Les paillettes : journal d’un donneur de sperme, épisode 1

Titre de l’émission : Les paillettes : journal d’un donneur de sperme, épisode 1

Lien : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-pieds-sur-terre/les-paillettes-journal-d-un-donneur-de-sperme-episode-1-8515742

Date : 24 mai 2022

Résumé
Depuis la nouvelle loi bioéthique ouvrant la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, les centres de PMA ont reçu 3 500 dossiers supplémentaires en 2021. Sensibilisé par un couple d’amies lesbiennes, Clément, 33 ans, envisage de faire un don de sperme. Journal d’un donneur de « paillettes ».

En savoir plus
Chaque année, les centres français de recueil de don de sperme, les CECOS, reçoivent plus de 30 000 dossiers. A ce jour, près de 80 000 enfants sont nés grâce à des donneurs via ces centres publics. Depuis 2021 et la nouvelle loi bioéthique ouvrant la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, la demande a encore augmenté, et les CECOS se retrouvent face à une pénurie de « paillettes » : seuls 300 dons sont effectués chaque année, ce qui est largement insuffisant pour répondre à la demande. Face à cette pénurie, Clément réfléchit à devenir donneur. Il relate les étapes de sa réflexion, au fil de ses rencontres avec Sarah, devenue mère grâce à un don, et avec Vincent, lui-même issu d’un don.

« On avait l’impression d’être sur le Tinder du sperme »
C’est Sarah, une amie de Clément, qui l’a sensibilisé sur le sujet. Sarah a elle-même bénéficié d’un don en 2019, alors même que la PMA était encore interdite aux couples lesbiens. Avec sa compagne, elles ont dû se tourner vers Cryos, une banque de sperme privée domiciliée à l’étranger.
“On s’est rapidement dit qu’on voulait avoir une parentalité sans inclure un tiers personnage. La solution qui nous a semblé la plus naturelle, c’était de faire appel à une banque de sperme.” Sarah
Quand elles découvrent le catalogue en ligne, les deux femmes sont décontenancées. Sarah a l’impression “vertigineuse” de se retrouver face aux “Tinder du sperme” : elle fait défiler des photos de donneurs quand ils étaient enfants, avec descriptions de leur patrimoine génétique, “comme une espèce de CV”. “Ça fait un portrait robot de la personne qui est assez troublant.” Pour éviter toute “discrimination” ou “eugénisme”, un aspect du don de sperme que redoute justement Clément, les deux femmes décident de limiter les critères au strict minimum et tombent d’accord sur un donneur.
“Notre choix s’est porté sur quelqu’un qui acceptait que notre enfant le contacte à sa majorité si elle le souhaitait.” Sarah
Les paillettes du donneur, soit son sperme recueilli dans des sortes de petites pailles en plastique congelées, arrivent dans un colis. Sarah et sa compagne l’ont payé 1000 euros, et le donneur a reçu 50 euros pour son don. Clément n’est pas très à l’aise avec ce côté « catalogue » et la contrepartie financière. C’est pour cela qu’il choisit de se tourner vers les CECOS afin de donner gratuitement.

La question de la levée de l’anonymat
Pendant l’entretien, on demande à Clément si sa compagne est au courant et d’accord avec sa démarche, ainsi que ses antécédents génétiques. “J’ai un peu l’impression de passer en entretien d’embauche où j’aurais peur d’être recalé !” Enfin, on lui parle de la levée partielle de l’anonymat, qui rend possible pour les enfants de connaître l’identité de leur donneur à leur majorité. Troublé par cette information, Clément demande alors à Vincent, qui a appris à l’âge de trente ans qu’il était issu d’une PMA, ce que ça fait d’avoir un père et un géniteur.
“Quand j’ai su que c’était impossible d’en savoir plus sur le donneur, j’ai eu un sentiment d’injustice sociale. Parce qu’il n’y a pas que son identité qui m’était confisquée. C’est aussi l’hérédité. Tous les éléments de santé qui me concernent, mais que je vais aussi transmettre à mes enfants. Et donc je me retrouve avec une moitié de dossier médical quelque part.” Vincent
Vincent décide de mener coûte que coûte son enquête pour retrouver son géniteur, grâce aux tests ADN, alors même qu’ils sont interdits en France. Il lui faut plusieurs années pour retrouver la trace de Raymond.
“Raymond est mon donneur. Je pourrais dire mon père héréditaire ou génétique, mais j’aime pas trop, c’est compliqué, c’est pas joli. Ce que je sais, c’est que c’est mon papa, c’est pas Raymond, c’est Michel, et il le restera. En fait, depuis que j’ai rencontré Raymond, je suis encore plus proche de mon père. Je me sens beaucoup plus solide.” Vincent
Rassuré sur le bien-fondé de cette levée partielle d’anonymat qui lui semble légitime, Clément a tout de même encore quelques interrogations.
“Il y a d’autres questions qui me traversent. Qu’est-ce que je pourrais transmettre génétiquement ? Ma peau mate, la couleur de mes yeux, quelque chose d’autre de mes ancêtres ? Est-ce que je suis certain que je ne donne vraiment que des cellules ? Et puis, il y a un autre problème qui se pose, autrement plus compliqué…”

Merci à Sarah, Vincent, Catherine Guillemain et Chloé Rayneau.

Reportage : Clément Baudet
Réalisation : Emily Vallat
Mixage : Pierre Henry

Pétition en faveur du parrainage

Depuis longtemps, les centres AMP en France pratiquent le parrainage.

Les films qui traitent du don de gamètes évoquent souvent cette pratique (exemple avec le film le Furet) :

En 2020, le Dr Hortense Drapier expliquait pourquoi le parrainage avait été mis en place par les centres AMP.

Pour des raisons morales, de nombreuses personnes et associations demandaient qu’il soit mis fin à la pratique du parrainage.

Dans le procès verbal du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine du 16 septembre 2021, il est fait mention d’inquiétudes sur le fait que mettre fin à la pratique du parrainage pourrait réduire le nombre de donneuses d’ovocytes.

Comme nous vous l’indiquions dans notre article Règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation, cette pratique du parrainage est officiellement illégale depuis le 14 avril 2022.

La fin de cette pratique satisfait tous ceux qui militaient pour sa disparition. Cependant, cela génère aussi des inquiétudes et des déceptions. On peut constater la création d’une pétition contestant l’arrêt du parrainage : https://www.change.org/p/don-dovocyte-laisser-nous-le-parrainage

L’auteur de la pétition a écrit au Président de la république et a reçu une réponse.

Accès des hommes trans à l’AMP

La révision de la loi relative à la bioéthique qui a été promulguée le 2 août 2021, a instauré « la PMA pour toutes ». Cela signifie donc qu’une femme célibataire a donc accès à l’AMP avec tiers donneur.

Depuis la loi du 18 novembre 2016, il est possible de changer son genre à l’état civil sans subir de traitement altérant sa fertilité. Il est donc parfaitement possible pour une femme de devenir un homme tout en conservant ses fonctions reproductrices. Cependant, la loi relative à la bioéthique n’autorise pas un homme trans célibaire à avoir accès à l’AMP.

Le 29 novembre 2021, l’association GIAPS (Groupe d’information et d’action sur les questions procréatives et sexuelles) a fait un recours pour excès de pouvoir devant le Conset d’Etat.

Télécharger le recours du 29 novembre 2021 (format PDF)

Un mémoire complémentaire a été produit le 10 février 2022.

Télécharger le mémoire complémentaire du 10 février 2022 (format PDF)

Le 16 mai 2022, le Conseil d’Etat a estimé que le recours était valable du fait qu’il pose une question originale. Le recours a donc été transmis au Conseil constitutionnel.

Télécharger la décision du Conseil d’Etat du 16 mai 2022 (format PDF)

Si le recours devait aboutir, cela signifierait que les hommes trans pourraient bénéficier d’un don de spermatozoïdes.

Sondage IPSOS

L’association Les Matrikas (https://www.lesmatrikas.fr/) a commandé un sondage à l’institut IPSOS.

Télécharger le résultat du sondage

Comme on peut le lire sur la page d’accueil de leur site Internet, l’association Les Matrikas demande : « Le décalage d’au moins un an de l’entrée en application de la levée de l’anonymat sur le don de gamètes, afin que de la PMA pour toutes puisse réellement être accessible au passage de la loi ; »

Ce sondage est sorti début juin 2021, c’est à dire peu de temps avant la 3e lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi bioéthique. L’association Les Matrikas était intervenue dans plusieurs médias pour relayer leur sondage.

La deuxième question du sondage est une question à rallonge où il est dit tout et son contraire. Par exemple, il est demandé si on serait prêt à donner si c’était gratuit, et si on serait prêt à donner si c’était rémunéré. A partir du moment où la personne interrogée était d’accord avec au moins une déclaration, elle devait répondre oui. Je suis pratiquement sûr que ceux qui ont répondu « non » n’ont pas compris la question car en principe, il ne devrait pas être possible d’être en désaccord avec 2 déclarations opposées.

Début juin 2021, j’avais parlé de ce sondage problématique et la sociologue Irène Théry avait donné son opinion dessus.

Journée mondiale consacrée au droit à connaître ses origines

Depuis 2014, il existe une journée mondiale consacrée au droit à connaître ses origines. Ce sont les collectifs d’enfants nés sous X qui ont initié cette mobilisation. Cette journée a été fixée le 30 mai.

Ce droit d’accès aux origines pour les personnes conçues en France par AMP avec don de gamètes devrait prochainement devenir une réalité grâce à l’actuel projet de loi bioéthique.

Droit à la connaissance des origines des enfants nés d’un don

Sujet : Droit à la connaissance des origines des enfants nés d’un don

Auteurs : Anne Debet
Professeur à l’Université de Paris, membre de l’Institut Droit et Santé, Inserm UMR_S 1145, Faculté de droit, d’économie et de gestion, Université de Paris

Date de mise en ligne : 2020

Citation : Debet Anne, « Droit à la connaissance des origines des enfants nés d’un don », Journal du Droit de la Santé et de l’Assurance – Maladie (JDSAM), 2020/1 (N° 25), p. 32-44. URL : https://www.cairn.info/revue-journal-du-droit-de-la-sante-et-de-l-assurance-maladie-2020-1-page-32.htm

Lien du document : : https://www.cairn.info/revue-journal-du-droit-de-la-sante-et-de-l-assurance-maladie-2020-1-page-32.htm