ROPA et décision n°472649 du 19/06/2024 du Conseil d’Etat

Les couples de femmes en parcours AMP peuvent vouloir recourir à la méthode ROPA (Réception d’Ovocytes issus de la Partenaire). Une femme donne ses gamètes à sa partenaire tandis que l’autre femme porte la grossesse.

La loi française ne fait pas explicitement mention d’une interdiction de la méthode ROPA. Cependant, l’Agence de la biomédecine ne l’autorise pas en France.

La raison invoquée est que la femme qui donne ses gamètes à sa partenaire est assimilée à une donneuse de gamètes. La loi impose le principe d’anonymat au don de gamètes, ce qui signifie qu’il n’est pas possible de faire un don dirigé. Dès lors, il n’est pas possible qu’une femme soit donneuse de gamètes en demandant que ce soit exclusivement sa partenaire qui bénéficie de son don d’ovocytes.

L’association GIAPS a attaqué l’interdiction de la méthode ROPA devant le Conseil d’Etat. Celui-ci a rendu sa décision n°472649 le 19 juin 2024 (télécharger la décision).

Extrait de la décision du Conseil d’Etat :
7. Aux termes de l’article L. 1211-5 du code de la santé publique :  » Le donneur ne peut connaître l’identité du receveur, ni le receveur celle du donneur. Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée. / Il ne peut être dérogé à ce principe d’anonymat qu’en cas de nécessité thérapeutique « . Selon l’article L. 1244-7 de ce code :  » Le bénéfice d’un don de gamètes ne peut en aucune manière être subordonné à la désignation par le couple receveur d’une personne ayant volontairement accepté de procéder à un tel don en faveur d’un couple tiers anonyme. / La donneuse d’ovocytes doit être particulièrement informée des conditions de la stimulation ovarienne et du prélèvement ovocytaire, des risques et des contraintes liés à cette technique, lors des entretiens avec l’équipe médicale pluridisciplinaire. Elle est informée des conditions légales du don, notamment du principe d’anonymat et du principe de gratuité (…) « . L’article L. 2141-2 du même code dispose que :  » (…) Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation (…) Lorsqu’un recueil d’ovocytes par ponction a lieu dans le cadre d’une procédure d’assistance médicale à la procréation, il peut être proposé de réaliser dans le même temps une autoconservation ovocytaire « . En vertu de l’article L. 2141-12 du même code :  » I.- Une personne majeure qui répond à des conditions d’âge fixées par un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de l’Agence de la biomédecine, peut bénéficier, après une prise en charge médicale par l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, du recueil, du prélèvement et de la conservation de ses gamètes en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d’une assistance médicale à la procréation dans les conditions prévues au présent chapitre. (…) / II.- La personne dont les gamètes sont conservés en application du I du présent article est consultée chaque année civile. Elle consent par écrit à la poursuite de cette conservation. / Si elle ne souhaite plus poursuivre cette conservation ou si elle souhaite préciser les conditions de conservation en cas de décès, elle consent par écrit : / 1° A ce que ses gamètes fassent l’objet d’un don en application du chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du présent code ; / 2° A ce que ses gamètes fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues aux articles L. 1243-3 et L. 1243-4 ; / 3° A ce qu’il soit mis fin à la conservation de ses gamètes. / (…) En cas de décès de la personne et en l’absence du consentement prévu aux mêmes 1° ou 2°, il est mis fin à la conservation des gamètes « . Enfin, le premier alinéa de l’article 16-3 du code civil prévoit qu' » il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui « .

8. Il découle nécessairement de la combinaison de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires ayant conduit à l’adoption de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique par laquelle l’accès à l’assistance médicale à la procréation a été ouvert, sans que soit maintenue la condition qui prévalait antérieurement de l’infertilité du couple ou d’un risque de transmission d’une maladie d’une particulière gravité, à tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée, qu’eu égard au principe d’anonymat du don d’ovocyte et à la circonstance qu’un prélèvement d’ovocytes ne peut avoir d’autre finalité qu’un don anonyme lorsqu’il n’est pas destiné à la réalisation d’une assistance médicale à la procréation au bénéfice de la personne prélevée, et alors même qu’elle n’est pas expressément interdite par la loi, la pratique de la ROPA n’est pas autorisée en France. Par suite, l’Agence de la biomédecine, en faisant état sur son site internet de l’absence d’autorisation en France de cette pratique, n’a pas donné une interprétation erronée du droit positif, alors même qu’ainsi que le soutient l’association, aucune autre disposition ne s’y opposerait et, en particulier, qu’une telle pratique ne pourrait être regardée comme une gestation pour le compte d’autrui, que prohibe l’article 16-7 du code civil.

L’article 342-9 du code civil énonce : « En cas d’assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation. »

La QPC 2023-1053 du 9 juin 2023 avait pour objectif de déterminer si l’article 342-9 du code civil interdisait l’établissement d’un lien de filiation entre un enfant issu d’un don et le donneur de gamètes au moyen d’une adoption. Le Conseil Constitutionnel a estimé que ce n’était pas à lui de se prononcer sur cette question.
Extrait de la décision : « 11. En l’espèce, aucune interprétation jurisprudentielle constante ne confère, en l’état, aux dispositions contestées une portée qui exclurait la possibilité, pour le tiers donneur, d’établir un lien de filiation adoptive avec une personne issue de son don. »

La CEDH a rendu un arrêt le 12 novembre 2024 qui semble indiquer que dans le cas d’une ROPA, la femme qui donne ses gamètes à sa compagne, peut établir un lien de filiation avec l’enfant au moyen d’une adoption.

Télécharger l’arrêt de la CEDH du 12 novembre 2024

[Registre des dons] Rubriques des données personnelles non directement identifiantes du donneur

Âge et pays de naissance :

D’après ce que j’ai compris, le donneur n’a pas besoin de renseigner son âge au moment du don. En effet, l’Agence de la biomédecine va recalculer cet âge pour chaque personne issue d’un don. L’Agence de la biomédecine va faire une soustraction entre la date de naissance du donneur et de la personne issue du don afin de déterminer l’âge du donneur au moment de la personne issue du don. Dans le cas des personnes issues d’un don d’ovocytes, « l’âge de la donneuse au moment du don » devrait être sensiblement le même que l’âge de la donneuse au moment de la naissance des personnes issues de son don. En revanche, dans le cas d’un don de spermatozoïdes, il peut y avoir des différences notables du fait que parfois les paillettes sont conservées pendant des années avant d’être utilisées.

Situation familiale et professionnelle :

Ces données sur la situation familiale et professionnelle peuvent être actualisées.

Il peut arriver que dans le formulaire pour remplir le registre, il y ait des questions qui puissent se comprendre de différentes manières. Il faut savoir que dans ce genre de situation, c’est toujours au donneur de décider de comment il veut comprendre la question. Par exemple, lors de l’entretien avec le médecin pour faire son don de gamètes, il est demandé le nombre d’enfants biologiques qu’a le candidat au don. Quand dans le formulaire pour renseigner le Registre, il est demandé le nombre d’enfants, cela peut se comprendre comme étant le nombre d’enfants biologiques ou le nombre d’enfants avec un lien de filiation mais sans lien biologique (par exemple après une adoption). Le sens de la question est laissé à la libre appréciation du donneur. Le donneur a une totale liberté de ses réponses et aucun justificatif (livret de famille, contrat de travail, diplôme, etc.) ne lui sera réclamé.

Caractéristiques physiques :

Le formulaire destiné à remplir le registre demande parfois de répondre en cochant une case.
Si on prend la question sur la nature des cheveux, un donneur pourrait être tenté de cocher 2 cases pour dire qu’il est chauve avec des cheveux raides (pour rappel, un « chauve » est quelqu’un qui n’a presque plus de cheveux, ce qui signifie qu’il lui en reste tout de même). Il est utile de préciser qu’il est uniquement possible de cocher une seule case pour répondre et donc, le donneur est invité à choisir celle qui lui semble la plus pertinente.

Il est utile de rappeler que le donneur peut remplir toutes ces cases selon son seul ressenti. Les réponses « fantaisistes » sont donc permises, même si nous le déconseillons puisque cela pourrait être préjudiciable pour la personne issue du don qui exercera son droit d’accès aux origines.

État général au moment du don :

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[Registre des dons] Mission de respect de la limite de naissances par donneur

1. Limite du nombre de naissances

Article L1244-4 du code de la santé publique : « Le recours aux gamètes d’un même donneur ne peut délibérément conduire à la naissance de plus de dix enfants. »

2. Objectif du registre des dons de gamètes et d’embryons

Ce registre a pour objet de permettre à l’Agence de la biomédecine de s’assurer du respect des dispositions relatives aux dons de gamètes et notamment celles de l’article L. 1244 4 du code de la santé publique.

3. Organisme/personne en charge du respect de la limitation du nombre de naissances

Ce sont uniquement les centres de don qui ont la responsabilité de respecter l’article L1244-4 du code de la santé publique. Cela signifie que l’Agence de la biomédecine n’est pas chargée de faire respecter cette limitation.

Compte tenu que l’Agence de la biomédecine n’a pas la responsabilité de faire respecter l’article L1244-4 du code de la santé publique, cela explique pourquoi l’Agence de la biomédecine n’a pas mis en place des outils destiner à réaliser des contrôles. De manière très simple, on aurait pu imaginer un outil informatique qui aurait vérifié que le nombre de naissances pour un même donneur ne dépasse pas 10 et si ce nombre est supérieur, qu’il y ait alors un avertissement d’envoyé.

4. Fonctionnement du registre

Pour chaque tiers donneur présent dans le Registre, il existe un champ comptabilisant le nombre total de naissances de ce donneur. Cette valeur est calculée automatiquement.

Les personnels des centres de don qui sont habilités à consulter le Registre des dons peuvent connaître le nombre de naissances de l’ensemble des donneurs figurant dans le registre. En principe, les centres de don avant d’utiliser les embryons ou les gamètes d’un donneur devraient donc contrôler dans le Registre que ce donneur n’a pas déjà atteint les 10 naissances.

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Recours contre le 1° de l’article R. 2143-1 du code de la santé publique

Cet article explique les enjeux associés au 1° de l’article R. 2143-1 du code de la santé publique.

1. La loi relative à la bioéthique du 2 août 2021
Pour comprendre le recours, il faut tout d’abord évoquer les nouveautés de la loi.

a) La loi a ouvert l’AMP aux couples de femmes et aux femmes célibataires.
b) La loi autorise le double don de gamètes. Cela signifie qu’une femme célibataire ayant un problème d’infertilité pourra bénéficier d’un don de spermatozoïdes et d’ovocytes.
c) La loi instaure un droit d’accès aux origines pour les personnes issues d’un don.

L’article L2143-1 du code de la santé publique définit le tiers donneur de la manière suivante : « Pour l’application du présent chapitre, la notion de tiers donneur s’entend de la personne dont les gamètes ont été recueillis ou prélevés en application du chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du présent code ainsi que du couple, du membre survivant ou de la femme non mariée ayant consenti à ce qu’un ou plusieurs de ses embryons soient accueillis par un autre couple ou une autre femme en application de l’article L. 2141-5. »

La définition du tiers donneur implique que dans le cas où un couple de femmes ou une femme célibataire en parcours AMP bénéficierait d’un double don de gamètes et déciderait ensuite de faire don de ses embryons surnuméraires, les personnes issues de ce don d’embryons pourront connaître l’identité des personnes ayant fait don de ces embryons surnuméraires mais ne pourront pas connaître l’identité des donneurs de gamètes (c’est-à-dire leurs géniteurs). Cependant, il est relativement rare que les couples de femmes et les femmes célibataires aient besoin d’un double don de gamètes et dans la majorité des cas, seul un don de spermatozoïdes sera nécessaire aux couples de femmes et femmes célibataires en parcours AMP. Cela signifie qu’avec la définition du tiers donneur, sauf rare exception, les personnes issues de dons d’embryons pourront connaître l’identité de leur génitrice (la bénéficiaire du don de spermatozoïdes) mais pas celle du donneur de spermatozoïdes.

Durant l’examen du projet de loi, certains parlementaires se sont émus que les personnes qui seront issues d’un don d’embryons surnuméraires ne pourront pas connaître l’identité du donneur de spermatozoïdes. Des parlementaires ont donc déposé des amendements pour remédier à cette lacune et permettre que les personnes issues d’un don d’embryons aient bien accès à l’identité des donneurs de gamètes.

La députée Mme Blandine Brocard avait par exemple déposer l’amendement suivant :

Durant l’examen du projet de loi bioéthique, le gouvernement s’est systématiquement opposé aux amendements permettant aux personnes issues d’un don d’embryons d’avoir également accès à l’identité du donneur de gamètes. Les amendements mis au vote ont été rejetés par les parlementaires.

2. Le décret du 25 août 2022

Le gouvernement a publié un décret le 25 août 2022 pour mettre en place le droit d’accès aux origines et qui a modifié la définition du tiers donneur.

Article R. 2143-1 du code de la santé publique : « 1° Lorsque le ou les embryons mentionnés au premier alinéa de l’article L. 2143-1 ont été conçus grâce à un don de sperme, un don d’ovocyte ou un don de sperme et un don d’ovocyte, la notion de tiers donneur s’entend de la ou des personnes ayant consenti à ces dons de gamètes ainsi que du couple, du membre survivant ou de la femme non mariée ayant consenti à l’accueil de ses embryons en application de l’article L. 2141-5 ; »

Avec cet article, les personnes issues d’un don d’embryons qui exerceront leur droit d’accès aux origines pourront connaître l’identité de leurs géniteurs. Cet article est donc un progrès pour les personnes issues d’un don d’embryons qui exerceront leur droit d’accès aux origines.

Cet article présente également l’avantage de réduire le risque de consanguinité. En effet, la loi limite à 10 le nombre de naissances issues d’un donneur de gamètes mais jusqu’à présent, seules les naissances directement issues du don de gamètes étaient prises en considération. Cela signifie que si un couple faisait don de ses embryons surnuméraires conçus grâce à un don de gamètes, les éventuelles naissances issues de ce don d’embryons n’étaient pas prises en considération dans le nombre de naissances permises par le donneur de gamètes.

3. Les conséquences pour les couples de femmes et femmes célibataires ayant des embryons surnuméraires

La loi offre 2 possibilités pour les personnes possédant des embryons surnuméraires :
– En faire don
– Les détruire (cela peut se faire de manière ou de manière indirecte en autorisant qu’ils soient utilisés dans le cadre de recherches médicales)

La loi relative à la bioéthique prévoit qu’à partir du 1er septembre 2022, les dons de gamètes et d’embryons ne soient autorisés qu’à la condition que les donneurs consentent à la communication de leur identité et de données non directement identifiantes aux personnes issues de leur don. Cela signifie que si un couple de femmes ou une femme célibataire veut faire don de ses embryons surnuméraires, cela ne leur sera autorisé qu’à la condition que le donneur de spermatozoïdes ait consenti à la communication de son identité.

Article L2143-2 du code de la santé publique : « Toute personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peut, si elle le souhaite, accéder à sa majorité à l’identité et aux données non identifiantes du tiers donneur définies à l’article L. 2143-3.
Les personnes qui souhaitent procéder à un don de gamètes ou proposer leur embryon à l’accueil consentent expressément et au préalable à la communication de ces données et de leur identité, dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article. En cas de refus, ces personnes ne peuvent procéder à ce don ou proposer cet accueil. »

La loi prévoit cependant une période transitoire pendant laquelle les centres de don peuvent continuer à utiliser les gamètes provenant de donneurs ancien régime.

L’article 4 du décret n° 2022-1187 du 25 août 2022 est le suivant : « I. – Jusqu’à la date fixée par le décret prévu au C du VII de l’article 5 de la loi du 2 août 2021 susvisée, les organismes ou établissements de santé mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du code de la santé publique attribuent en priorité les gamètes donnés et les embryons proposés à l’accueil avant le 1er septembre 2022, dans le respect des règles d’attribution des gamètes prévues à l’article L. 1418-1 du même code »

L’article 1 du décret n° 2023-785 du 16 août 2023 est le suivant : « La date à compter de laquelle ne peuvent être utilisés pour une tentative d’assistance médicale à la procréation que les gamètes et les embryons proposés à l’accueil pour lesquels les donneurs ont consenti à la transmission de leurs données non identifiantes et à la communication de leur identité en cas de demande des personnes nées de leur don est fixée au 31 mars 2025. »

Cela signifie que jusqu’au 31 mars 2025, les centres de don doivent en priorité utiliser les gamètes dont les donneurs n’ont pas consenti à la communication de leur identité.

Certaines personnes accordent une valeur particulière aux embryons et cela peut donc être un déchirement d’être contraint de détruire ses embryons surnuméraires du fait qu’il n’a pas été possible d’en faire don car le tiers donneur de gamètes n’a pas consenti à la communication de son identité.

Il existe également le risque que le don d’embryons surnuméraires ne soit pas autorisé si le donneur de spermatozoïdes ayant permis la création des embryons a permis 10 naissances. En effet, s’il était autorisé que le couple de femmes ou la femme célibataire fasse don de ses embryons surnuméraires alors que le donneur de spermatozoïdes a déjà permis 10 naissances, cela pourrait aboutir à ce que le donneur de spermatozoïdes dépasse le nombre de naissances autorisées par la loi.

4. Le recours devant le Conseil d’Etat

Quelqu’un a fait un recours devant le Conseil d’Etat afin de faire annuler le 1° de l’article R. 2143-1 du code de la santé publique ou à défaut, de suspendre son application jusqu’au 1er janvier 2027. L’objectif de ce recours est d’éviter de se retrouver dans une situation où un couple de femmes ou une femme célibataire se verrait refuser la possibilité de faire don de ses embryons surnuméraires au motif que le donneur de gamètes n’a pas consenti à la communication de son identité aux personnes issues de ses dons.

Plusieurs arguments sont donnés par demander l’annulation de cette disposition.

Motif 1 :
Les embryons bénéficient d’une protection juridique particulière en raison de leur humanité et du principe de dignité qui leur est applicable. Il convient donc d’éviter de privilégier leur don plutôt que de les détruire.

Motif 2 :
Durant les débats du projet de loi bioéthique, les parlementaires ont voté contre cette disposition.

Motif 3 :
L’article R. 2143-1 du CSP a été publié au Journal Officiel du 27 août 2022 pour une entrée en vigueur dès le 1er septembre 2022. Le gouvernement n’avait pas communiqué en amont sur le fait qu’il modifierait avec son décret la notion de tiers donneur. Le fait qu’il y ait moins d’une semaine entre la publication de l’article et son entrée en vigueur a pour conséquence que les couples ayant des embryons surnuméraires conçus grâce à un don de gamètes n’ont pas disposé d’un délai raisonnable pour s’adapter et effectuer le don de leurs embryons avant le 1er septembre 2022. C’est au nom du principe de sécurité juridique que le Conseil d’Etat a censuré la mise en œuvre trop précipitée de la réforme de la procédure civile, intervenue en décembre 2019 pour une entrée en vigueur dès janvier 2020 (CE, N° 436939 du 22 septembre 2022).

Dès le 1er avril 2025, les centres de don n’utiliseront plus que des gamètes dont le donneur a consenti à la communication de son identité. Cela signifie qu’il n’y aura plus d’obstacle à faire don des embryons surnuméraires conçus après le 31 mars 2025. C’est la raison pour laquelle, la personne à l’origine de ce recours proposait à défaut d’annuler l’article de loi, de simplement le suspendre jusqu’au 1er janvier 2027.

5. L’avis du rapporteur public

Le Conseil d’Etat va donc devoir se prononcer sur un article qui d’un côté favorise le droit d’accès aux origines pour les personnes issues d’un don d’embryons mais qui d’un autre côté, rend incertain la possibilité pour les bénéficiaires de l’AMP avec tiers donneur de pouvoir faire don de leurs embryons surnuméraires. Il convient donc de mettre en balance les droits des différentes parties impliquées.

L’audience s’est tenue le 17 mai 2024. Le rapporteur public a appelé au rejet du recours. Dans son argumentaire, il explique que la loi relative à la bioéthique du 2 août 2021 instaure un droit d’accès aux origines pour les personnes issues d’un don et qu’en conséquence, cet article est nécessaire.

6. La décision du Conseil d’Etat

Dans sa décision n° 467271 et n° 467467 du 31 mai 2024, le Conseil d’État a rejeté le recours.

Extrait de la décision : « 9. Aux termes de l’article L. 2143-1 du code de la santé publique : « Pour l’application du présent chapitre, la notion de tiers donneur s’entend de la personne dont les gamètes ont été recueillis ou prélevés en application du chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du présent code ainsi que du couple, du membre survivant ou de la femme non mariée ayant consenti à ce qu’un ou plusieurs de ses embryons soient accueillis par un autre couple ou une autre femme en application de l’article L. 2141-5. / Lorsque le tiers donneur est un couple, son consentement s’entend du consentement exprès de chacun de ses membres ». Aux termes de l’article L. 1244-4 du même code : « Le recours aux gamètes d’un même donneur ne peut délibérément conduire à la naissance de plus de dix enfants ».

10. Aux termes des deux premiers alinéas de l’article R. 2143-1 du même code : « Pour l’application du présent chapitre : / 1° Lorsque le ou les embryons mentionnés au premier alinéa de l’article L. 2143-1 ont été conçus grâce à un don de sperme, un don d’ovocyte ou un don de sperme et un don d’ovocyte, la notion de tiers donneur s’entend de la ou des personnes ayant consenti à ces dons de gamètes ainsi que du couple, du membre survivant ou de la femme non mariée ayant consenti à l’accueil de ses embryons en application de l’article L. 2141-5 ».

11. En premier lieu, en précisant que la notion de tiers donneur recouvrait tant les donneurs de gamètes que le couple, le membre survivant ou la femme non mariée ayant consenti à l’accueil de ses embryons, le décret du 25 août 2022 n’a fait que tirer les conséquences des dispositions législatives citées au point 5, qui n’excluent pas que la qualité de tiers donneur soit reconnue au donneur de gamètes dans l’hypothèse dans laquelle ce don a permis de concevoir des embryons surnuméraires eux-mêmes susceptibles de faire l’objet d’un don. Le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait entaché d’incompétence ne peut, par suite, qu’être écarté.

12. En deuxième lieu, les dispositions contestées de l’article R. 2143-1 n’ont ni pour objet, ni pour effet de faire obstacle à l’application de la règle fixée par l’article L. 1244-4 du code de la santé publique, cité au point 9, selon laquelle le recours aux gamètes d’un même donneur ne peut délibérément conduire à la naissance de plus de dix enfants. Le moyen tiré de sa méconnaissance doit donc être écarté.

13. En troisième lieu, M. D… soutient que les dispositions de l’article R. 2143-1, en ce qu’elles reconnaissent la qualité de tiers donneur au donneur de gamètes dans l’hypothèse dans laquelle ce don a permis de concevoir des embryons surnuméraires eux-mêmes susceptibles de faire l’objet d’un don, rendues applicables dès le 1er septembre 2022, auraient de ce fait méconnu le principe de sécurité juridique, dans la mesure où les couples disposant d’embryons surnuméraires conçus grâce à un don de gamètes n’ont eu que quelques jours pour effectuer le don de tels embryons à des tiers, un tel don ne pouvant plus être effectué à compter du 1er septembre 2022 sans l’accord du donneur de gamètes.

14. Toutefois, ainsi qu’il a été dit au point 4, en vertu des dispositions du C du VII de l’article 5 de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique et du décret du 16 août 2023 pris pour son application, la règle selon laquelle « ne peuvent être utilisés pour une tentative d’assistance médicale à la procréation que les gamètes et les embryons proposés à l’accueil pour lesquels les donneurs ont consenti à la transmission de leurs données non identifiantes et à la communication de leur identité en cas de demande des personnes nées de leur don » ne s’applique qu’à compter du 31 mars 2025. Le moyen ne peut donc, en tout état de cause, qu’être écarté. »

Le paragraphe 13 du Conseil d’État indique que le requérant conteste que le décret du 25 août 2022 rende impossible à partir du 1er septembre 2022 de faire don d’embryons surnuméraires conçus grâce à un don de gamètes si le donneur de gamètes n’a pas consenti à la communication de son identité. Le paragraphe 14 du Conseil d’État indique que le décret du 25 août 2022 ne pose pas de problème car les dons d’embryons surnuméraires provenant de donneurs ancien régime (c’est-à-dire ayant fait leur don d’embryons surnuméraires avant le 1er septembre 2022) peuvent être utilisés jusqu’au 31 mars 2025.

7. Une troisième option offerte aux couples et femmes célibataires ?

Pour ce chapitre, nous évoquerons la situation de couples et de femmes célibataires qui font un parcours AMP avec un tiers donneur de spermatozoïdes entre le 2 août 2021 et le 31 mars 2025 et qu’en cas de FIV, il y ait création de plusieurs embryons. Comme expliqué plus haut, il se peut que le donneur de spermatozoïdes ayant permis la création de ces embryons n’ait pas consenti à la communication de son identité.

Une fois le parcours AMP avec tiers donneur terminé, il peut rester des embryons surnuméraires et j’ai indiqué que les bénéficiaires de l’AMP disposaient théoriquement de 2 choix (les donner et les détruire) mais que si le donneur de spermatozoïdes n’avait pas consenti à communication de son identité, il n’était alors pas possible de faire don des embryons. Cependant, pour les couples et les femmes célibataires qui s’opposeraient à la destruction de leurs embryons surnuméraires, on peut se demander s’ils ne disposeraient pas d’une troisième option qui serait de reprendre leur parcours AMP afin de tenter d’avoir des enfants avec leurs embryons restants ? Cette troisième option est parfaitement possible si c’est avant le 31 mars 2025 en revanche, il n’est pas totalement certain que ce soit encore possible après le 31 mars 2025.

Si vous avez connaissance d’un juriste qui se serait penché sur cette question et qui aurait donné une réponse, n’hésitez pas à nous l’indiquer.

Les droits des personnes issues d’un don supérieures à ceux des donneurs ?

Est-ce qu’il existe une hiérarchie entre les droits des donneurs et des personnes issues d’un don ?

Le CPDH (Comité Protestant Evangélique pour la Dignité Humaine) a publié le 5 juin 2023 un article traitant de la QPC 2023-1052.

« La semaine dernière, nous vous avions parlé de la première personne née d’une PMA avant la loi de bioéthique 2021 et qui avait pu retrouver son donneur grâce à la procédure officielle, très complexe. Aujourd’hui, nous attendons la décision du Conseil Constitutionnel qui pourrait déclarer cette procédure inconstitutionnelle. »

Le CPDH fait référence à « Charles » qui a fait une demande auprès de la CAPADD pour obtenir l’identité de son donneur. La QPC ne porte pas atteinte à ce droit et quelle que soit la décision du Conseil Constitutionnel, les personnes issues d’un don pourront bien évidemment continuer à faire des demandes auprès de la CAPADD.

Dans l’hypothèse où un ancien donneur (c’est-à-dire qui a fait son don avant le 1er septembre 2022) est favorable à la communication de son identité, la procédure est relativement simple. Il suffit dans un premier temps de transmettre son consentement à la CAPADD, puis de remplir un formulaire et de le transmettre à un médecin travaillant dans un centre de don afin qu’il entre les données dans le registre des dons tenu par l’Agence de la biomédecine. La QPC ne porte pas atteinte à ce droit et quelle que soit la décision du Conseil Constitutionnel, les anciens donneurs pourront bien évidemment continuer à consentir à la communication de leur identité.

Quand la CAPADD reçoit une demande, elle consulte le registre des dons géré par l’Agence de la biomédecine et si le donneur figure dedans, il est possible de transmettre ses données aux personnes issues de son don. C’est ce qui s’est passé pour Charles et c’est ce qui continuera à se produire quelle que soit la décision du Conseil Constitutionnel concernant la QPC.

Il est donc faux de prétendre que la QPC pourrait avoir pour conséquence d’empêcher des personnes issues d’un don d’accéder à leurs origines.

« Espérons que les juges entendront la souffrance de tous ceux privés de leurs origines et du droit de savoir. Les droits de l’enfant doivent prévaloir sur ceux des adultes. »

De notre côté, nous estimons que les donneurs n’ont rien fait de mal, qu’ils ont le droit comme tout le monde de bénéficier de la dignité humaine et de ne pas voir leurs droits bafoués.

Est-ce que le CPDH est informé des conditions à remplir pour avoir le droit de saisir la CAPADD ? Ce droit de saisir la CAPADD est réservé aux personnes issues d’un don qui sont majeures, c’est-à-dire des adultes ! A titre informatif, ceux qui saisissent la CAPADD ont en moyenne 34 ans et ne sont en rien des enfants. Il est donc faux d’employer le terme enfants pour désigner les personnes issues d’un don qui exercent leur droit d’accès aux origines. Il n’y a bien évidemment pas de hiérarchie des droits entre 2 adultes.

Il se peut éventuellement que le CPDH emploie le terme de « enfant » non pas pour désigner un mineur, mais dans le cadre d’un lien de filiation/parenté. Avec le sous-entendu que les droits des enfants est supérieur à ceux de leurs parents. Des associations de personnes nées sous X estiment notamment que leur droit d’accès aux origines devrait primer sur le droit de leur mère à accoucher dans le secret. Cependant, est-ce possible d’établir une comparaison entre une mère qui abandonne son enfant avec une femme qui fait un don d’ovocytes ?

Le dictionnaire donne la définition suivante du mot « mère » : « femme qui a mis au monde, élève ou a élevé un ou plusieurs enfants ». Je n’ai pas connaissance qu’il soit indiqué une autre définition du mot mère dans la Bible.

Une femme qui accouche et qui va ensuite abandonner son bébé peut être considérée comme la mère de l’enfant. Une femme qui ne fait que donner des cellules (des ovocytes), ne peut en revanche pas être considérée comme la mère. C’est la raison pour laquelle, dire que les droits de l’enfant sont supérieurs à ceux de sa mère ne peut pas s’appliquer dans le cadre du don de gamètes.

Il nous semble mal venu de vouloir établir une hiérarchie entre les droits d’individus adultes n’ayant aucun lien de filiation/parenté entre eux.

Décision du Tribunal administratif de Paris

Un ancien donneur de spermatozoïdes a demandé en 2019 à avoir accès à certaines de ses données personnelles (notamment ses caractéristiques physiques) se trouvant dans son dossier médical de donneur. L’hôpital a répondu à la demande en 2021 et a refusé de faire droit à la demande d’accès du donneur de spermatozoïdes à ses propres données personnelles et médicales se trouvant dans son dossier médical. Le motif de refus était que la communication de ces données serait contraire au principe d’anonymat.

La 5e Section – 1re Chambre du Tribunal administratif de Paris a décidé le vendredi 10 mars 2023 d’annuler la décision de refus de l’hôpital. Le tribunal a également décidé que l’hôpital versera au donneur de spermatozoïdes la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Fraude à fertilité

Les médias emploient parfois le terme de « fraude à la fertilité » et je pense intéressant d’expliquer ce terme.

1. Fraude à l’insémination

Des gynécologues ont frauduleusement utilisé leur propre sperme pour inséminer leurs patientes. Pour plus de renseignements sur cette pratique, vous pouvez consulter notre article Quand des tests ADN jettent le trouble sur le recours de gynécologues à leur propre sperme pour des inséminations

2. Vol d’ovocytes

Des gynécologues ont frauduleusement ponctionné des ovocytes et des embryons sur des patientes et les ont ensuite utilisé pour permettre à d’autres femmes d’avoir des grossesses.

C’est par exemple ce qui s’est produit en 1987 à Garden Grove en Californie, dans une clinique dirigée par le docteur Ricardo Asch.

3. Utilisation frauduleuse de spermatozoïdes recueillis pour une étude

Des gynécologue ont demandé à des hommes de faire des recueils de sperme afin de mener une étude. En réalité, ces recueils ont été donnés à des personnes en parcours AMP avec don de spermatozoïdes. C’est ce qu’a par exemple fait le docteur Robert Schoysman qui travaillait à l’UZ Brussel et l’hôpital Brugmann.

Lien de filiation donneur-enfant en Belgique

En Belgique, la législation autorise l’établissement d’un lien de filiation entre le donneur et une personne issue de son don, au moyen d’une adoption. Ce genre de situation est en augmentation depuis que l’anonymat peut être levé grâce à des tests ADN.

Dans la majorité des pays, il n’est pas possible d’avoir plus que 2 parents. Cela signifie donc que pour qu’un donneur de spermatozoïdes puisse adopter une personne issue de son don, il est nécessaire que cette personne n’ait pas déjà un père.

En Belgique, la loi permet à une personne issue d’un don de sperme d’annuler son lien de filiation avec son père quand elle apprend que son père n’est pas son géniteur. D’après ce que je comprends, l’enfant dispose de 3 ans pour renier le lien de filiation avec son père.

Une association de personnes issue d’un don milite pour changer la loi afin de permettre plus facilement l’établissement d’un lien de filiation.

D’après ce que je comprends, une femme a appris que son père n’était pas son géniteur et n’a pas profité des 3 ans légaux pour renier son lien de filiation avec père. Elle a ensuite fait la rencontre du donneur avec qui elle a établi un fort lien. La personne issue d’un don aimerait que le donneur puisse l’adopter mais cela n’est pas possible puisqu’elle a déjà un père.

Lien : https://legalcrowd.eu/campaigns/donorkind/

2020 WE ARE DONOR CONCEIVED SURVEY REPORT

L’association https://www.wearedonorconceived.com/ qui regroupe plusieurs centaines de personnes issues d’une AMP avec tiers donneur, a réalisé une grande étude auprès de 500 de ses membres. Les résultats sont consultables sur la page https://www.wearedonorconceived.com/2020-survey-top/2020-we-are-donor-conceived-survey/

Télécharger l’étude traduite en français avec Google Traduction (PDF)

Quelques résultats de l’enquête

Ce rapport nous apprend tout d’abord que 12% des sondés désignent le donneur comme étant leur « mère/père » et 7% comme étant leur « maman/papa ».

31% des sondés espèrent nouer une relation étroite avec le donneur. 14% déclarent souhaiter établir une relation parent/enfant avec le donneur.
Parmi ceux qui ont réussi à identifier leur donneur, 9% disent avoir réussi à établir avec lui une relation père/enfant.

49% des sondés espèrent nouer une relation très étroite avec leurs demi-génétique. 30% sont à la recherche d’une relation fraternelle avec leur demi-génétique.

31% des sondés disent que cela a été une mauvaise chose pour eux d’avoir été conçus par don.

66% des sondés estiment que les donneurs ont une responsabilité morale envers les personnes issues de leur don.

49% des sondés souhaiteraient que l’identité du donneur figure sur leur acte de naissance.

33% des sondés souhaiteraient établir une relation avec le donneur dès leur naissance.

77% des sondés estiment que le donneur est la moitié de ce qu’ils sont.