Questionnements sur le projet de loi bioéthique (double don, recherche embryonnaire et accès aux origines)

1. Le statut des gamètes donnés dans le cadre légal de l’AMP avec tiers donneur

Actuellement, il y a 2 finalités possibles pour un don de gamètes :
1. Aider des couples hétérosexuels infertiles à avoir des enfants
2. Recherches médicales

Les donneur ont le droit de s’opposer aux recherches médicales sur leurs gamètes.

Les donneurs sont en droit de révoquer leur consentement pour que leurs gamètes ne soient plus utilisés pour aider les couples en parcours AMP . En cas de révocation du consentement du donneur, le centre AMP doit immédiatement cesser de conserver et d’utiliser les gamètes.

Le donneur n’a aucun droit sur les embryons conçus à partir de ses gamètes. Les embryons appartiennent dès leur création au couple receveur.

2. Les actuels bénéficiaires d’un don de gamètes

Actuellement, seuls les couples hétérosexuels peuvent bénéficier d’un don de gamètes. Le double don de gamètes est interdit, ce qui signifie que dans le cadre des parcours d’AMP avec tiers donneur, les embryons sont conçus à partir d’un gamète du donneur et d’un gamète d’un membre du couple receveur.

Dès la création de l’embryon, celui-ci appartient au couple receveur.

Les embryons du couple non utilises (surnuméraires) peuvent avoir plusieurs finalités :
1. être donnés à d’autres couples désirant accueillir un embryon
2. être donnés pour la recherche médicale
3. ne plus être conservés (détruits)

C’est le couple receveur qui décide de la finalité de ses embryons surnuméraires.

3. La recherche embryonnaire

En France, la recherche embryonnaire est encadrée par la loi bioéthique.
L’agence de la biomédecine propose une page assez complète sur la recherche sur l’embryon.
capture ABM

En France, il est actuellement interdit de créer volontairement des embryons humains afin de mener des recherches médicales. Seuls les embryons surnuméraires peuvent être utilisés pour mener des recherches, à la condition d’avoir le consentement des parents.

4. Possibles futures modifications de la loi bioéthique

L’actuel projet de loi bioéthique devrait introduire plusieurs changements importants :
1. la PMA va être ouvertes aux couples de femmes et femmes célibataires.
2. le double don de gamètes va être autorisé
3. instauration d’un droit d’accès aux origines pour les personnes issues d’un don de gamètes ou d’embryon

Le projet de loi bioéthique prévoit que les recherches médicales autorisent l’insertion de matériel génétique provenant de cellules souches embryonnaires dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle.

article loi




5. Mes interrogations

a) Propriétaire des embryons au moment de la conception ?

Actuellement, dès qu’un embryon est conçu à partir du gamète d’un donneur et du gamète d’un membre du couple, il appartient au couple receveur.

Supposons que dans le futur, un centre AMP ait plusieurs personnes en attente d’un double don de gamètes et que le médecins créé in vitro des embryons à partir d’un double don de gamètes. Le médecin observe ensuite les embryons créés et ceux qui semblent les plus viables vont être implantés/transférés chez les femmes en attente du double don.

Dans cette situation, est-ce que les embryons appartiennent dès leur création aux personnes en attente du double don, ou bien, est-ce seulement quand l’embryon est implanté qu’il appartient aux personnes en attente du don ?

Il me semblerait assez peu probable qu’un embryon puisse n’appartenir à personne (même pendant une courte période) et c’est la raison pour laquelle, je suppose que dès sa création, on considère qu’il appartient à une personne susceptible de l’accueillir.

b) Possibilité de réaliser des recherches médicales malgré l’opposition des donneurs ?

Comme dit précédemment, un donneur de gamètes a le droit de s’opposer à des recherches médicales sur ses gamètes. Dans le cadre du double don de gamètes, il est parfaitement possible qu’un embryon soit créé à partir des gamètes de 2 donneurs opposés à des recherches médicales sur leurs gamètes.

Une fois les embryons créés in vitro, ils sont examinés par un médecin qui va sélectionner les meilleurs embryons (ceux qui auront le plus de chance d’aboutir à une grossesse). En France, les médecins font normalement le choix de n’implanter que 1 ou 2 embryons, et donc, si davantage d’embryons ont été créés, ceux-ci ne seront pas implantés.

En supposant que les embryons non implantés appartiennent à une personne en parcours AMP, elle devrait avoir le droit de faire don de ses embryons surnuméraires pour des recherches médicales. Actuellement, faire don de ses embryons pour des recherches médicales peut poser des cas de conscience à certains couples. Cependant, dans le cas d’un double don de gamètes, la personne en parcours AMP n’aura pas forcément beaucoup d’attachement à ces embryons avec lesquels elle n’a aucun lien génétique et dont elle ne connaît pas l’identité des donneurs anonymes, aussi, cela devrait être psychologiquement plus facile de faire don de ses embryons à la recherche.

Si ces embryons surnuméraires ont été créés grâce aux dons de 2 donneurs opposés à des recherches médicales sur leurs gamètes, ceux-ci pourraient également être opposés à des recherches médicales sur des embryons créés grâce à leurs gamètes. Il serait donc peu éthique que des embryons créés grâce à un double don de donneurs opposés à des recherches médicales, puissent malgré tout servir à des recherches médicales.

c) Accès aux origines ?

Les embryons surnuméraires peuvent également être donnés à des personnes en attente d’un accueil d’embryons. Le don d’embryons est relativement rare en France car celui-ci peut poser des cas de conscience à certains couples (certains couples refusent ce don au motif qu’ils auraient le sentiment de faire don d’un de leurs enfants).

Comme dit précédemment, le projet de loi bioéthique prévoit le droit d’accès aux origines, ainsi que le double don de gamètes. Supposons que plusieurs embryons soient créés à partir d’un double don de gamètes et que seulement 1 embryon soit implanté chez la receveuse. Supposons que cette receveuse décide de faire don de ses embryons surnuméraires à des personnes en attente d’un accueil d’embryon. Dans cette hypothèse, est-ce que les enfants issus du don devront avoir accès à l’identité de la donneuse d’embryons, ou bien, devront-ils avoir accès à l’identité des 2 donneurs de gamètes qui ont permis la création de l’embryon ?

d) Décompte des naissances ?

Afin de réduire les risques de consanguinité, la loi impose une limite de 10 naissances délibérées par donneur (gamètes et embryons).

Reprenons notre exemple précédent avec une femme qui désire bénéficier un double don de gamètes. Des embryons sont donc conçus grâce aux dons de 2 donneurs de gamètes. Le nombre d’embryons créés étant supérieur au nombre d’embryons implantés, la femme décide de faire don de ses embryons surnuméraires. Grâce à ce don, des enfants naîtront.

A qui doivent être attribués ces naissances ? Est-ce à la donneuse d’embryons ? ou bien, est-ce aux 2 donneurs de gamètes ? Si ces naissances d’enfants issus d’un don d’embryons étaient attribués à la donneuse d’embryons, cela pourrait éventuellement rendre plus difficile le contrôle du nombre réel d’enfants issus d’un même donneur.

6. Conclusion

Si vous maîtrisez l’actuel projet de loi bioéthique et que vous avez les réponses à mes interrogations précédentes, je vous serais très reconnaissant de nous les communiquer. Si j’obtiens des réponses, je mettrai à jour cette page.

N’étant pas un expert sur ce sujet, il se peut que cet article contienne des maladresses et des erreurs. Celles-ci seront corrigées si on me les signale.

Je vous remercie par avance pour votre aide.

Edit du 12 octobre 2020 : L’agence de la biomédecine m’a apporté des précisions.
L’agence de la biomédecine me confirme que les embryons congelés ne faisant plus l’objet de projet parental (y compris les embryons issus d’un don de gamètes) peuvent être donnés à d’autres couples s’ils remplissent certains critères.
Les embryons destinés à l’accueil ont été conçus par des couples en bonne santé, âgés de moins de 38 ans pour la femme et de moins de 45 ans pour l’homme, et ne portent aucun risque identifiable en l’état des connaissances de maladie transmissible. Les embryons congelés retenus pour le don ont des critères de développement satisfaisants lors de la congélation et offrent des chances raisonnables de grossesse.

Les embryons surnuméraires ne remplissant pas ces critères peuvent être détruits ou donnés pour des recherches médicales.