1. Avant la première loi de bioéthique
La première loi de bioéthique date de 1994 et c’est elle qui a encadré l’AMP avec tiers donneur. Jusqu’à 1994, l’AMP avec tiers donneur pouvait se pratiquer dans des cabinets de gynécologues privés, ainsi que dans des CECOS.
a) les cabinets de gynécologues privés
Certains gynécologues n’appliquaient aucune limitation du nombre de naissances pour un même donneur.
b) les CECOS
Une règle importante datant de la création des CECOS en 1973 était de limiter à 3 naissances par donneur. Cette stricte limitation était destinée à réduire les risques de consanguinité.
Georges David qui a fondé le premier CECOS à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre a de nombreuses fois rappelé cette règle.
Cependant, Audrey Kermalvezen qui a été conçu en 1979 a fait un test ADN en 2017 qui lui a permis d’avoir l’assurance que son frère était né du même donneur qu’elle, et s’est découvert un demi-frère et une demi-sœur. Autrement dit, le CECOS a permis au minimum 4 naissances à partir du même donneur.
L’association PMAnonyme avait dit compter 5 demi-génétiques issus du même donneur au CECOS du Kremlin-Bicêtre.
Grâce aux tests ADN réalisés par l’association PMAnonyme, il semblerait que certaines règles édictées par les CECOS avant 1994 n’étaient pas respectées !
2. La première loi de bioéthique de 1994
Avec la loi bioéthique de 1994, les cabinets privés de gynécologie n’ont plus le droit de pratiquer des AMP avec tiers donneur.
La loi instaure également une limite de 5 naissances par donneur.
A noter que la Fédération française des CECOS a publié un article nommé Pourquoi limiter le nombre d’enfants nés à partir de spermatozoïdes de donneur ? qui explique la nécessité de limiter le nombre de naissances par donneur.
J’en profite pour signaler que quand les médias parlent des risques de consanguinité, ils ne font en général référence qu’aux personnes issues d’un don, en oubliant que les donneurs sont eux aussi concernés. En effet, jusqu’à la loi bioéthique de 2011, les donneurs devaient avoir au moins un enfant. Je ne pense pas me tromper en disant que les donneurs n’aimeraient pas que leurs enfants se mettent en couple avec un demi-génétique. A noter également que ce risque de consanguinité est à considérer sur environ 3 générations et non pas uniquement sur la première génération directement issue du donneur. En effet, si les petits enfants enfants du donneur se mettaient en couple, il s’agirait là aussi d’une union consanguine.
3. La deuxième loi de bioéthique de 2004
La loi bioéthique de 2004 instaure une limite de 10 naissances par donneur.
A notre connaissance, cette limitation à 10 naissance a été appliquée de façon rétroactive aux anciens donneurs de gamètes. C’est-à-dire que les CECOS ont pu concevoir 10 enfants à partir d’anciens donneurs à qui il avait été promis une limite de 3 ou 5 enfants.
4. Bien comprendre la limitation à 10 enfants par donneur
De façon simplifiée, on dit souvent que la loi de bioéthique actuellement en vigueur limite à 10 le nombre d’enfants issus d’un même donneur. Cependant, si on veut être exact, l’Article L1244-4 du Code de la santé publique indique : « Le recours aux gamètes d’un même donneur ne peut délibérément conduire à la naissance de plus de dix enfants » .
On peut comprendre que la « limite » de 10 enfants peut être dépassée à la condition que cela ne soit pas délibéré.
La ministre de la santé a publié un arrêté relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation qui permet de mieux comprendre pourquoi cette limite de 10 naissances peut être dépassée.
Je recopie le paragraphe relatif au nombre d’enfants issus d’un don de gamètes : « Une procédure permettant de connaître le nombre de grossesses et d’enfants nés ainsi que l’état de santé des enfants issus d’un même donneur ou d’une même donneuse est élaborée au niveau de chaque centre autorisé pour le don. Cette information est inscrite dans le dossier anonymisé du don.
Cette procédure permet d’interrompre la mise à disposition des gamètes lorsqu’est atteinte la limite légale de 10 enfants nés issus du don d’un même donneur ou d’une même donneuse. Une fois ce nombre d’enfants nés atteint, il peut arriver que des embryons conçus avec le même donneur ou la même donneuse soient encore conservés pour des couples en attente de transfert et que des enfants puissent naître ultérieurement de leur transfert. »
Cet arrêté permet de comprendre que la loi demande uniquement aux CECOS de cesser de mettre à disposition des gamètes d’un donneur après qu’ils aient eu la connaissance de la naissance d’un dixième enfant. Cependant, au moment de la naissance de ce dixième enfant, il est possible qu’une ou plusieurs femmes soient enceintes du même donneur et bien entendu, il serait totalement inenvisageable et inhumain d’interrompre ces grossesses. Sans compter d’éventuels embryons conçus avec le même donneur et qui vont être donnés à des femmes qui on l’espère pour elles, pourront mettre au monde des enfants. A cela s’ajoute le fait qu’il peut s’écouler quelques semaines entre la naissance du 10ème enfant et le moment où le CECOS en prendra connaissance (c’est aux parents de remplir une fiche sur la naissance de leur enfant et de la transmettre ensuite au CECOS). Il faut enfin savoir que dans le cadre d’une PMA, il y a davantage de grossesses multiples. Il se peut donc que la 10e femme enceinte attende des jumeaux, ce qui fera un total de 11 naissances.
5. Lois bioéthiques de 2011 et 2021
Depuis 2004, il y a eu plusieurs lois de bioéthique mais la limitation du nombre de naissances par donneur est restée fixer à 10.
6. Contrôle du nombre de naissances avant 2010
Jusqu’en 2010, chaque centre AMP avait la responsabilité de veiller au respect de la limite du nombre de naissances par donneur.
7. Contrôle du nombre de naissances de 2010 à 2022
Afin de respecter la limitation des naissances par donneur, chaque CECOS tient une comptabilité des naissances. Cependant, si un donneur décidait de faire des dons dans plusieurs CECOS, il pourrait très largement dépasser la limite légale de naissances. Pour respecter la limitation du nombre de naissances, il faut éviter qu’il y ait des serials donneurs effectuant des dons dans plusieurs CECOS, ce qui implique la mise en place de systèmes de contrôles.
Les CECOS ont repéré un « serial-donneur » en 2010 et il a été décidé de mettre en place un fichier national des donneurs de gamètes.
En 2014, le journal La Croix a rédigé l’article « Donneurs de gamètes : un contrôle jugé insuffisant » (voir l’article au format PDF) qui traite justement de ce fichier.
Nathalie Rives qui est l’actuelle présidente de la Fédération Française des CECOS explique que les CECOS n’avaient aucune obligation légale de mettre en place une solution technique destinée à éviter les serials-donneurs. Ce qui sous-entend que les CECOS estiment que ce n’est pas de leur responsabilité légale de faire respecter la limitation du nombre de naissances par donneur.
Le site « Pourquoi docteur » a évoqué ce fichier dans un article de 2015 (voir une capture d’écran de l’article).
En 2015, Jean-François Guérin (président de la commission d’éthique des CECOS) a parlé de ce fichier.
8. Contrôle du nombre de naissances à partir de 2022
L’Agence de la biomédecine aura en charge un registre national du don de gamètes et d’embryons qui normalement doit aider les centres de don à contrôler le nombre de naissances pour un même donneur.