« Franchement, on n’est pas aidé » : donner son sperme, un vrai parcours du combattant

Titre : « Franchement, on n’est pas aidé » : donner son sperme, un vrai parcours du combattant
Date : 25 juin 2024
Auteur : Emilie Torgemen
Lien : https://www.leparisien.fr/societe/sante/franchement-on-nest-pas-aide-donner-son-sperme-un-vrai-parcours-du-combattant-25-06-2024-BOFH3LBMQVELTCHMMAQWJ2CXME.php

Les donneurs Jonathan (pseudo) et Alan Gentil parlent des difficultés rencontrées durant leur parcours de don.

Nouvelle QPC sur le droit d’accès aux origines?

Le 28 février 2024, une personne issue d’un don a présenté une QPC devant le tribunal administratif de Paris. Une audience s’est tenue le 31 mai 2024 pour examiner la QPC

Le 14 juin 2024, le tribunal administratif de Paris a rendu sa décision :
– Les dispositions litigieuses ne peuvent être regardées comme ayant déjà été déclarées conformes à la Constitution
– La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux

Le tribunal administratif considère qu’il y a lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité.

Télécharger la décision du Tribunal Administratif de Paris n°2325233 datant du 14 juin 2024, 6e Section

Un gynécologue soupçonné d’insémination avec son sperme devra se plier à un test ADN: “Est-il mon père biologique? J’ai le droit de savoir”

Titre : Un gynécologue soupçonné d’insémination avec son sperme devra se plier à un test ADN: “Est-il mon père biologique? J’ai le droit de savoir”
Date : 10 mai 2024
Lien : https://www.7sur7.be/faits-divers/un-gynecologue-soupconne-d-insemination-avec-son-sperme-devra-se-plier-a-un-test-adn-est-il-mon-pere-biologique-j-ai-le-droit-de-savoir~acf46859/

Extrait : Le tribunal a estimé que dans ce cas particulier, le droit du plaignant d’obtenir la certitude de sa filiation biologique l’emporte sur le droit du gynécologue de dissimuler sa paternité biologique et sur son attente légitime de rester anonyme. Dans ce cas particulier, le tribunal a tenu compte, entre autres, du fait que l’anonymat repose sur la réciprocité – un donneur de sperme ne sait pas quelle femme sera inséminée avec son sperme, tandis que les parents ne savent pas de qui viendra le don.

Association Enfant de l’insémination avec donneur

En décembre 2023 a été créé l’association Suisse « Enfant de l’insémination avec donneur ». La fondatrice et présidente est Anne Marie Le Penven.
Site Internet de leur association : https://enfantdelinsemination.com

La fondatrice de l’association a publié le 11 avril 2024 l’article « J’ai envoyé une demande à la CAPADD pour connaître mon donneur et je sais déjà que ça ne va pas aboutir ».
Lien : https://enfantdelinsemination.com/recherche-dorigines-la-capadd-impuissante-et-sans-reponse-pour-les-conceptions-hors-cecos-reflexions-et-propositions/

Cet article/vidéo aborde la problématique des personnes qui ont été conçus avant 1994 dans un cabinet de gynécologie et qui ne peuvent pas exercer leur droit d’accès aux origines.

QPC sur la loi bioéthique (2)

Cet article est destiné à répondre aux différentes interrogations relatives à une QPC qui a été déposée le 28 janvier 2023 auprès du Conseil d’Etat.

La question transmise est la suivante :
« L’article 342-9 du code civil dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, en ce qu’il exclut le droit pour les personnes issues d’un don de spermatozoïdes et n’ayant qu’un seul parent, à être adoptées par le donneur, est-il contraire au principe de liberté individuelle et au droit à une vie familiale normale ? »

1. Qu’est qu’une QPC ?

La Constitution française permet de garantir les droits fondamentaux des citoyens. Elle pose, par exemple, le principe de l’égalité des citoyens devant la loi, fait du suffrage universel la source de la légitimité politique et accorde à chacun le droit de faire entendre sa cause devant un tribunal indépendant.

La Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est un droit reconnu à toute personne de demander que soit contrôlé qu’une disposition législative est bien conforme aux droits et libertés que la Constitution garantit. Pour prendre un exemple simple, la Constitution française prévoit en son article 66-1 que « nul ne peut être condamné à la peine de mort ». Cela signifie que s’il était adopté une loi instaurant la peine de mort, une personne serait en droit de déposer une QPC afin que soit contrôlé si la loi respecte bien les droits et libertés que la Constitution garantit.

C’est le Conseil Constitutionnel qui est chargé de veiller à ce que les lois françaises soient conformes à la Constitution.

2. Est-ce utile que les lois respectent la Constitution française ?

Il est toujours souhaitable que les lois respectent les droits et libertés que la Constitution française garantit.

3. La loi bioéthique de 1994 et la question de la filiation

Jusqu’en 1994, la pratique du don de spermatozoïdes était peu encadrée et il n’y avait pas de loi spécifique en ce qui concerne la filiation des personnes issues d’une AMP avec tiers donneur, ce qui était dommageable pour les enfants. En cas de séparation du couple, il pouvait arriver que l’enfant s’entende dire de la part de sa mère : « Ton père n’est pas ton père » et que la filiation entre l’enfant et son père soit cassée au motif que l’homme n’est pas le père biologique de l’enfant.

C’est pour cette raison qu’a été introduit plusieurs articles de loi pour protéger la filiation entre l’enfant et son père même si celui-ci n’est pas le géniteur.

Lors de la première loi de bioéthique de 1994, la question d’un lien de filiation entre l’enfant et le donneur de spermatozoïdes ne pouvait pas se poser car la loi imposait que tous les enfants issus du don aient 2 parents et la loi imposait également l’anonymat absolu avec le donneur.

4. La loi bioéthique de 2021 et la question de la filiation

Comme dit précédemment, la question du lien de filiation entre l’enfant issu d’un don et le donneur ne se posait en 1994 pas pour 2 raison :
1) Le principe d’anonymat absolu du don de gamètes faisait que la personne issue du don et le donneur ne pouvaient pas se connaître
2) Les enfants qui naissaient grâce à un don avaient obligatoirement 2 parents avec lesquels le lien de filiation était établi dès leur naissance

La loi de bioéthique de 2021 a apporté les modifications suivantes :
1) « PMA pour toutes », ce qui signifie que les femmes célibataires ont à présent accès à l’AMP et leurs enfants n’ont qu’un seul lien de filiation
2) « Le droit d’accès aux origines », ce qui signifie que les personnes issues d’un don peuvent connaître l’identité du donneur

A noter qu’en plus du droit d’accès aux origines, il est également possible de retrouver le donneur grâce à des tests ADN. Cette pratique est théoriquement interdite mais dans la pratique, on peut la considérer comme tolérée puisqu’il n’y a jamais eu de poursuites.

Compte tenu de ces changements, la question du lien de filiation entre la personne issue du don et le donneur de spermatozoïdes se pose. Durant l’examen du projet de loi bioéthique, cette question a d’ailleurs été longuement traitée. Des parlementaires souhaitaient que si la personne issue d’un don établissait une relation très forte avec son donneur, qu’elle puisse faire établir un lien de filiation du fait que celui-ci est son géniteur. Ces demandes ont été rejetés, avec comme argument que si la personne issue du don et le donneur établissent une relation très forte, il leur faudra passer par l’adoption pour établir le lien de filiation.


Il a donc été expliqué durant les débats du projet de loi bioéthique que l’article 342-9 du code civil n’interdisait pas l’établissement d’un lien de filiation entre la personne issue du don et le donneur de spermatozoïdes au moyen d’une adoption et à ma connaissance, aucune association à l’époque ne s’en était offusquée ou émue.

5. Sur quoi porte la QPC déposée le 28 janvier 2023 ?

La QPC qui a été déposée le 27 février 2023 porte sur l’article 342-9 du code civil :
« En cas d’assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation.
Aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l’encontre du donneur. »

L’objet de cette QPC est de comprendre la signification de cet article de loi.

D’après le gouvernement et plusieurs juristes, la signification de cet article de loi est qu’il interdit l’établissement d’un lien de filiation entre la personne issue du don et le donneur, en invoquant le lien biologique qui existe entre les deux. Il est donc impossible d’établir le lien de filiation au moyen d’une recherche en paternité ou au moyen d’une reconnaissance de paternité. En revanche, il n’existerait aucun interdit pour faire établir un lien de filiation qui n’est pas fondé sur le lien biologique.

Cependant, d’après d’autres juristes, la signification de cet article de loi est qu’il est strictement impossible d’établir un lien de filiation entre la personne issue du don et le donneur.

Les deux camps ont des arguments solides pour défendre leur point de vue, ce qui fait qu’actuellement, il n’y a aucune certitude sur la signification de cet article de loi, ce qui est bien évidemment problématique. L’intérêt de la QPC est de lever cette incertitude sur la signification de l’article de loi.

6. Sur quoi ne porte pas la QPC déposée le 28 janvier 2023 ?

Une QPC peut servir à demander l’abrogation d’un article de loi au motif qu’il n’est pas conforme à la Constitution. Dans le cas présent, la QPC déposée ne demande pas l’abrogation de l’article mais demande que le Conseil Constitutionnel apporte des précisions sur son interprétation.

Il est vraiment important de comprendre que l’article de loi sera maintenu en l’état. Il existe un consensus sur le fait que cet article de loi est protecteur pour toutes les parties prenantes et qu’en conséquence, il faut le maintenir. Il est indispensable qu’aucun lien de filiation ne puisse être imposé au donneur ou à la personne issue du don au motif qu’il existerait un lien biologique.

Il est probable est qu’il n’ait jamais existé d’interdiction pour une personne issue d’un don, n’ayant qu’un seul lien de filiation avec sa mère et ayant établi une relation enfant-parent avec le donneur, de faire établir un lien de filiation avec le donneur au moyen d’une adoption. Pour connaître la volonté du législateur, il est toujours intéressant d’écouter les débats parlementaires et ceux de 1994 ne font jamais mention d’une volonté d’interdire les adoptions. Cependant, en supposant que le gouvernement soit dans l’erreur et que l’article de loi interdise l’établissement d’un lien de filiation au moyen d’une adoption, alors la QPC est destinée à supprimer cet interdit d’adoption tout en conservant la totalité des autres interdits qui permettent de protéger toutes les parties contre un lien de filiation qui serait imposé et non désiré.

7. Réponse à diverses inquiétudes

Comme cette QPC a été mal comprise, je vais essayer de répondre à diverses questions.

Question 1 : Je suis une femme célibataire et je viens d’avoir un enfant par AMP. Est-ce qu’avec votre QPC, il y a un risque que le donneur établisse un lien de filiation avec mon enfant mineur contre ma volonté ?
Réponse : Non. Avec la QPC, l’impossibilité d’établir un lien de filiation par reconnaissance de paternité est maintenue. Si le lien de filiation se fait par adoption, cela nécessite que ce soit la mère qui soit à l’origine de la demande. Il faudra aussi nécessairement que le donneur accepte, et enfin, que ce soit validé par un juge dans le cadre d’une procédure très encadrée.

Question 2 : Je suis un donneur de gamètes. Est-ce qu’avec votre QPC, il y a un risque que soit établi contre ma volonté, un lien de filiation avec une personne issue de mon don ?
Réponse : Non. Avec la QPC, l’impossibilité d’établir un lien de filiation par recherche en paternité est maintenue. Si le lien de filiation se fait par adoption, cela nécessite que le donneur soit consentant.

Question 3 : J’ai 13 ans et je suis issu d’une AMP avec tiers donneur. Est-ce qu’avec votre QPC, il y a un risque que le donneur établisse un lien de filiation avec moi contre ma volonté ?
Réponse : Non. Avec la QPC, l’impossibilité d’établir un lien de filiation par reconnaissance de paternité est maintenue. Si le lien de filiation se fait par adoption, cela nécessite que ce soit la mère qui soit à l’origine de la demande et il faudra de plus le consentement de la personne issue du don, ainsi que du donneur et enfin, d’un juge.

En effet, pour établir un lien de filiation qui n’est pas fondé sur la biologie, il faut respecter une procédure très encadrée. Il faut tout d’abord que toutes les parties concernées aient le désir d’établir le lien de filiation. Il faut aussi prouver qu’il existe une relation forte et durable entre l’adoptant et l’adopté. Tout ceci se fait dans le cadre d’une procédure encadrée par un juge spécialisé qui vérifie que les droits de toutes les parties sont bien respectées.

Question 4 : S’il n’y a pas d’interdiction d’établir un lien de filiation par adoption, est-ce que cela signifie que toutes les personnes issues d’un don auraient l’obligation de se faire adopter ?
Réponse : Non, en supprimant un interdit, cela offre une liberté supplémentaire sans créer la moindre obligation. Il faut bien comprendre qu’aucune démarche d’adoption n’est pas si toutes les parties prenantes n’expriment pas ce désir.

Il y a 10 ans de cela, des couples homosexuels s’étaient déclarés opposés au « mariage pour tous » au motif qu’ils n’avaient pas envie de se marier. Ces couples n’avaient pas compris que le fait d’offrir la liberté de se marier ne signifiait en aucune manière qu’il existait une obligation de se marier. Pour qu’un mariage se fasse, il faut nécessairement que les 2 membres du couple le désirent, et ce n’est donc pas quelque chose qui est imposé. Il en va de même pour le droit d’accès aux origines. Lors de l’examen du projet de loi bioéthique, des personnes issues d’un don se sont prononcées contre ce droit au motif qu’elles ne souhaitaient pas connaître l’identité du donneur. Cependant, il s’agissait d’un droit et non pas d’un obligation. D’ailleurs, sur les dizaines de milliers de personnes issues d’un don, seules 363 ont à ce jour faire une demande auprès de la CAPADD, ce qui montre que cette saisie de la CAPADD est une liberté et non pas une obligation.

Question 5 : Pourquoi la QPC ne porte que sur les personnes issues d’un don qui n’ont qu’un seul parent ? Pourquoi ne pas faire la même demande pour les personnes issues d’un don qui ont 2 parents ?
Réponse : La loi française prévoit qu’une personne ne puisse avoir que 2 parents, ce qui interdit donc l’adoption d’une personne ayant déjà 2 parents. L’article 342-10 du code civil précise bien : « Le consentement donné à une assistance médicale à la procréation interdit toute action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation, à moins qu’il ne soit soutenu que l’enfant n’est pas issu de l’assistance médicale à la procréation ou que le consentement a été privé d’effet. » Pour qu’une personne qui a 2 parents puisse être adoptée, il faudrait qu’il puisse au préalable casser le lien de filiation qui l’unit à son parent non biologique, ce que n’autorise pas la loi. Il n’aurait été ni souhaitable, ni légalement possible de proposer une adoption pour des personnes issues d’un don ayant 2 parents. Le requérant ne voulant pas remettre en cause l’article 342-10 du code civil, n’a tout logiquement pas proposé que les personnes issues d’un don et ayant 2 parents, puissent solliciter l’établissement d’un lien de filiation avec leur donneur.

8. Est-ce que l’établissement d’un lien de filiation peut nuire à quelqu’un ?

Est-ce que la QPC peut avoir des conséquences négatives pour quelqu’un ? A priori, les seules personnes qui pourraient être pénalisées, ce seraient les héritiers de la personne qui adopte car cela aura pour conséquence de diminuer leur part d’héritage. L’avantage de la procédure d’adoption est que si quelqu’un estime être pénalisé par une adoption, il a la possibilité de se manifester et le juge en tiendra compte. Les personnes lésées ont même la possibilité de se plaindre après l’adoption car il est déjà arrivé que la justice annule des adoptions.

Nous avons la chance de vivre en France qui est un pays de liberté. La règle étant que par défaut, tout est autorisé à l’exception de ce qui est interdit. Pour inscrire un interdit dans la loi, il faut que celui-ci soit motivé car heureusement, il n’est pas possible d’interdire de manière arbitraire.

9. Est-ce qu’il faut s’attendre à un grand nombre d’établissement de liens de filiation ?

Non, cela devrait concerner un très restreint de personnes.

Pour que le lien de filiation puisse s’établir, il faut que toutes les conditions suivantes soient remplies :
– La personne issue du don n’ait qu’un seul lien de filiation
– La personne issue du don a recherché et retrouvé le donneur
– Une relation enfant-père doit s’établir entre la personne issue du don et le donneur
– La personne issue du don doit vouloir établir un lien de filiation et le donneur doit y consentir
– Dans le cadre de la procédure d’adoption, un juge doit étudier la demande et la valider

A l’étranger, il existe des exemples d’adoptions qui sont à l’origine de personnes issues d’un don, mais qui peuvent aussi provenir de la mère de l’enfant. Il faut cependant prendre en considération que la législation à l’étranger n’est pas la même qu’en France. Des législations à l’étranger permettent de choisir le donneur sur catalogue (physique, goût et centres d’intérêts, timbre de la voix, âge, etc.), ce qui fait que des femmes font le choix de choisir le donneur qui correspond à ce qu’elles considèrent comme l’homme idéal. Cela peut grandement expliquer pourquoi quand la mère parvient à retrouver le donneur, elle puisse tomber amoureuse de lui. La législation française ne permet pas de choisir le donneur sur catalogue, ce qui fait que si la mère parvient à retrouver le donneur de son enfant, la probabilité qu’elle tombe amoureuse de lui est plus faible.

10. Conséquences de la décision du Conseil Constitutionnel

Le Conseil Constitutionnel peut rendre trois décisions dans le cadre de la QPC

1) Le Conseil Constitutionnel peut considérer que le gouvernement a raison et que l’article de loi n’interdit en aucune façon l’établissement d’un lien de filiation par adoption. Dans cette hypothèse, la QPC sera rejetée compte tenu que l’interdit contesté n’a jamais existé.

2) Le Conseil Constitutionnel peut à l’inverse considérer que c’est le requérant qui a raison de dire qu’il existe une interdiction d’établir un lien de filiation par adoption. Dans cette hypothèse, le Conseil Constitutionnel devra dire si cette interdiction est conforme à la Constitution. Si ce n’est pas conforme à la Constitution, le Conseil Constitutionnel devrait simplement indiquer que l’article ne fait pas obstacle à une adoption. (Il faut bien comprendre que la QPC ne demande pas l’abrogation de l’article)

3) Le Conseil Constitutionnel peut enfin considérer que c’est le requérant qui a raison de dire qu’il existe une interdiction d’établir un lien de filiation par adoption. Dans l’hypothèse où le Conseil Constitutionnel estimerait que cette interdiction est conforme à la Constitution, la QPC serait simplement rejetée.

Quelle que soit la décision prise par le Conseil Constitutionnel, celle-ci me satisfera. En effet, l’objectif premier de la QPC est de connaître la signification de l’article de loi, et donc, peu importe que la décision rendue soit la 1), 2) ou 3).

11. Date d’audience de la QPC

L’audience s’est tenue le mardi 30 mai 2023.

 

12. Finalité de l’adoption ?

Contrairement à ce que certaines personnes peuvent croire, l’objectif n’est pas de donner un enfant à la personne qui adopte mais il s’agit de donner un parent à la personne qui est adoptée. Le juge en charge de l’adoption a pour mission de veiller que l’adoption soit bénéfique pour la personne adoptée.

Le juge dispose des compétences nécessaires pour permettre des adoptions même dans des situations rares et qui ne devraient normalement pas se produire. Par exemple, de la même façon qu’un donneur de spermatozoïdes n’a pas vocation à devenir le père d’une personne issue de son don, un grand-père n’a pas vocation à devenir le père de son petit fils, une sœur n’a pas vocation de devenir la mère de son frère, etc. Dans toutes ces situations, le juge doit se demander avant tout quel est l’intérêt de la personne susceptible d’être adoptée.

C’est ainsi que des grand-parents peuvent adopter leur petit fils (CA Lyon, 18 octobre 1983, RTD civ., 1984, p. 309, obs. Roger Nerson et Jacqueline Rubellin-Devichi).
C’est ainsi qu’une sœur peut adopter son frère (CA Paris, 10 février 1998, Juris-Data n° 1998-020403 ; JCP éd. G., 1998, II, 10130, p. 1431, note C).
Etc.

Il s’agit à chaque fois de décisions individuelles prises par le juge après avoir mené des investigations lui ayant permis de constater que l’adoption était bénéfique pour la personne adoptée. L’intérêt de la personne adoptée étant toujours la boussole à suivre pour prendre une décision d’adoption.

13. Date de la décision de la QPC

La décision sera rendue le vendredi 9 juin 2023.

14. La décision

Le Conseil Constitutionnel refuse de se prononcer sur le fait que la loi autorise ou non l’établissement d’un lien de filiation par adoption. La QPC n’aura donc pas permis de lever l’incertitude sur cette question.

QPC sur la loi bioéthique (1)

Cet article est destiné à répondre aux différentes interrogations relatives à une QPC qui a été déposée le 27 février 2023 auprès du Conseil d’Etat.

1. Qu’est qu’une QPC ?

La Constitution française permet de garantir les droits fondamentaux des citoyens. Elle pose, par exemple, le principe de l’égalité des citoyens devant la loi, fait du suffrage universel la source de la légitimité politique et accorde à chacun le droit de faire entendre sa cause devant un tribunal indépendant.

La Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est un droit reconnu à toute personne de demander que soit contrôlé qu’une disposition législative est bien conforme aux droits et libertés que la Constitution garantit. Pour prendre un exemple simple, la Constitution française prévoit en son article 66-1 que « nul ne peut être condamné à la peine de mort ». Cela signifie que s’il était adopté une loi instaurant la peine de mort, une personne serait en droit de déposer une QPC afin que soit contrôlé si la loi respecte bien les droits et libertés que la Constitution garantit.

C’est le Conseil Constitutionnel qui est chargé de veiller à ce que les lois françaises soient conformes à la Constitution.

2. Est-ce utile que les lois respectent la Constitution française ?

Il est toujours souhaitable que les lois respectent les droits et libertés que la Constitution française garantit.

En ce qui concerne plus spécifiquement le droit d’accès aux origines, il faut bien avoir conscience qu’il ne s’agit pas d’une loi gravée dans le marbre et que celle-ci a vocation à évoluer avec le temps. On pourrait par exemple imaginer que lors de la prochaine loi relative à la bioéthique (ce sera probablement en 2028), il soit donné le droit aux parents d’avoir accès à certaines données non identifiantes du donneur dès la naissance de leur enfant, ou que la personne issue du don ait accès aux données non identifiantes du donneur dès 14 ans, ou que la CAPADD ait comme mission de mettre en relation les personnes issues d’un don et les donneurs, ou que la CAPADD ait comme mission de mettre en relation les demi-génétiques (les personnes issues du même donneur), ou de permettre un accès plus facile aux antécédents médicaux du donneur, etc.

Il est probable que les futures évolutions du droit d’accès aux origines seront facilitées si ses fondations sont solides, ce qui implique notamment que celles-ci aient été reconnues comme conformes à la Constitution. Ce contrôle de la constitutionnalité permettra de clarifier les choses et de pouvoir plus sereinement envisager les futures évolutions du droit d’accès aux origines.

3. La loi bioéthique et le droit d’accès aux origines

Le gouvernement a déposé un projet de loi relatif à la bioéthique le 24 juillet 2019. Ce projet de loi prévoyait l’instauration d’un droit d’accès aux origines pour les personnes issues d’une AMP avec tiers donneur. Le dispositif prévoyait que les futurs donneurs devront obligatoirement consentir à la communication de leur identité et de données non identifiantes. En ce qui concerne les anciens donneurs (ceux qui ont donné sous l’ancien régime), il était prévu qu’ils aient le droit de se manifester auprès de la CAPADD afin de consentir à la communication de leur identité et de données non identifiantes.

Précédemment, le Conseil d’Etat avait remis un avis au gouvernement sur le projet de loi bioéthique en validant le principe du droit d’accès aux origines avec les dispositions prévues par le gouvernement.

L’Assemblée Nationale a fait une ultime lecture de la loi relative à la bioéthique le 29 juin 2021 pour être ensuite promulguée le 2 août 2021.

Suite à la promulgation de la loi relative à la bioéthique, il y a eu une importante campagne destinée à informer les anciens donneurs de l’existence du droit d’accès aux origines et de la possibilité pour eux de consentir à la communication de leur identité aux personnes issues de leur don.

4. Sur quoi porte la QPC déposée le 27 février 2023 ?

La QPC qui a été déposée le 27 février 2023 porte exclusivement sur le 6° de l’article L. 2143-6 du code de la santé publique :
« Une commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur est placée auprès du ministre chargé de la santé. Elle est chargée :
6° De contacter les tiers donneurs qui n’étaient pas soumis aux dispositions du présent chapitre au moment de leur don, lorsqu’elle est saisie de demandes au titre de l’article L. 2143-5, afin de solliciter et de recueillir leur consentement à la communication de leurs données non identifiantes et de leur identité ainsi qu’à la transmission de ces données à l’Agence de la biomédecine. Afin d’assurer cette mission, la commission peut utiliser le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques et consulter ce répertoire. Les conditions de cette utilisation et de cette consultation sont fixées par un décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. La commission est également autorisée à consulter le répertoire national inter-régimes des bénéficiaires de l’assurance maladie afin d’obtenir, par l’intermédiaire des organismes servant les prestations d’assurance maladie, l’adresse des tiers donneurs susmentionnés ; »

Cette disposition ne figurait pas dans le projet de loi initial et elle a donc été ajouté par un amendement parlementaire. Cela a pour conséquence que le Conseil d’Etat ne s’est donc pas prononcé sur la légalité de cette disposition.

La Fédération Française des CECOS avait transmis des observations au Conseil Constitutionnel sur cette disposition mais le Conseil Constitutionnel n’en pas pu en tenu compte puisqu’il ne lui a pas été demandé de contrôler cette disposition.

Il a été posé la question de savoir si la QPC pouvait aboutir à la suppression du droit d’accès aux origines et la réponse est clairement non. Quelle que soit l’issue de la QPC, les nouveaux donneurs auront toujours l’obligation de consentir à la communication de leur identité et de données non identifiantes, les anciens donneurs auront toujours la possibilité d’y consentir spontanément et toutes les personnes issues d’une AMP avec tiers donneur auront toujours le droit de saisir la CAPADD

5. Possibilité de déposer d’autres QPC ?

Le fait qu’i y ait eu une QPC de déposer sur cette disposition de la loi bioéthique ne retire pas le droit à d’autres personnes de déposer des QPC sur cette même disposition.

Certaines des personnes issues d’un don qui ont saisi la CAPADD vont recevoir des réponses négatives. Ces demandeurs déçus ont la possibilité de déposer une QPC. Par exemple, ils pourraient estimer qu’ils devraient avoir le droit d’obtenir l’identité du donneur à partir du moment où celui-ci est décédé. Si le Conseil d’Etat décide que la QPC présente un caractère sérieux, celle-ci pourra être renvoyée devant le Conseil Constitutionnel.

Si une personne issue d’un don estime qu’une disposition de la loi bioéthique est non conforme à la Constitution, elle a donc parfaitement le droit de déposer une QPC.

6. Le 6° de l’article L. 2143-6 du code de la santé publique

C’est notamment la rapporteure Coralie Dubost qui s’est battue pour introduire dans la loi une disposition pour que la CAPADD puisse solliciter un ancien donneur en cas de demande d’une personne issue d’un don. Les débats au parlement permettent de bien appréhender la finalité de cette disposition, ainsi que les doutes qui lui sont associés.

Séance d’examen à l’Assemblée nationale de l’amendement 2449 du 2 octobre 2019 :

Séance d’examen à l’Assemblée nationale de l’amendement 2167 du 30 juillet 2020 :

7. Conséquences de la décision du Conseil Constitutionnel

Le Conseil Constitutionnel rend dans 65 % des QPC une décision de conformité. Cela signifie que le Conseil Constitutionnel valide que la loi est bien conforme à la Constitution. Par déduction, il y a donc 35% des QPC qui ont une décision de non conformité.

Quand le Conseil Constitutionnel rend une décision de conformité de loi avec la Constitution, cela permet à la loi d’en sortir plus forte puisque les doutes sur sa légalité sont levés.

Quand le Conseil Constitutionnel rend une décision de non conformité à la Constitution, celle-ci est motivée. En fonction de la motivation donnée par le Conseil Constitutionnel pour justifier la non conformité, cela peut aboutir à la suppression totale de la disposition contrôlée ou à une petite modification qui ne change pas fondamentalement la disposition.

8. Droit d’accès aux origines pour les nés sous X

Le 22 janvier 2002 a été promulgué la loi n° 2002-93 relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’Etat. Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) a été créé par cette loi. Il assure plusieurs missions dont rechercher les parents de naissance et solliciter leur accord pour lever le secret de leur identité à la suite d’une demande d’accès aux origines de l’enfant. Le Conseil Constitutionnel avait été saisi par une QPC pour se prononcer sur la constitutionnalité de cette loi.

Le requérant faisait valoir qu’en autorisant une femme à accoucher sans révéler son identité et en ne permettant la levée du secret qu’avec l’accord de cette femme, ou, en cas de décès, dans le seul cas où elle n’a pas exprimé préalablement une volonté contraire, les dispositions contestées méconnaissent le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale.

Extrait de la décision du Constitutionnel au sujet de la QPC du 16 mai 2012 (https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2012/2012248QPC.htm) : « Considérant qu’en permettant à la mère de s’opposer à la révélation de son identité même après son décès, les dispositions contestées visent à assurer le respect de manière effective, à des fins de protection de la santé, de la volonté exprimée par celle-ci de préserver le secret de son admission et de son identité lors de l’accouchement tout en ménageant, dans la mesure du possible, par des mesures appropriées, l’accès de l’enfant à la connaissance de ses origines personnelles ; qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, de substituer son appréciation à celle du législateur sur l’équilibre ainsi défini entre les intérêts de la mère de naissance et ceux de l’enfant ; que les dispositions contestées n’ont pas privé de garanties légales les exigences constitutionnelles de protection de la santé ; qu’elles n’ont pas davantage porté atteinte au respect dû à la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale ».

Une bonne analyse de cette décision du Conseil Constitutionnel est disponible ici : https://www.dalloz-actualite.fr/essentiel/constitutionnalite-de-l-accouchement-sous-x

Cette décision du Conseil Constitutionnel sur la conformité du droit d’accès aux origines pour les personnes nées sous X pourrait être citée dans le cadre du contrôle de la conformité du droit d’accès aux origines pour les personnes issues d’une AMP avec tiers donneur.

9. Contenu de la QPC

Avec cette QPC, l’objectif prioritaire est de permettre aux anciens donneurs de faire connaître leur refus de recevoir des sollicitations de la CAPADD (par exemple, en remplissant un formulaire de refus de sollicitations).

Lorsqu’une personne née d’un don sollicite la CAPADD pour obtenir des informations sur le donneur, la CAPADD peut envoyer un second courrier recommandé en cas de non réponse du donneur à la première sollicitation. Ceci est vrai distinctement pour chaque demande de personne issue du don (la loi permet à un donneur d’aider à la conception de 10 personnes). Un donneur pourrait donc se retrouver à être sollicité un grand nombre de fois. C’est pour éviter la sur-multiplication des sollicitations du donneur que la QPC demande que les anciens donneurs aient le droit de mettre un terme aux envois de sollicitations provenant de la CAPADD..

10. Date d’audience de la QPC

L’audience de la QPC s’est tenue le mardi 30 mai 2023.

Le représentant de la Première Ministre a proposé que le Conseil Constitutionnel fasse une réserve d’interprétation pour permettre aux anciens donneurs de s’opposer à la réception de sollicitations de la part de la CAPADD. L’avocate du requérante a salué cette proposition compte tenu que cela répond au principal grief. Si le Conseil Constitutionnel décide de suivre la proposition du représentant de la Première Ministre, cela permettrait donc d’améliorer les droits des anciens donneurs, et cela répondrait également à la demande du requérant.

11. Date de la décision

Le Conseil Constitutionnel rendra sa décision le vendredi 9 juin 2023.

12. Décision

Le Conseil constitutionnel assortit d’une réserve d’interprétation la déclaration de conformité à la Constitution de dispositions relatives à l’accès aux données non identifiantes et à l’identité des tiers donneurs des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation.

Télécharger la décision du Conseil Constitutionnel sur la QPC 2023-1052.

Nouvelle réglementation pour le don de spermatozoïdes

La révision de la loi bioéthique de 2021 a introduit 2 grands changements : la PMA pour toutes et le droit d’accès aux origines.

Selon nos informations, le gouvernement devrait publier durant l’été un décret pour imposer qu’à partir de fin 2024 ou début 2025, il ne soit utilisé que des gamètes dont le donneur a consenti au droit d’accès aux origines.

Depuis l’instauration de la PMA pour toutes, les besoins de spermatozoïdes sont plus importants mais cela est heureusement compensé par une forte augmentation du nombre de donneurs. Afin d’éviter de se retrouver en situation de pénurie, il convient de faire attention à ce qu’il n’y ait pas dans le futur une baisse du nombre de donneurs. Selon nous informations, le décret qui sortira cet été va modifier la réglementation relative au don de gamètes avec l’objectif d’augmenter le nombre de donneurs de spermatozoïdes.

À partir du 1er septembre 2023, l’âge limite pour faire un don de spermatozoïdes passerait de 44 à 49,3 ans. Ensuite, tous les 3 mois, l’âge limite sera progressivement augmenté jusqu’à atteindre l’âge de 64 ans. Les centres de don recevant plus de 300 donneurs par an auront l’obligation de mettre un index seniors. Cet indicateur permettra de vérifier que les centres de don ne discriminent pas les donneurs en fonction de leur âge.

Un autre changement serait que les donneurs de spermatozoïdes pourraient être indemnisés. L’objectif étant que les donneurs qui seront allés au bout de leur don, aient l’assurance de recevoir au moins 1200 € (soit l’équivalent d’au moins 85% du SMIC). Cette mesure serait également applicable au don d’ovocytes et le gouvernement prévoit de prendre en considération sa pénibilité particulière et en conséquence, les femmes auront droit pour leur indemnité à une généreuse surcote de 5% et même de 10% pour les femmes qui feront le choix de faire 2 dons d’ovocytes.

Edit : Vous aurez deviné qu’il s’agissait d’un poisson d’avril s’inspirant de l’actuelle réforme des retraites.