La loi relative à la bioéthique promulguée le 2 août 2021 a instauré un droit d’accès aux origines pour les personnes issues d’une AMP avec tiers donneur. Nous pensons qu’il est souhaitable de clarifier les modalités d’application de ce nouveau droit et c’est la raison pour laquelle, nous avions fin 2021/début 2022 posé de nombreuses questions à l’Agence de la biomédecine mais ils n’avaient pas su nous répondre car ils attendaient la publication des décrets et arrêtés afin de mieux comprendre comment serait appliqué le droit d’accès aux origines. Dans ces questions posées pour lesquelles nous n’avions pas pu avoir de réponse, figurait une question sur les donneurs sous tutelle.
Afin de rendre effectif le droit d’accès aux origines, il a été mis en place une Commission (la CAPADD). Le ministère de la Santé a souhaité nommer une association de donneurs dans cette Commission. Dans le cadre de la CAPADD, nous pouvons donc aborder des sujets qui nous semblent pertinents pour les donneurs.
1. Quelle personne peut être concernée par une mesure de tutelle ?
La tutelle s’adresse à une personne majeure ayant besoin d’être représentée de manière continue dans les actes de la vie courante. Et ce, du fait de la dégradation (altération) de ses facultés ou de son incapacité à exprimer sa volonté.
La personne protégée peut cependant réaliser seule certains actes dits strictement personnels.
2. Le consentement au don de gamètes
La loi impose que toute personne désirant devenir donneur, donne 2 consentements :
– Consentement au don de gamètes
– Consentement à la communication de son identité dans le cadre du droit d’accès aux origines
Le consentement est un acte strictement personnel qui doit nécessairement être libre et éclairé.
3. Est-ce qu’une personne sous tutelle peut faire un don de gamètes ?
Non, cela est strictement interdit par la loi.
article L1241-2 du code de la santé publique
Aucun prélèvement de tissus ou de cellules, aucune collecte de produits du corps humain en vue de don ne peut avoir lieu sur une personne vivante mineure ou sur une personne vivante majeure faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne.
Décision du Conseil Constitutionnel n°2021-821 DC du 29 juillet 2021 (PDF)
3. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions autoriseraient toutes les personnes placées sous tutelle ou curatelle à procéder à de tels dons. Il résulte toutefois de l’article L. 1241-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de l’article 11 de la présente loi, que les personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation de la personne ne peuvent y procéder. Dès lors, la critique des requérants, qui n’est assortie d’aucun grief d’inconstitutionnalité particulier, manque, en tout état de cause, en fait.
4. Droit d’accès aux origines
Depuis le 1er septembre 2022, les personnes issues d’un don peuvent saisir la CAPADD pour connaître l’identité de leur donneur. La CAPADD est alors chargée de retrouver le donneur et de le solliciter pour qu’il consente à la communication de son identité.
La Fédération Française des CECOS fête cette année ses 50 ans d’existence, ce qui permet de comprendre que les donneurs des années 70/80 sont âgés, et qu’ils puissent éventuellement être sous tutelle. La question légitime est de savoir si un donneur sous tutelle est apte à signer le document de consentement à la communication de son identité.
5. Est-ce qu’un ancien donneur sous tutelle peut consentir à la communication de son identité ?
Les juristes ayant traités cette question semblent unanimes sur le fait que cela n’est pas possible (nous n’avons en tout cas pas connaissance de juriste ayant dit le contraire).
A titre d’exemple, nous vous proposons l’intervention de Madame Stessy TETARD (Maître de conférences et directrice pédagogique à l’institut des sciences de la famille à l’université catholique de Lyon) datant du 21 avril 2022 (https://donsdegametes-solidaires.fr/event/cyberethique/) et qui traite justement de cette question.
De notre côté, nous avons proposé que la CAPADD puisse solliciter les anciens donneurs même si ceux-ci sont sous tutelle mais qu’il soit systématiquement demandé à un juge de se prononcer sur la validité du consentement. Ce ne serait que dans le cas où un juge validerait le consentement donné par le donneur sous tutelle, que la CAPADD serait en droit de communiquer les informations au demandeur. Cependant, cette solution n’est pas possible car le juge pourrait seulement être sollicité après que le donneur sous tutelle ait donné son consentement.
Dans certaines circonstances, ce n’est pas un problème que le juge se prononce après coup sur la validité du consentement d’une personne sous tutelle car il est possible d’annuler les effets du consentement. Cependant, dans le cadre du consentement à la communication de l’identité du donneur, cela n’aurait aucun sens que le juge se prononce après que l’identité du donneur sous tutelle ait été transmise à la personne issue du don. En effet, nous sommes dans un cas où il n’est pas possible d’annuler les effets du consentement.
Pour information, si les personnes sous tutelle sont interdites de faire un don de gamètes/tissu/organe/sang, c’est que justement, il est impossible d’annuler les effets de son don. Par exemple, si la personne sous tutelle a consenti à un don de spermatozoïdes et que le juge estime après coup qu’il n’avait pas le droit de le faire, il serait bien évidemment inenvisageable de demander à toutes les bénéficiaires de ce don d’avorter.