L’agence de la biomédecine organise chaque année une journée des associations. Cette journée est assez intéressante car elle permet notamment de faire le point sur les derniers chiffres du don de gamètes et aussi de discuter des campagnes de sensibilisation au don.
Aussi, nous prévoyons de profiter de cette journée des associations pour essayer de mieux comprendre certains aspects du projet de loi bioéthiques. Télécharger nos questions (format PDF).
Nous remercions l’agence de la biomédecine de nous avoir invité et nous la remercions également par avance pour les renseignements qu’elle nous apportera.
1. Explication du problème de l’appariement pour les couples noirs
Comme expliqué par le Dr Claire de Vienne (médecin référente AMP et don de gamètes à l’agence de la biomédecine), il y a une pénurie de donneurs de gamètes noirs, ce qui peut avoir pour conséquence des délais d’attente très longs pour les couples noirs si on applique un appariement entre le couple et le donneur.
La loi ne fait pas référence à l’appariement. Seule la réglementation y fait référence.
L’arrêté du 30 juin 2017 modifiant l’arrêté du 11 avril 2008 modifié relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation (version PDF) indique que l’appariement avec le donneur doit être proposé au couple et que le choix revient au couple. Cette réglementation semble assez logique car on voit mal la légitimité qu’aurait des médecins pour imposer un appariement à des couples qui ne veulent pas de cet appariement !
3. Le code de déontologie des médecins
Le code de déontologie donne les devoirs généraux des médecins. L’article 7 parle de « non discrimination ». Notre compréhension de ce code de déontologie est qu’il serait discriminatoire qu’un médecin accepte de réaliser des AMP avec tiers donneur pour les couples blancs mais pas pour les couples noirs.
4. La pratique de certains centres AMP
a) Le refus du non appariement par le CECOS de Tours
Certains couples noirs font le choix de refuser cet appariement avec le donneur mais des médecins décident de le leur imposer malgré tout. Ceci, au motif que la famille africaine risquerait ne pas donner un accueil chaleureux à un enfant blanc.
J’ai saisi le 28 novembre 2020 l’espace de réflexion éthique du CHU de Tours pour connaître son opinion sur les propos tenus par le médecin du CECOS. Dans un mail daté du 27 janvier 2021, la directrice de l’espace de réflexion éthique m’informe de sa décision de ne pas instruire ma demande. La commission de l’Espace de Réflexion Ethique attire mon attention sur « le professionnalisme des CECOS qui répondent après discussion pluridisciplinaire à des demandes singulières complexes ».
b) La clause de conscience pour ne pas aider un couple mixte à bénéficier d’un don de gamètes
Un couple mixte (homme blanc et femme noire) a fait une demande auprès du centre AMP de Strasbourg pour bénéficier d’un don d’ovocyte provenant d’une femme blanche. Une partie de l’équipe médicale était opposée à ce don et a exercé sa clause de conscience afin de n’avoir pas à aider ce couple à bénéficier d’un don de gamètes.
Dans un courrier daté du 11 décembre 2020, la section Ethique et Déontologie de l’Ordre National des Médecins apporte des précisions intéressantes : Consulter le courrier (PDF)
5. Le projet de loi bioéthique
Le 30 juin, en deuxième lecture du projet de loi bioéthique à l’assemblée nationale des députés ont voulu inscrire dans la loi que les bénéficiaires d’un don de gamètes pouvaient refuser l’appariement.
Le 29 juillet, en deuxième lecture à l’assemblée nationale, il a été adopté la suppression de l’alinéa 20 prévoyant que l’appariement des caractères phénotypiques ne peut se faire qu’avec l’accord du couple receveur ou de la femme receveuse.
En 2017 sortait le film « Il a déjà tes yeux ». Ce film montre qu’il peut exister des difficultés à avoir un enfant blanc quand on est un couple noir. Ces mêmes difficultés existent bien évidemment pour les enfants noirs dans les familles blanches.
La réaction de la réalisatrice Amandine Gay sur Twitter.
DON DE GAMÈTES VS ADOPTION TRANSRACIALE
Si placer D enfants noirs dans des familles blanches dans le cadre de l'adoption n'a jamais posé problèmes, les couples noirs de la région de Tours se voient imposé l'appariement comme l'expliquent @DonsGametes :https://t.co/6nVxhMyXqU
2) L'imposition de l'appariement signifie que les couples noirs ne sont pas autorisés à concevoir des enfants blancs et peuvent attendre entre 7 à 10 ans pour un don "ethnique". Comme toujours, les institutions françaises voient les couleurs quand ça les arrange.
3) Je vous invite à suivre @OvocyteMoi_Fill et à regarder les vidéos sur sa chaine YT pour mieux comprendre les enjeux auxquels font face les personnes noires infertiles :https://t.co/MiWK9I9SD7
tl;dr: si on peut donner la "chance" à un enfant noir de vivre avec des parents blancs, on ne va surtout pas imposer à un pauvre enfant blanc d'avoir une famille Africaine, mon dieu.
Oui ça rend la pratique encore plus incroyable. Mais la justification donnée est hallucinante de racisme et de discrimination. Le colonialisme refoulé est à vomir.
Abject. Ce genre de raisonnement passe crème alors qu’on parle de priver des gens d’une aide médicale juste pour ne pas irriter la rétine des racistes qui bien sûr (selon les Français) ne sont pas en France mais…en Afrique. Racisme français chimiquement pur.@C2Ari@OrpheoNegra
Mais c’est scandaleux ! En quoi ça la regarde ? Et tous les enfants racisés qui vivent dans des familles blanches là on leur impose rien pour « le bien-être de l’enfant »… (no offense) C’est juste l’idée de white savior a l’envers qui les dérange wesh
— The Angry (but Healing) Black Womxn (@angryhealing_bw) November 28, 2020
8. Pour prolonger la réflexion
Nous vous recommandons l’article : « Procréations médicalement assistées et catégories « ethno-raciales »: l’enjeu de la ressemblance, in Les catégories ethno-raciales à l’ère des biotechnologies, Droit, sciences et médecine face à la diversité humaine, G. Canselier et S. Desmoulin-Canselier (dir.), Société de législation comparée, 2011, p. 135-154. »
Diplômé de Harvard, John Henry « Jack » Armstrong est cadre supérieur dans une entreprise de biotechnologie. Mais lorsqu’il dénonce les malversations financières de ses patrons à la Commission des Opérations de Bourse, il est aussitôt licencié. Désormais considéré comme un mouchard, il est aux abois.
Quand son ex-compagne Fatima, brillante femme d’affaires devenue lesbienne, lui propose d’être le père biologique de son enfant et de celui de sa nouvelle petite amie Alex contre paiement, Jack entrevoit le moyen de se faire de l’argent facile. Son « commerce de paternité » à 10 000 dollars le rendez-vous lui assure bientôt la célébrité : les lesbiennes en mal d’enfant sont de plus en plus nombreuses à solliciter ses services.
Mais entre les tentatives de ses ex-patrons de le faire tomber pour fraude et sa reconversion douteuse, la vie de Jack prend un tour bien compliqué…
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She Hate Me est un film américain réalisé par Spike Lee, sorti en 2004. Le film raconte le parcours d’un homme sans emploi qui devient donneur de sperme pour de riches lesbiennes.
Titre québécois : 12 fois papa1
Réalisation : Spike Lee
Scénario : Michael Genet et Spike Lee, d’après une histoire de Michael Genet
Acteurs principaux : Anthony Mackie, Kerry Washington et Ellen Barkin
Sociétés de production : 40 Acres & A Mule Filmworks et Rule 8
Pays d’origine : États-Unis
Genre : comédie dramatique
Durée : 138 minutes
Dates de sortie1 : 2004
Auteurs : François Ansermet
François Ansermet est membre du conseil consultatif national d’étique (ccne), psychanalyste, pédopsychiatre, professeur honoraire, université de Genève et université de Lausanne, Fondation Agalma, Genève (www.agalma.ch).
Date de mise en ligne : 2020
Résumé
Nous faisons face aujourd’hui à des changements inédits dans la fabrication des enfants (Ansermet, 2015), que rendent possibles de nouveaux usages des biotechnologies de la procréation, en particulier pour les couples de femmes ou les femmes seules, les couples d’hommes ou les hommes seuls, et aussi pour les transgenres. Un nouveau lien est aussi en train de s’établir entre procréation et prédiction : par le fait du séquençage du génome, il est devenu possible de prédire l’enfant (Ansermet, 2019), du moins dans ses dimensions génétiques. On peut aussi geler le temps et différer la procréation à travers la cryoconservation des gamètes ou des embryons. Ainsi de multiples disjonctions peuvent être introduites entre la sexualité et la procréation, entre la procréation et la gestation, mais aussi entre l’origine et la filiation, à travers le don de sperme, d’ovule ou d’embryon, et les démarches prédictives préconceptionnelles. L’origine est en pleine métamorphose : quelles en sont les conséquences ? Quel est l’impact des biotechnologies sur l’idée même d’origine ? Mais s’agit-il vraiment de nouveaux modes d’origine (Ansermet, 2012) ? Tout cela, est-ce vraiment nouveau ?
Rappelons en effet qu’il n’y a pas que les procréations médicalement assistées : il y a aussi les procréations divinement assistées. Au xiiie siècle, dans La légende dorée, Jacques de Voragine (2004) révèle que l’on peut créer l’homme de quatre façons : sans l’homme ni la femme, comme ce fût le cas pour Adam ; par l’homme sans la femme, comme cela a été le cas pour Ève ; par la femme sans l’homme, comme cela s’est fait miraculeusement avec Marie ; liste à laquelle il ajoute quand même une quatrième voie, par l’homme et par la femme, selon la manière commune…
Citation : Ansermet François, « L’origine à venir : naître enfant demain », dans : Michel Dugnat éd., Soins, corps et langage. En clinique périnatale. Toulouse, ERES, « Questions d’enfance », 2020, p. 73-80. URL : https://www.cairn-int.info/soins-corps-et-langage–9782749268101-page-73.html
L’Agence de la biomédecine lance une nouvelle campagne nationale du 16 novembre au 6 décembre 2020 afin de sensibiliser et d’informer sur le don de gamètes. En cette période d’épidémie de la Covid-19 et de reconfinement, cette campagne doit permettre d’informer et de faire de la pédagogie sur ce don qui pâtit encore d’idées reçues. Cette communication doit permettre de rectifier les idées fausses sur le sujet pour aider chacun à se faire une opinion en toute connaissance de cause. Ce don peut nécessiter un temps de réflexion plus ou moins long pour mûrir sa décision. Il est donc important de pouvoir informer du mieux possible toutes les personnes en âge de donner.
Sujet : Anonymat du don de gamètes et droit d’accès à ses origines génétiques
Auteurs : Sophie Dumas-Lavenac
Maître de conférences en droit privé, Université de Lorraine, Membre de l’Institut François Gény (EA 7301), Membre associé de l’IODE (UMR 6262)
Date de mise en ligne : 2017
Résumé
Au moment de l’élaboration du cadre légal du don de gamètes ou d’embryons en 1994, le législateur français a fait le choix du caractère anonyme de ce don, cet anonymat s’imposant non seulement aux parents et aux donneurs, mais encore aux personnes nées du don, et cela tout au long de leur vie. Ce choix a été maintenu lors des révisions législatives de 2004 et 2011. Si ce choix s’explique, en ce que l’anonymat est perçu comme un principe fondamental garantissant l’éthique du don, son application au don de gamètes ou d’embryons et le maintien de cette application sont discutables. Il aboutit en effet à nier le droit de la personne née du don d’accéder à ses origines génétiques, lequel recouvre deux facettes : le droit au respect de la vie privée mais aussi le droit à la santé.
Citation : Sophie Dumas-Lavenac, « Anonymat du don de gamètes et droit d’accès à ses origines génétiques », Cahiers Droit, Sciences & Technologies [En ligne], 7 | 2017, mis en ligne le 09 janvier 2018, consulté le 13 novembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/cdst/534 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cdst.534
licence : Cahiers Droit, Sciences & Technologies sont mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution 4.0 International.
Sujet : Construire la protection juridique de la personne face aux intelligences artificielles : inventer de nouveaux modèles ou solliciter les anciens ?
Auteurs : Sophie Dumas-Lavenac
Maître de conférences à l’Université de Lorraine, Institut François Gény, EA 7301, chercheuse associée à l’IODE, UMR CNRS 6262
Date de mise en ligne : 2020
Résumé
Le développement des intelligences artificielles oblige à une adaptation du système juridique et de ses catégories, comme naguère le développement de la biomédecine. L’observation de la construction du droit de la bioéthique permet de percevoir les difficultés et les éventuels écueils à éviter ou exemples à reproduire dans l’élaboration d’un corpus normatif propre à réguler les intelligences artificielles. Si la création de nouveaux modèles juridiques semble indispensable, il faut veiller à la façon dont la réflexion est menée pour aboutir à cette création, sous peine d’adopter des normes impuissantes à atteindre l’objectif de protection de la personne. La précipitation est alors à proscrire, ce qui conduit à rechercher la régulation, au moins dans un premier temps, dans les concepts et normes existants.
Citation : Sophie Dumas-Lavenac, « Construire la protection juridique de la personne face aux intelligences artificielles : inventer de nouveaux modèles ou solliciter les anciens ? », Cahiers Droit, Sciences & Technologies [En ligne], 11 | 2020, mis en ligne le 31 octobre 2020, consulté le 13 novembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/cdst/2381 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cdst.2381
licence : Cahiers Droit, Sciences & Technologies sont mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution 4.0 International.
Mots clés : intelligence artificielle, régulation, bioéthique
Extrait
Ce passage par la réflexion éthique, menée par les acteurs de la pratique eux-mêmes, est certainement une bonne chose en ce qu’il génère, comme toute auto-régulation, l’appropriation de la règle par ses destinataires, favorisant ainsi son respect. Il comporte toutefois un risque, au-delà d’une efficacité trop faible nuisant à la protection de la personne. Ce risque est celui de la rigidification de la norme tirée plus tard des conclusions de la réflexion. La biomédecine en fournit un exemple avec le don de gamètes. À propos de cette pratique en particulier, l’intervention législative a été très tardive. En effet, elle n’a pas bénéficié d’une loi ponctuelle comme cela a été le cas pour la transfusion sanguine ou le don d’organes, et elle n’a été encadrée qu’à partir de 1994, alors que le développement du don de sperme a eu lieu dans les années 1970. Les acteurs de la pratique : les CECOS, ont alors spontanément recherché des règles éthiques et mis en place une autorégulation. Il est apparu très difficile de les faire revenir sur les principes dégagés alors et consacrés ensuite par la loi, et précisément sur le principe d’anonymat du donneur à l’égard de la personne née du don. La levée de ce principe, aujourd’hui sans doute acquise, a connu des atermoiements. La crainte la plus souvent avancée était celle d’une chute du nombre de dons. Est ici perceptible la défense, par ceux qui la pratiquent, de la technique en cause qu’il faut faciliter, ou en tous cas ne pas entraver par un cadre normatif. L’éthique, au sens de la défense des droits fondamentaux, cède le pas face à la réalisation de la technique. Cette attitude est naturelle. En matière biomédicale, elle est celle de médecins qui recherchent avant tout le bien-être de leurs patients, et dont le serment, qu’ils ont prêté avant d’entamer leur exercice, les incite, avant tout, à ne pas nuire. Une telle attitude n’est-elle pas encore davantage à craindre de la part de ceux qui développent les techniques employant l’intelligence artificielle, et dont les préoccupations sont sans doute de rendre service à l’humanité, mais aussi de réaliser des profits ? Certaines pratiques biomédicales sont bien sûr soumises à des logiques de marché, mais un très grand nombre de techniques sont réalisées dans des établissements publics. Est-il sage de confier la recherche des règles éthiques, ayant nécessairement vocation à limiter l’utilisation des IA, puisque c’est l’objet de toute régulation, à ceux dont l’intérêt économique consiste au contraire à ne pas entraver cette utilisation ? Le conflit d’intérêts est patent. D’ailleurs, les firmes travaillent à la détermination d’un cadre éthique car elles recherchent avant tout la confiance du public, élément certainement nécessaire à une bonne commercialisation de leurs produits.
Sujet : Droit à la connaissance des origines des enfants nés d’un don
Auteurs : Anne Debet
Professeur à l’Université de Paris, membre de l’Institut Droit et Santé, Inserm UMR_S 1145, Faculté de droit, d’économie et de gestion, Université de Paris
Date de mise en ligne : 2020
Citation : Debet Anne, « Droit à la connaissance des origines des enfants nés d’un don », Journal du Droit de la Santé et de l’Assurance – Maladie (JDSAM), 2020/1 (N° 25), p. 32-44. URL : https://www.cairn.info/revue-journal-du-droit-de-la-sante-et-de-l-assurance-maladie-2020-1-page-32.htm