du lien de filiation entre la personne issue du don et le donneur se pose. Durant l’examen du projet de loi bioéthique, cette question a d’ailleurs été longuement traitée. Des parlementaires souhaitaient que si la personne issue d’un don établissait une relation très forte avec son donneur, qu’elle puisse faire établir un lien de filiation du fait que celui-ci est son géniteur. Ces demandes ont été rejetés, avec comme argument que si la personne issue du don et le donneur établissent une relation très forte, il leur faudra passer par l’adoption pour établir le lien de filiation.

Le fait que le gouvernement explique que l’article 342-9 du code civil n’interdit pas l’établissement d’un lien de filiation entre la personne issue du don et le donneur au moyen d’une adoption, n’avait été critiqué par strictement aucune association à l’époque.

5. Sur quoi porte la QPC déposée le 28 janvier 2023 ?

La QPC qui a été déposée le 27 février 2023 porte sur l’article 342-9 du code civil :
« En cas d’assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation.
Aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l’encontre du donneur. »

L’objet de cette QPC est de comprendre la signification de cet article de loi.

D’après le gouvernement et plusieurs juristes, la signification de cet article de loi est qu’il interdit l’établissement d’un lien de filiation entre la personne issue du don et le donneur, en invoquant le lien biologique qui existe entre les deux. Il est donc impossible d’établir le lien de filiation au moyen d’une recherche en paternité ou au moyen d’une reconnaissance de paternité. En revanche, il n’existerait aucun interdit pour faire établir un lien de filiation qui n’est pas fondé sur le lien biologique.

Cependant, d’après d’autres juristes, la signification de cet article de loi est qu’il est strictement impossible d’établir un lien de filiation entre la personne issue du don et le donneur.

Les deux camps ont des arguments solides pour défendre leur point de vue, ce qui fait qu’actuellement, il n’y a aucune certitude sur la signification de cet article de loi, ce qui est bien évidemment problématique. L’intérêt de la QPC est de lever cette incertitude sur la signification de l’article d loi.

6. Sur quoi ne porte pas la QPC déposée le 28 janvier 2023 ?

Une QPC peut servir à demander l’abrogation d’un article de loi au motif qu’il n’est pas conforme à la Constitution. Dans le cas présent, la QPC déposée ne demande pas l’abrogation de l’article mais demande que le Conseil Constitutionnel apporte des précisions sur son interprétation.

Il est vraiment important de comprendre que l’article de loi sera maintenu en l’état. Il existe un consensus sur le fait que cet article de loi est protecteur pour toutes les parties prenantes et qu’en conséquence, il faut le maintenir. Il est indispensable qu’aucun lien de filiation ne puisse être imposé au motif qu’il existerait un lien biologique.

Le plus probable est qu’il n’ait jamais existé d’interdiction pour une personne issue d’un don, n’ayant qu’un seul lien de filiation avec sa mère et ayant établi une relation enfant-parent avec le donneur, de faire établir un lien de filiation avec le donneur au moyen d’une adoption. Pour connaître la volonté du législateur, il est toujours intéressant d’écouter les débats parlementaires et ceux de 1994 ne font jamais mention d’une volonté d’interdire les adoptions. Cependant, en supposant que le gouvernement soit dans l’erreur et que l’article de loi interdise l’établissement d’un lien de filiation au moyen d’une adoption, alors la QPC est destinée à supprimer cet interdit d’adoption tout en conservant la totalité des autres interdits qui permettent de protéger toutes les parties contre un lien de filiation qui serait imposé et non désiré.

7. Réponse à diverses inquiétudes

Comme cette QPC a été mal comprise, je vais essayer de répondre à diverses questions.

Question 1 : Je suis une femme célibataire et je viens d’avoir un enfant par AMP. Est-ce qu’avec votre QPC, il y a un risque que le donneur établisse un lien de filiation avec mon enfant mineur contre ma volonté ?
Réponse : Non, c’est impossible. Avec la QPC, l’impossibilité d’établir un lien de filiation par reconnaissance de paternité est maintenue. Si le lien de filiation se fait par adoption, cela nécessite que ce soit la mère qui soit à l’origine de la demande. Il faudra aussi nécessairement que le donneur accepte, et enfin, que ce soit validé par un juge dans le cadre d’une procédure très encadré.

Question 2 : Je suis un donneur de gamètes. Est-ce qu’avec votre QPC, il y a un risque que soit établi contre ma volonté, un lien de filiation avec une personne issue de mon don ?
Réponse : Non, c’est impossible. Avec la QPC, l’impossibilité d’établir un lien de filiation par recherche en paternité est maintenue. Si le lien de filiation se fait par adoption, cela nécessite que le donneur soit consentant.

Question 3 : J’ai 13 ans et je suis issu d’une AMP avec tiers donneur. Est-ce qu’avec votre QPC, il y a un risque que le donneur établisse un lien de filiation avec moi contre ma volonté ?
Réponse : Non, c’est impossible. Avec la QPC, l’impossibilité d’établir un lien de filiation par reconnaissance de paternité est maintenue. Si le lien de filiation se fait par adoption, cela nécessite que ce soit la mère qui soit à l’origine de la demande et il faudra de plus le consentement de la personne issue du don, ainsi que du donneur et enfin, d’un juge.

En effet, pour établir un lien de filiation qui n’est pas fondé sur la biologie, il faut respecter une procédure très encadrée. Il faut tout d’abord que toutes les parties concernées aient le désir d’établir le lien de filiation. Il faut aussi prouver qu’il existe une relation forte et durable entre l’adoptant et l’adopté. Tout ceci se fait dans le cadre d’une procédure encadrée par un juge spécialisé qui vérifie que les droits de toutes les parties sont bien respectées.

Question 4 : S’il n’y a pas d’interdiction d’établir un lien de filiation par adoption, est-ce que cela signifie que toutes les personnes issues d’un don auraient l’obligation de se faire adopter ?
Réponse : Non, en supprimant un interdit, cela offre une liberté supplémentaire sans créer la moindre obligation. Il faut bien comprendre qu’aucune démarche d’adoption n’est pas si toutes les parties prenantes n’expriment pas leur désire.

Il y a 10 ans de cela, des couples homosexuels s’étaient déclarés opposés au « mariage pour tous » au motif qu’ils n’avaient pas envie de se marier. Ces couples n’avaient pas compris que le fait d’offrir la liberté de se marier ne signifiait en aucune manière qu’il existait une obligation de se marier. Pour qu’un mariage se fasse, il faut nécessairement que les 2 membres du couple le désirent, et ce n’est donc pas quelque chose qui est imposé.

Il en va de même pour le droit d’accès aux origines. Lors de l’examen du projet de loi bioéthique, des personnes issues d’un don se sont prononcées contre ce droit au motif qu’elles ne souhaitaient pas connaître l’identité du donneur. Cependant, il s’agissait d’un droit et non pas d’un obligation. D’ailleurs, sur les dizaines de milliers de personnes issues d’un don, seules 363 ont à ce jour faire une demande auprès de la CAPADD, ce qui montre que cette saisie de la CAPADD est une liberté et non pas une obligation.

Question 5 : Pourquoi la QPC ne porte que sur les personnes issues d’un don qui n’ont qu’un seul parent ? Pourquoi ne pas faire la même demande pour les personnes issues d’un don qui ont 2 parents ?
Réponse : La loi française prévoit qu’une personne ne puisse avoir que 2 parents, ce qui interdit donc l’adoption d’une personne ayant déjà 2 parents. L’article 342-10 du code civil précise bien : « Le consentement donné à une assistance médicale à la procréation interdit toute action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation, à moins qu’il ne soit soutenu que l’enfant n’est pas issu de l’assistance médicale à la procréation ou que le consentement a été privé d’effet. » Pour qu’une personne qui a 2 parents puisse être adopté, il faudrait qu’il puisse au préalable casser le lien de filiation qui l’unit à son parent non biologique, ce que n’autorise bien évidemment pas la loi. Il n’aurait été ni souhaitable, ni légalement possible de proposer une adoption pour des personnes issues d’un don ayant 2 parents. Le requérant ne voulant pas remettre en cause l’article 342-10 du code civil, n’a tout logiquement pas proposé que les personnes issues d’un don et ayant 2 parents, puissent solliciter l’établissement d’un lien de filiation avec leur donneur.

8. Est-ce que l’établissement d’un lien de filiation peut nuire à quelqu’un ?

Est-ce que la QPC peut avoir des conséquences négatives pour quelqu’un ? A priori, les seules personnes qui pourraient être pénalisées, ce seraient les héritiers de la personne qui adopte car cela aura pour conséquence de diminuer leur part d’héritage. L’avantage de la procédure d’adoption est que si quelqu’un est pénalisé par une adoption, elle a la possibilité de se manifester et le juge en tiendra compte. Les personnes lésées ont même la possibilité de se plaindre après l’adoption car il est déjà arrivé que la justice annule des adoptions.

Nous avons la chance de vivre en France qui est un pays de liberté. La règle étant que par défaut, tout est autorisé à l’exception de ce qui est interdit. Pour inscrire un interdit dans la loi, il faut que celui-ci soit motivé car heureusement, il n’est pas possible d’interdire de manière arbitraire.

9. Est-ce qu’il faut s’attendre à un grand nombre d’établissement de liens de filiation ?

Non, cela devrait concerner un très restreint de personnes.

Pour que le lien de filiation puisse s’établir, il faut que toutes les conditions suivantes soient remplies :
– La personne issue du don n’ait qu’un seul lien de filiation
– La personne issue du don a recherché et retrouvé le donneur
– Une relation enfant-père doit s’établir entre la personne issue du don et le donneur
– La personne issue du don doit vouloir établir un lien de filiation et le donneur doit y consentir
– Dans le cadre de la procédure d’adoption, un juge doit étudier la demande et la valider

A l’étranger, il existe des exemples d’adoptions qui sont à l’origine de personnes issues d’un don, mais qui peuvent aussi provenir de la mère de l’enfant. Il faut cependant prendre en considération que la législation à l’étranger n’est pas la même qu’en France. Des législations à l’étranger permettent de choisir le donneur sur catalogue (physique, goût et centres d’intérêts, timbre de la voix, âge, etc.), ce qui fait que des femmes font le choix de choisir le donneur qui correspond à ce qu’elles considèrent comme l’homme idéal. Cela peut grandement expliquer pourquoi quand la mère parvient à retrouver le donneur, elle puisse tomber amoureuse de lui. La législation française ne permet pas de choisir le donneur sur catalogue, ce qui fait que si la mère parvient à retrouver le donneur de son enfant, la probabilité qu’elle tombe amoureuse de lui est plus faible.

10. Conséquences de la décision du Conseil Constitutionnel

Le Conseil Constitutionnel peut rendre trois décisions dans le cadre de la QPC

1) Le Conseil Constitutionnel peut considérer que le gouvernement a raison et que l’article de loi n’interdit en aucune façon l’établissement d’un lien de filiation par adoption. Dans cette hypothèse, la QPC sera rejetée compte tenu que l’interdit contesté n’a jamais existé.

2) Le Conseil Constitutionnel peut à l’inverse considérer que c’est le requérant qui a raison de dire qu’il existe une interdiction d’établir un lien de filiation par adoption. Dans cette hypothèse, le Conseil Constitutionnel devra dire si cette interdiction est conforme à la Constitution. Si ce n’est pas conforme à la Constitution, le Conseil Constitutionnel devrait simplement indiquer que l’article ne fait pas obstacle à une adoption. (Il faut bien comprendre que la QPC ne demande pas l’abrogation de l’article)

3) Le Conseil Constitutionnel peut enfin considérer que c’est le requérant qui a raison de dire qu’il existe une interdiction d’établir un lien de filiation par adoption. Dans l’hypothèse où le Conseil Constitutionnel estimerait que cette interdiction est conforme à la Constitution, la QPC serait simplement rejetée.

Quelle que soit la décision prise par le Conseil Constitutionnel, celle-ci me satisfera. En effet, l’objectif premier de la QPC est de connaître la signification de l’article de loi, et donc, peu importe que la décision rendue soit la 1), 2) ou 3).

11. Date d’audience de la QPC

L’audience s’est tenue le mardi 30 mai 2023.

 

12. Finalité de l’adoption ?

Contrairement à ce que certaines personnes peuvent croire, l’objectif n’est pas de donner un enfant à la personne qui adopte mais il s’agit de donner un parent à la personne qui est adoptée. Le juge en charge de l’adoption a pour mission de veiller que l’adoption soit bénéfique pour la personne adoptée.

Le juge dispose des compétences nécessaires pour permettre des adoptions même dans des situations rares et qui ne devraient normalement pas se produire. Par exemple, de la même façon qu’un donneur de spermatozoïdes n’a pas vocation à devenir le père d’une personne issue de son don, un grand-père n’a pas vocation à devenir le père de son petit fils, une sœur n’a pas vocation de devenir la mère de son frère, etc. Dans toutes ces situations, le juge doit se demander avant tout quel est l’intérêt de la personne susceptible d’être adoptée.

C’est ainsi que des grand-parents peuvent adopter leur petit fils (CA Lyon, 18 octobre 1983, RTD civ., 1984, p. 309, obs. Roger Nerson et Jacqueline Rubellin-Devichi).
C’est ainsi qu’une sœur peut adopter son frère (CA Paris, 10 février 1998, Juris-Data n° 1998-020403 ; JCP éd. G., 1998, II, 10130, p. 1431, note C).
Etc.

Il s’agit à chaque fois de décisions individuelles prises par le juge après avoir mené des investigations lui ayant permis de constater que l’adoption était bénéfique pour la personne adoptée. L’intérêt de la personne adoptée étant toujours la boussole à suivre pour prendre une décision d’adoption.

13. Date de la décision de la QPC

La décision sera rendue le vendredi 9 juin 2023.

14. La décision

Le Conseil Constitutionnel refuse de se prononcer sur le fait que la loi autorise ou non l’établissement d’un lien de filiation par adoption. La QPC n’aura donc pas permis de lever l’incertitude sur cette question.

QPC sur la loi bioéthique (1)

Cet article est destiné à répondre aux différentes interrogations relatives à une QPC qui a été déposée le 27 février 2023 auprès du Conseil d’Etat.

1. Qu’est qu’une QPC ?

La Constitution française permet de garantir les droits fondamentaux des citoyens. Elle pose, par exemple, le principe de l’égalité des citoyens devant la loi, fait du suffrage universel la source de la légitimité politique et accorde à chacun le droit de faire entendre sa cause devant un tribunal indépendant.

La Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est un droit reconnu à toute personne de demander que soit contrôlé qu’une disposition législative est bien conforme aux droits et libertés que la Constitution garantit. Pour prendre un exemple simple, la Constitution française prévoit en son article 66-1 que « nul ne peut être condamné à la peine de mort ». Cela signifie que s’il était adopté une loi instaurant la peine de mort, une personne serait en droit de déposer une QPC afin que soit contrôlé si la loi respecte bien les droits et libertés que la Constitution garantit.

C’est le Conseil Constitutionnel qui est chargé de veiller à ce que les lois françaises soient conformes à la Constitution.

2. Est-ce utile que les lois respectent la Constitution française ?

Il est toujours souhaitable que les lois respectent les droits et libertés que la Constitution française garantit.

En ce qui concerne plus spécifiquement le droit d’accès aux origines, il faut bien avoir conscience qu’il ne s’agit pas d’une loi gravée dans le marbre et que celle-ci a vocation à évoluer avec le temps. On pourrait par exemple imaginer que lors de la prochaine loi relative à la bioéthique (ce sera probablement en 2028), il soit donné le droit aux parents d’avoir accès à certaines données non identifiantes du donneur dès la naissance de leur enfant, ou que la personne issue du don ait accès aux données non identifiantes du donneur dès 14 ans, ou que la CAPADD ait comme mission de mettre en relation les personnes issues d’un don et les donneurs, ou que la CAPADD ait comme mission de mettre en relation les demi-génétiques (les personnes issues du même donneur), ou de permettre un accès plus facile aux antécédents médicaux du donneur, etc.

Il est probable que les futures évolutions du droit d’accès aux origines seront facilitées si ses fondations sont solides, ce qui implique notamment que celles-ci aient été reconnues comme conformes à la Constitution. Ce contrôle de la constitutionnalité permettra de clarifier les choses et de pouvoir plus sereinement envisager les futures évolutions du droit d’accès aux origines.

3. La loi bioéthique et le droit d’accès aux origines

Le gouvernement a déposé un projet de loi relatif à la bioéthique le 24 juillet 2019. Ce projet de loi prévoyait l’instauration d’un droit d’accès aux origines pour les personnes issues d’une AMP avec tiers donneur. Le dispositif prévoyait que les futurs donneurs devront obligatoirement consentir à la communication de leur identité et de données non identifiantes. En ce qui concerne les anciens donneurs (ceux qui ont donné sous l’ancien régime), il était prévu qu’ils aient le droit de se manifester auprès de la CAPADD afin de consentir à la communication de leur identité et de données non identifiantes.

Précédemment, le Conseil d’Etat avait remis un avis au gouvernement sur le projet de loi bioéthique en validant le principe du droit d’accès aux origines avec les dispositions prévues par le gouvernement.

L’association Dons de gamètes solidaires a toujours été favorable à la création d’un droit d’accès aux origines.

L’Assemblée Nationale a fait une ultime lecture de la loi relative à la bioéthique le 29 juin 2021 pour être ensuite promulguée le 2 août 2021.

Suite à la promulgation de la loi relative à la bioéthique, il y a eu une importante campagne destinée à informer les anciens donneurs de l’existence du droit d’accès aux origines et de la possibilité pour eux de consentir à la communication de leur identité aux personnes issues de leur don.

4. Sur quoi porte la QPC déposée le 27 février 2023 ?

La QPC qui a été déposée le 27 février 2023 porte exclusivement sur le 6° de l’article L. 2143-6 du code de la santé publique :
« Une commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur est placée auprès du ministre chargé de la santé. Elle est chargée :
6° De contacter les tiers donneurs qui n’étaient pas soumis aux dispositions du présent chapitre au moment de leur don, lorsqu’elle est saisie de demandes au titre de l’article L. 2143-5, afin de solliciter et de recueillir leur consentement à la communication de leurs données non identifiantes et de leur identité ainsi qu’à la transmission de ces données à l’Agence de la biomédecine. Afin d’assurer cette mission, la commission peut utiliser le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques et consulter ce répertoire. Les conditions de cette utilisation et de cette consultation sont fixées par un décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. La commission est également autorisée à consulter le répertoire national inter-régimes des bénéficiaires de l’assurance maladie afin d’obtenir, par l’intermédiaire des organismes servant les prestations d’assurance maladie, l’adresse des tiers donneurs susmentionnés ; »

Cette disposition ne figurait pas dans le projet de loi initial et elle a donc été ajouté par un amendement parlementaire. Cela a pour conséquence que le Conseil d’Etat ne s’est donc pas prononcé sur la légalité de cette disposition.

La Fédération Française des CECOS avait transmis des observations au Conseil Constitutionnel sur cette disposition mais le Conseil Constitutionnel n’en pas pu en tenu compte puisqu’il ne lui a pas été demandé de contrôler cette disposition.

Il a été posé la question de savoir si la QPC pouvait aboutir à la suppression du droit d’accès aux origines et la réponse est clairement non. Quelle que soit l’issue de la QPC, les nouveaux donneurs auront toujours l’obligation de consentir à la communication de leur identité et de données non identifiantes, les anciens donneurs auront toujours la possibilité d’y consentir spontanément et toutes les personnes issues d’une AMP avec tiers donneur auront toujours le droit de saisir la CAPADD

5. Possibilité de déposer d’autres QPC ?

Le fait qu’i y ait eu une QPC de déposer sur cette disposition de la loi bioéthique ne retire pas le droit à d’autres personnes de déposer des QPC sur cette même disposition.

Certaines des personnes issues d’un don qui ont saisi la CAPADD vont recevoir des réponses négatives. Ces demandeurs déçus ont la possibilité de déposer une QPC. Par exemple, ils pourraient estimer qu’ils devraient avoir le droit d’obtenir les données non identifiantes du donneur même si celui-ci n’a pas donné son consentement, ou que l’identité du donneur devrait leur être communiqué à partir du moment où celui-ci est décédé. Si le Conseil d’Etat décide que la QPC présente un caractère sérieux, celle-ci pourra être renvoyée devant le Conseil Constitutionnel.

Si une personne issue d’un don estime qu’une disposition de la loi bioéthique est non conforme à la Constitution, elle a donc parfaitement le droit de déposer une QPC.

6. Le 6° de l’article L. 2143-6 du code de la santé publique

C’est notamment la rapporteure Coralie Dubost qui s’est battue pour introduire dans la loi une disposition pour que la CAPADD puisse solliciter un ancien donneur en cas de demande d’une personne issue d’un don. Les débats au parlement permettent de bien appréhender la finalité de cette disposition, ainsi que les doutes qui lui sont associés.

Séance d’examen à l’Assemblée nationale de l’amendement 2449 du 2 octobre 2019 :

Séance d’examen à l’Assemblée nationale de l’amendement 2167 du 30 juillet 2020 :

7. Conséquences de la décision du Conseil Constitutionnel

Le Conseil Constitutionnel rend dans 65 % des QPC une décision de conformité. Cela signifie que le Conseil Constitutionnel valide que la loi est bien conforme à la Constitution. Par déduction, il y a donc 35% des QPC qui ont une décision de non conformité.

Quand le Conseil Constitutionnel rend une décision de conformité de loi avec la Constitution, cela permet à la loi d’en sortir plus forte puisque les doutes sur sa légalité sont levés.

Quand le Conseil Constitutionnel rend une décision de non conformité à la Constitution, celle-ci est motivée. En fonction de la motivation donnée par le Conseil Constitutionnel pour justifier la non conformité, cela peut aboutir à la suppression totale de la disposition contrôlée ou à une petite modification qui ne change pas fondamentalement la disposition.

8. Cour Européenne des Droits de l’Homme

En 2016/2017, la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) a été saisie par des personnes issues d’une AMP avec tiers donneur pour savoir si la législation française était conforme aux Droits de l’Homme.
Pour en savoir plus sur ces 2 saisies : https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-184370 et https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-184371

Avant de se prononcer sur ces deux saisines, la CEDH a souhaité attendre de connaître le contenu de la loi relative à la bioéthique, compte tenu que la France avait fait savoir qu’elle prévoyait d’instaurer un droit d’accès aux origines pour les personnes issues d’une AMP avec tiers donneur. Avec les dispositions actuelles de loi française, il est possible que la CEDH estime que les droits des personnes déjà nées d’un don sont respectés. Que se passerait-il si après cette décision de la CEDH, quelqu’un soumettait une QPC sur le 6° de l’article L. 2143-6 du code de la santé publique et que cela aboutisse à la censure de cette disposition par le Conseil Constitutionnel ? On pourrait alors imaginer qu’il y ait une nouvelle saisie de la CEDH mais il faudrait attendre de longues années avant qu’une décision soit rendue. C’est la raison pour laquelle, il est souhaitable que s’il devait y avoir une censure de dispositions de la loi bioéthique par le Conseil Constitutionnel, celle-ci intervienne avant que la CEDH se prononce sur la légalité de la législation française.

Les décisions de la CEDH s’imposent aux pays de l’Union Européenne et donc, si la CEDH juge que la France ne respecte pas le droit d’accès aux origines des personnes issues d’une AMP avec tiers donneur, il y aura une obligation pour la France de faire évoluer sa législation.

Il est souhaitable que les lois soient conformes à la Constitution et aux droits de l’Homme, c’est donc une bonne chose que la CEDH aient été saisie pour contrôler la législation française.

9. Droit d’accès aux origines pour les nés sous X

Le 22 janvier 2002 a été promulgué la loi n° 2002-93 relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’Etat. Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) a été créé par cette loi. Il assure plusieurs missions dont rechercher les parents de naissance et solliciter leur accord pour lever le secret de leur identité à la suite d’une demande d’accès aux origines de l’enfant. Le Conseil Constitutionnel avait été saisi par une QPC pour se prononcer sur la constitutionnalité de cette loi.

Le requérant faisait valoir qu’en autorisant une femme à accoucher sans révéler son identité et en ne permettant la levée du secret qu’avec l’accord de cette femme, ou, en cas de décès, dans le seul cas où elle n’a pas exprimé préalablement une volonté contraire, les dispositions contestées méconnaissent le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale.

Extrait de la décision du Constitutionnel au sujet de la QPC du 16 mai 2012 (https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2012/2012248QPC.htm) : « Considérant qu’en permettant à la mère de s’opposer à la révélation de son identité même après son décès, les dispositions contestées visent à assurer le respect de manière effective, à des fins de protection de la santé, de la volonté exprimée par celle-ci de préserver le secret de son admission et de son identité lors de l’accouchement tout en ménageant, dans la mesure du possible, par des mesures appropriées, l’accès de l’enfant à la connaissance de ses origines personnelles ; qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, de substituer son appréciation à celle du législateur sur l’équilibre ainsi défini entre les intérêts de la mère de naissance et ceux de l’enfant ; que les dispositions contestées n’ont pas privé de garanties légales les exigences constitutionnelles de protection de la santé ; qu’elles n’ont pas davantage porté atteinte au respect dû à la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale ».

Une bonne analyse de cette décision du Conseil Constitutionnel est disponible ici : https://www.dalloz-actualite.fr/essentiel/constitutionnalite-de-l-accouchement-sous-x

Cette décision du Conseil Constitutionnel sur la conformité du droit d’accès aux origines pour les personnes nées sous X pourrait être citée dans le cadre du contrôle de la conformité du droit d’accès aux origines pour les personnes issues d’une AMP avec tiers donneur.

10. Contenu de la QPC (partie 1)

Si vous avez lu les arguments de la Fédération Française des CECOS (voir leur courrier transmis au Conseil Constitutionnel), ainsi que ceux du gouvernement (voir les 2 vidéos des débats à l’Assemblée Nationale), vous aurez compris que certaines personnes estiment que cette disposition porte atteinte aux droits des anciens donneurs et qu’elle pose divers problèmes de droit.

La QPC demande le contrôle de conformité à la Constitution en reprenant les arguments du gouvernement et de la Fédération Française des CECOS.

Dans l’hypothèse où le gouvernement souhaiterait le maintient de cette disposition, il dispose normalement de tous les arguments nécessaires pour prouver que la disposition est conforme à la Constitution. Il pourrait notamment s’inspirer de la plaidoirie lors de la QPC 2012 portant sur les nés sous X. Si le gouvernement fait le choix d’indiquer que la sollicitation des anciens donneurs est destinée à remplir une mission d’intérêt public, cela serait de nature à justifier certaines transgressions de la loi. Le gouvernement pourrait également indiquer qu’il revient au législateur de fixer l’équilibre entre les droits des anciens donneurs et les droits des personnes issues de leur don.

11. Contenu de la QPC (partie 2)

Avec cette QPC, l’objectif prioritaire est de permettre aux anciens donneurs de faire connaître leur refus de recevoir des sollicitations de la CAPADD (par exemple, en remplissant un formulaire de refus de sollicitations).

Lorsqu’une personne née d’un don sollicite la CAPADD pour obtenir des informations sur le donneur, la CAPADD peut envoyer un second courrier recommandé en cas de non réponse du donneur à la première sollicitation. Ceci est vrai distinctement pour chaque demande de personne issue du don (la loi permet à un donneur d’aider à la conception de 10 personnes). Un donneur pourrait donc se retrouver à être sollicité un grand nombre de fois. C’est pour éviter la sur-multiplication des sollicitations du donneur que la QPC demande que les anciens donneurs aient le droit de mettre un terme aux envois de sollicitations provenant de la CAPADD..

Voici la liste des demandes de la QPC qui ont toutes pour objectif d’améliorer les droits des anciens donneurs.

Proposition 1 : Permettre aux anciens donneurs de faire connaître leur refus de recevoir des sollicitations de la CAPADD.

Proposition 2 : La loi prévoit que la CAPADD ait accès à un certain nombre de registres/fichiers afin de retrouver les anciens donneurs. Je souhaiterais que la CAPADD ait accès à davantage de bases de données afin de l’aider à retrouver plus facilement les anciens donneurs.

Proposition 3 : Permettre aux anciens donneurs de bénéficier d’un délai de réflexion ou de rétractation quand ils sont sollicités par la CAPADD pour consentir à la communication de leur identité et de données non identifiantes.

Proposition 4 : Permettre aux anciens donneurs sollicités par la CAPADD de consentir à la communication de leur identité et/ou de données non identifiantes. Avec l’actuelle loi, si un ancien donneur refuse de communiquer son identité, cela implique que le demandeur n’obtient rien. Cette proposition permettrait au donneur de pouvoir tout de même communiquer ses données non identifiantes, ce qui pour la personne issue du don sera toujours mieux que rien.

Proposition 6 : Si un ancien donneur ne donne pas suite aux sollicitations de la CAPADD, la loi prévoit que ses données personnelles sont conservées pendant 100 ans par la CAPADD. Ce délai de conservation des données personnelles des anciens donneurs est excessif et devrait donc être revu à la baisse.

Proposition 7 : Prendre en considération les 2 membres du couple donneur quand ceux-ci vivent toujours ensemble. Pour comprendre l’intérêt de cette proposition, on va imaginer que la CAPADD sollicite un centre de don pour connaître l’identité d’un donneur et en retour, il est juste dit que le donneur se nomme « Gabriel MARTIN » et qu’il est né en 1960. La CAPADD fait des recherches et découvre qu’il existe en France 2 homonymes qui pourraient être ce donneur. Afin de sortir de cette situation de blocage, il suffirait que le centre de don puisse également communiquer l’identité du conjoint du donneur et que la CAPADD puisse le rechercher. On pourrait aussi imaginer que la CAPADD contacte l’état civil pour connaître le nom de leur conjoint. Au final, cette mesure permettrait donc de résoudre des problèmes que rencontre parfois la CAPADD pour retrouver d’anciens donneurs.

Proposition 8 : Permettre aux anciens donneurs sollicités par la CAPADD de connaître le nombre de naissances permises grâce à leur don. La loi limite actuellement le nombre de naissances à 10 par donneur mais avant la loi de 1994, il n’existait pas de limite. On peut supposer qu’un ancien donneur s’imaginant ayant permis 15 naissances, soit réticent à communiquer son identité de crainte d’être contacté par un grand nombre de personnes issues de son don. En revanche, on peut supposer que ce même donneur serait rassuré de connaître le nombre réel de naissances dues à son don, et qu’il consentirait ainsi plus facilement à communiquer son identité.

Proposition 9 : Donner le droit à la CAPADD de pouvoir uniquement solliciter le consentement de personnes qui sont des « tiers donneurs » (au sens légal du terme).

Si le Conseil Constitutionnel validait ces demandes, cela nécessiterait d’apporter de petites modifications à la loi actuelle pour que celle-ci devienne conforme à la Constitution. Le gouvernement aurait donc à modifier à la marge la loi afin que les sollicitations se poursuivent avec un cadre réglementaire plus respectueux des droits des anciens donneurs.

12. Date d’audience de la QPC

L’audience de la QPC s’est tenue le mardi 30 mai 2023.

Le représentant de la Première Ministre a proposé que le Conseil Constitutionnel fasse une réserve d’interprétation pour permettre aux anciens donneurs de s’opposer à la réception de sollicitations de la part de la CAPADD. L’avocate du requérante a salué cette proposition compte tenu que cela répond au principal grief. Si le Conseil Constitutionnel décide de suivre la proposition du représentant de la Première Ministre, cela permettrait donc d’améliorer les droits des anciens donneurs, et cela répondrait également à la demande du requérant.

13. Date de la décision

Le Conseil Constitutionnel rendra sa décision le vendredi 9 juin 2023.

14. Décision

Le Conseil constitutionnel assortit d’une réserve d’interprétation la déclaration de conformité à la Constitution de dispositions relatives à l’accès aux données non identifiantes et à l’identité des tiers donneurs des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation.

Nouvelle réglementation pour le don de spermatozoïdes

La révision de la loi bioéthique de 2021 a introduit 2 grands changements : la PMA pour toutes et le droit d’accès aux origines.

Selon nos informations, le gouvernement devrait publier durant l’été un décret pour imposer qu’à partir de 2024, il ne soit utilisé que des gamètes dont le donneur a consenti au droit d’accès aux origines.

Depuis l’instauration de la PMA pour toutes, les besoins de spermatozoïdes sont plus importants mais cela est heureusement compensé par une forte augmentation du nombre de donneurs. Afin d’éviter de se retrouver en situation de pénurie, il convient de faire attention à ce qu’il n’y ait pas dans le futur une baisse du nombre de donneurs. Selon nous informations, le décret qui sortira cet été va modifier la réglementation relative au don de gamètes avec l’objectif d’augmenter le nombre de donneurs de spermatozoïdes.

À partir du 1er septembre 2023, l’âge limite pour faire un don de spermatozoïdes passerait de 44 à 49,3 ans. Ensuite, tous les 3 mois, l’âge limite sera progressivement augmenté jusqu’à atteindre l’âge de 64 ans. Les centres de don recevant plus de 300 donneurs par an auront l’obligation de mettre un index seniors. Cet indicateur permettra de vérifier que les centres de don ne discriminent pas les donneurs en fonction de leur âge.

Un autre changement serait que les donneurs de spermatozoïdes pourraient être indemnisés. L’objectif étant que les donneurs qui seront allés au bout de leur don, aient l’assurance de recevoir au moins 1200 € (soit l’équivalent d’au moins 85% du SMIC). Cette mesure serait également applicable au don d’ovocytes et le gouvernement prévoit de prendre en considération sa pénibilité particulière et en conséquence, les femmes auront droit pour leur indemnité à une généreuse surcote de 5% et même de 10% pour les femmes qui feront le choix de faire 2 dons d’ovocytes.

Edit : Vous aurez deviné qu’il s’agissait d’un poisson d’avril s’inspirant de l’actuelle réforme des retraites.

Bientôt un droit d’accès aux origines en Belgique ?

Le Comité consultatif Bioéthique de Belgique a publié le 5 décembre 2022 un avis favorable pour l’instauration d’un droit d’accès aux origines pour les personnes issues d’une AMP avec tiers donneur.

Votre demande d’avis du 24 février 2022 relative à l’anonymat du don de sperme et à la révision de l’avis n°27 du 8 mars 2004

Monsieur le ministre,

Par votre lettre du 24 février 2022, vous avez en tant que Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique saisi le Comité consultatif de Bioéthique à propos du don de sperme. Vous demandiez de réviser l’avis n°27 émis par le Comité le 8 mars 2004.

Le présent avis par lettre est centré sur l’anonymat du donneur de gamètes. D’autres aspects, tels que la communication de la conception par donneur, ne sont abordés que lorsqu’ils sont pertinents pour l’anonymat. L’avis par lettre s’efforce surtout de tracer les grandes lignes, sans développer dans le détail l’ensemble des considérations éthiques et pratiques impliquées. Dans le présent avis, le terme « donneur » désigne les donneurs de sperme, d’ovules et d’embryons du circuit officiel (c’est-à-dire les banques et les centres de fertilité agréés).

Cadre général
Le débat sur l’anonymat est un sujet délicat où se confrontent des divergences de vue quant à la conception du lien parental et l’importance à accorder à ses composantes biologique, psychologique et sociale. La pratique actuelle du don de gamètes repose sur une conception de la parenté qui se fonde principalement sur l’intention et les liens sociaux et psychologiques établis avec l’enfant. A côté de cette position priorisant la dimension sociale et psychologique de la parenté existe une variété de positions qui reconnaissent, à différents degrés, la dimension génétique de la définition de la parenté et éventuellement de l’identité de la personne. L’on trouve ainsi à l’autre bout de ce continuum une conception de la parenté selon laquelle la dimension génétique prédomine et doit être reconnue socialement, si pas légalement, pour le bien-être de toute personne issue du don. Il semble néanmoins que la majorité des positions actuelles se situe entre ces deux extrêmes et reflète une volonté de reconnaître la dimension génétique de la parenté et de l’identité d’une façon ou d’une autre, par exemple simplement en informant l’enfant de son mode de conception par don ou bien en permettant aux personnes issues d’un don d’accéder à des données identifiantes sur leur donneur, sans que les liens sociaux ni légaux de leur parenté ne soient modifiés.

Points importants

Dévoilement du mode de conception

Le Comité estime que la décision de dire ou non à l’enfant qu’il a été conçu avec les gamètes d’un donneur doit revenir aux parents. Il faut veiller à ce que les parents soient suffisamment informés, et de façon neutre, des avantages et inconvénients des différentes options. Il est ainsi important de communiquer au donneur et aux receveurs les évolutions sociales et scientifiques récentes en la matière (telles que la possibilité de découvrir la filiation avec le donneur par un test génétique). Un accompagnement devrait être proposé aux parents qui souhaitent être aidés dans le cadre de cette décision.

Bien-être de l’enfant

Des études scientifiques réalisées sur les enfants nés grâce à un don de gamètes permettent de conclure que la connaissance de l’identité du donneur n’est pas indispensable pour le développement équilibré de ces enfants. Il ressort de dizaines d’études que le bien-être, le développement psychologique et la qualité des relations parent-enfant des enfants nés au moyen d’un don de gamètes ne diffèrent pas de ceux des enfants nés à partir du matériel génétique de leurs parents (Zanchettin et al., 2022). Les enfants qui ne sont pas au courant de leur origine par donneur s’en sortent tout aussi bien et ont une aussi bonne relation avec leurs parents que ceux qui le savent (Pennings, 2017). Par ailleurs, des études longitudinales ont été réalisées auprès d’enfants de couples lesbiens (jusqu’à l’âge de 18 ans) avec différents types de donneurs. Celles-ci révèlent qu’il n’existe aucune différence de développement psychologique entre les enfants qui ont eu un donneur anonyme, un donneur identifiable ou un donneur connu (Carone et al., 2021). Autrement dit, il n’existe aucune indication scientifique prouvant que l’absence d’informations sur l’origine génétique créerait des problèmes de construction identitaire chez l’enfant. La construction identitaire est d’ailleurs un processus très complexe qui s’étale sur une longue période. De nombreuses données peuvent constituer l’identité d’une personne et les gens font des choix et ont des besoins distincts en la matière. Les informations relatives à la filiation peuvent, mais ne doivent pas nécessairement être un élément de la perception que l’on a de soi.
Certains adultes nés d’un don de gamètes indiquent vouloir connaître le nom du donneur et entrer en contact avec celui-ci. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce souhait. Une grande partie de ces personnes souhaitent recevoir ces informations par curiosité, pour se faire une meilleure idée de leur origine ou pour pouvoir comprendre certains traits de leur personnalité. Elles ne considèrent pas que ces informations sont indispensables à leur bienêtre. Un certain nombre d’adultes, en revanche, déclarent subir un préjudice grave du fait de ne pas connaître l’identité du donneur. Ils éprouvent ce besoin parce qu’ils attachent énormément d’importance à la relation génétique pour la détermination de la parenté et de l’identité (Pennings, 2022). Il est difficile de connaître l’ampleur de ce groupe. Certaines personnes vont chercher à savoir, d’autres non. Sur les quelque 900 enfants nés d’un don et entre-temps devenus adultes en Suède (où l’anonymat a été levé en 1985), 7 % ont réclamé des informations sur le donneur (Lampic et al. 2022).

Politique à voies multiples

La législation belge actuelle impose l’anonymat du donneur, à l’exception du don connu où le donneur et le receveur se connaissent au moment du don.
Le Comité est favorable à la levée de l’anonymat obligatoire. Il n’y a pas suffisamment de motifs impérieux pour ne pas laisser cette décision aux personnes concernées. Au départ du processus, l’attention est ainsi placée aussi bien sur l’autonomie des parents d’intention que sur celle des donneurs. La procédure prônée par le Comité est qu’au début du traitement ou du don, une politique à voies multiples soit proposée. Tant le donneur que le receveur y ont trois options : anonyme (l’identité du donneur et du receveur n’est pas divulguée par l’hôpital), identifiable (l’identité du donneur peut être réclamée par l’enfant né du don à un certain âge) et connu (le donneur et le receveur se connaissent au moment du don). Cette politique à voies multiples est basée sur le principe qu’il relève de l’autonomie reproductive des parents de décider dans quelle mesure ils veulent impliquer le donneur dans leur famille. Le donneur jouit des mêmes possibilités en matière d’identifiabilité et de contact. Cet élément est essentiel au regard de sa décision de faire ou non un don. Chaque personne a la liberté de décider elle-même si les conditions d’un don sont acceptables. La concordance des souhaits des receveurs et des donneurs offre la meilleure garantie d’une collaboration harmonieuse. Ce choix est une convention que les parties sont censées respecter pendant une certaine période (voir plus loin) et sur laquelle elles peuvent aligner leurs autres choix (comme la révélation ou non à l’enfant). Comme dans toute procréation, les intérêts supposés de l’enfant ne peuvent qu’être portés par ses parents : aucun enfant n’est jamais consulté sur sa conception, ni sur les circonstances dans lesquelles il est né. Dans une politique à voies multiples, l’enfant n’a pas un droit en tant que tel de connaître son origine génétique. Un tel droit devrait être fondé sur un intérêt supérieur de l’enfant et cet intérêt n’a pas été démontré jusqu’à présent. En outre, l’intérêt de l’enfant doit toujours être mis en balance avec les intérêts des autres parties concernées. Les parents sont en principe les mieux placés pour déterminer les conditions offrant la plus grande garantie pour le bienêtre de leur (futur) enfant. Des conseils non directifs doivent permettre aux parties prenantes de prendre une décision mûrement réfléchie au sujet des options.
Offrir ces options devrait également permettre aux personnes concernées de voir leurs valeurs et leurs choix reflétés dans la pratique du circuit officiel. En effet, les recherches montrent que les donneurs et les receveurs se tournent en grand nombre vers les médias sociaux et les sites internet permettant de mettre en contact des donneurs et des receveurs parce qu’ils sont en désaccord avec les règles imposées dans le circuit officiel. Cette évolution présente plusieurs risques (Pennings, sous presse).
Les donneurs et les receveurs doivent par ailleurs être informés dès le départ du fait que l’anonymat ne peut plus être garanti. Tout individu peut envoyer un échantillon de salive à une entreprise qui effectue des analyses ADN et découvrir de nombreux parents génétiques (même si ces personnes n’ont jamais donné d’ADN pour un tel test) par le biais de grandes bases de données génétiques. Ils peuvent dès lors tenir compte de cette donnée dans leur décision de participer ou non au don et dans leur choix quant à l’anonymat / la possibilité d’identification / être donneur connu au moment du don. Cette évolution ne change fondamentalement rien à l’objectif proprement dit de ce choix, à savoir indiquer dans quelle mesure les parents et le donneur souhaitent avoir des contacts et échanger des informations entre eux et avec l’enfant.

Gestion des données et soutien aux parties prenantes

Le choix opéré par le donneur et le(s) receveur(s) au moment du don peut être revu ultérieurement si une demande est formulée par un enfant né d’un don, à un âge qui pourrait être fixé à 16 ou 18 ans. Cette possibilité peut se justifier par le fait que l’enfant est devenu, entre-temps, autonome et peut désormais remettre en question le choix de ses parents. Il devrait donc, à l’âge où il a atteint la maturité suffisante, être en mesure de poser la question au donneur lui-même. Vu la longueur de la période intermédiaire, il est possible qu’un donneur ayant initialement opté pour l’anonymat ait changé d’avis ou que les circonstances aient tellement changé que la décision antérieure doive être revue. Le donneur doit être informé de la possibilité de ce contact ultérieur au moment du don.
L’enfant peut, à partir de l’âge prévu et s’il le souhaite, demander au donneur s’il est prêt à échanger des informations et ce, par l’intermédiaire du centre de fertilité où a eu lieu le traitement. Le centre de fertilité doit dans ce cas contacter le donneur, en toute discrétion afin d’éviter que l’entourage de ce dernier soit accidentellement informé du don par le biais de cette démarche. Le donneur et l’enfant (avec le centre de fertilité jouant éventuellement le rôle de médiateur) discutent de la quantité et du type d’informations supplémentaires qu’ils souhaitent partager l’un avec l’autre et de l’éventualité d’un contact personnel direct. Un accompagnement dans ce processus doit être proposé par le centre de fertilité, sans être obligatoire pour les parties impliquées. Aucune décision unilatérale ne peut être prise ou imposée en la matière. En d’autres termes, l’anonymat des parties ne peut être levé sans leur autorisation.
Le Comité estime en outre que tous les enfants issus d’un don et qui le souhaitent doivent pouvoir accéder à des informations non identifiantes sur le donneur, quel que soit le type de donneur. L’enfant doit pouvoir demander ces informations (fournies par le donneur au moment du don, c’est ce qu’on appelle le profil du donneur) au centre de fertilité ou à une base de données centrale.
La question relative à l’identifiabilité n’a aucun rapport avec l’accès aux informations médicogénétiques. Si des experts estiment que l’obtention d’informations génétiques sur le donneur est importante pour la santé de l’enfant, cela peut être réalisé sans révéler l’identité du donneur à l’enfant ou aux receveurs. L’échange de ces informations est normalement organisé entre les médecins traitants ou les hôpitaux.

Adaptations légales

Le Comité estime qu’une politique à voies multiples implique deux nouvelles tâches.
La première tâche consiste à conserver les informations sur les parties prenantes et leurs choix pendant une période suffisamment longue. Le Comité propose à cette fin de créer une banque de données centrale avec les données des parties concernées. La principale raison est que les personnes nées d’un don de gamètes disposeront ainsi d’un point central pour réclamer des informations si elles ne savent pas dans quel centre leur mère ou leurs parents ont suivi le traitement. Une base de données centrale constitue également une meilleure garantie de conservation des données au cas où un centre de fertilité fermerait ses portes. La deuxième tâche consiste à soutenir les parties concernées dans leurs interactions lorsqu’elles en ressentent le besoin. Le Comité propose de confier cette tâche aux centres de fertilité. L’attribution de cette tâche aux centres de fertilité a pour avantage que l’expertise nécessaire y est présente et que le donneur et le(s) receveur(s) sont déjà familiarisés avec le centre dans lequel ils ont fait leur don ou ont bénéficié d’un traitement. Il faudrait établir un cadre légal qui décrive ces deux tâches et règle les modalités de l’échange d’informations entre les parties concernées.

Conclusion

Aucune solution ne peut répondre pleinement aux attentes, besoins et désirs de toutes les parties impliquées. Dans cette matière complexe, il faut trouver un juste milieu. Le Comité estime que celui-ci peut résider dans une politique à voies multiples, en y ajoutant la possibilité pour la personne née par un don anonyme de gamètes de solliciter du donneur, à l’âge adulte, des informations supplémentaires et/ou un contact personnel et ce, par l’intermédiaire du centre de fertilité.

Reportage France 24

Chaîne : France 24
Date de diffusion : 2 septembre 2022

La donneuse d’ovocytes Marine Vernot donne son opinion sur le droit d’accès aux origines.

Don de sperme et d’ovocyte : le CHU de Limoges devient centre de don

Titre : Don de sperme et d’ovocyte : le CHU de Limoges devient centre de don
Lien : https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/haute-vienne/limoges/don-de-sperme-et-d-ovocyte-le-chu-de-limoges-devient-centre-de-don-2638668.html
Date : 19 octobre 2022

Cette création d’un nouveau centre de don est une bonne nouvelle.

Nous en profitons pour remercier Vincent Chapon pour son don de spermatozoïdes.