Les paillettes : journal d’un donneur de sperme 2/3 : Un don comme les autres ?

Emission : Les Pieds sur terre
Titre : Les paillettes : journal d’un donneur de sperme 2/3 : Un don comme les autres ?
Auteur : Clément Baudet
Date : mardi 14 juin 2022

Lien : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-pieds-sur-terre/les-paillettes-journal-d-un-donneur-de-sperme-episode-2-8090383

Résumé :

Clément envisage de faire un don de sperme à l’hôpital. Il effectue un premier recueil et une prise de sang pour des analyses. En attendant les résultats, il se renseigne sur d’autres manières de donner moins institutionnelles, et rencontre Audran et Victor, donneurs « sauvages » sur Facebook.

Suite à son premier rendez-vous dans un CECOS, un des centres français de recueil de don de sperme, Clément retourne à l’hôpital pour effectuer un premier recueil de sperme et un bilan sanguin. L’objectif : rechercher d’éventuels antécédents, examiner son caryotype, c’est-à-dire son patrimoine génétique – bref, déterminer si ses “paillettes” seront utilisables ou non. Ce n’est qu’une première étape qui n’engage à rien.

Clément en profite pour poser quelques questions. Comment le CECOS attribue-t-il les paillettes, puisque le don reste anonyme ? Les receveurs – couples stériles, couples de femmes ou femmes seules – peuvent-ils avoir des critères de sélection ? Et enfin, peut-on estimer combien de personnes bénéficieront du don de Clément s’il se décide à le faire ? “L’année dernière, on avait 15 donneurs. Idéalement, il nous en faudrait 40 ou 50 par an, ça serait parfait. Un donneur aide en pratique 7 couples ou personnes à avoir des enfants.”

Sept couples, dont potentiellement sept enfants portant une partie de son patrimoine génétique. C’est une perspective légèrement effrayante pour Clément qui décide alors de se renseigner sur ce qu’on appelle les donneurs “sauvages”. Il s’agit d’un “grand marché des paillettes” en ligne, de particulier à particulier, à l’amiable pour ainsi dire. C’est une pratique illégale, mais plutôt répandue grâce aux réseaux sociaux.

En ne passant pas par l’hôpital, la question de l’anonymat est ainsi laissée au choix libre des donneurs et des receveurs. Une question qui a une grande importance, comme Vincent, membre de l’association Procréation Médicalement Anonyme l’avait déjà expliqué à Clément. C’est d’ailleurs ce qui a poussé Audran , 46 ans et Victor , 33 ans, à passer par des groupes Facebook plutôt que par l’institution.

Pour Audran, qui a effectué quelques dons via Facebook, l’idéal serait de pouvoir “voir l’enfant qui provient de son don et savoir qu’il grandit en bonne santé”, même s’il a bien conscience qu’il n’est pas son père et qu’il n’a pas de responsabilité envers lui. Il comprend la méfiance des femmes envers les hommes qui refusent l’anonymat – certains donneurs pourraient commencer à revendiquer des droits sur l’enfant, par exemple. Mais Audran, lui, voudrait simplement pouvoir régulièrement prendre des nouvelles des enfants issus de son don. Il redoute de ne jamais trouver cet équilibre, celui d’un géniteur présent et connu, mais ne faisant pas partie de la famille de l’enfant.

“Ce qui m’animait, c’était de laisser une partie de moi sur terre. Aujourd’hui, c’est devenu plus difficile de faire un don parce que donner la vie, ce n’est pas anodin. Il y a énormément de méfiance et de suspicion et les échanges sont assez raides.” Audran

Victor fait partie de ces donneurs qui gardent une relation avec les femmes qu’il a aidées et leurs enfants. En tout, il en est à 40 enfants avec pas moins de 370 dons.

“Au début, je ne pensais pas que j’allais faire autant de dons de sperme, évidemment. J’ai tout simplement continué parce qu’il y a des couples qui viennent le voir et qui demandent à faire le deuxième enfant. Et puis après, j’ai continué parce que parce que parce que c’est rentré dans ma vie, ça fait partie de mon quotidien. Je suis très heureux de les avoir aidés.” Victor

Victor donne gratuitement, régulièrement, méthodiquement – il fait toujours connaissance avec des futures mères pour s’assurer qu’elles seront “capables d’assumer un enfant”. “Je ne souhaite pas être inquiet par rapport au devenir de l’enfant ou que l’enfant à 15 ans revienne rejeter la faute de son mal-être sur moi”. Une fois l’accord passé, il utilise la méthode dite “artisanale” : il remet aux femmes le contenant pour qu’elles puissent s’injecter elles-mêmes le sperme à l’aide d’une pipette à médicament.

Cela fait maintenant treize ans que Victor pratique le “don sauvage”. Pour lui, c’est une question de justice et d’égalité. En effet, il a commencé avant la loi bioéthique de 2021 ouvrant la PMA aux couples de femmes. “Ce qui m’a poussé à faire des dons, c’est le fait que je suis moi-même homosexuel et je voulais que les couples de femmes aient accès au don de sperme.” Aujourd’hui, il continue parce qu’il a trouvé dans le don “sauvage” une “humanité” qu’il ne pense pas retrouver s’il donnait anonymement dans un CECOS. En donnant anonymement, il a peur de venir en aide à des personnes homophobes, par exemple, ou qui mentiraient à leur enfant sur leur conception.

“Ça a eu un impact dans ma vie très important. Quelque part, ces femmes m’ont enrichi en tant qu’être humain. L’aventure est très belle.” Victor

Le témoignage de Victor fait douter Clément sur sa décision de donner au CECOS. Mais au même moment, il reçoit une lettre de l’hôpital…

Merci au docteur Deveze, Audran, Victor, Benjamin, Frédéric Letellier.