Présentation d’une étude avec une réflexion éthique
Article « The ethical case for non-directed postmortem sperm donation » de Nathan Hodson et Joshua Parker. Publié dans Journal of Medical Ethics.
Lien officiel : https://jme.bmj.com/content/early/2020/01/08/medethics-2019-105637
Quelques médias français ont relayé l’existence de cette étude :
BBC : Les dons de sperme d’hommes morts devraient être autorisés (étude) (article PDF)
Parents : Infertilité : des experts en éthique réclament l’autorisation du don de sperme d’homme mort (article PDF)
FR24news : Le don de sperme après la mort est «moralement autorisé» pour répondre à la pénurie de donneurs britanniques | Actualités scientifiques et technologiques (article PDF)
Santé Magazine : Une étude suggère d’autoriser le don de sperme d’homme mort contre les pénuries (article PDF)
Offside : Permettre aux hommes morts de donner du sperme, selon des spécialistes de l’éthique médicale (article PDF)
Mon opinion personnelle sur le sujet
D’après mes recherches, il n’existe pas dans la littérature française de réflexion sur cette question. Les médias français se sont malheureusement contentés de relayer cette étude sans réelle critique. C’est la raison pour laquelle, je vais essayer de poursuivre la réflexion éthique de cette étude.
Le coût
Faire intervenir du personnel médical pour recueillir des spermatozoïdes sur une personne décédée n’est pas simple et requiert du temps, ce qui représente un coût non négligeable. Le montant élevé de ce prélèvement me semble être un obstacle à cette solution préconisée par l’étude.
Le risque de transmettre une maladie
En France, des dépistages sont faits sur le donneur et une fois le don terminé, des dépistages sont refaits 6 mois plus tard pour vérifier que tout va bien. Avec un mort, ces dépistages ne peuvent pas être effectués. Les chercheurs estiment que ce n’est pas un problème car les dépistages peuvent selon eux être effectués directement sur les spermatozoïdes. En supposant qu’ils aient raison, cela ne serait probablement pas simple et cela alourdirait encore plus le coût de l’opération.
En France, il est également demandé au donneur de renseigner ses antécédents médicaux et ceux de sa proche famille. Dans le cas d’un mort, c’est difficile de l’interroger sur ses antécédents médicaux.
Le ressenti des personnes issues des bénéficiaires et des personnes issues d’un don
Je ne suis pas certain que les bénéficiaires d’un don de spermatozoïdes provenant d’un mort soient heureux de la situation. Idem pour ce qui est des personnes issues d’un tel don. De plus, cela priverait ces personnes du droit d’accès aux origines. En France, il est prévu que les personnes issues d’un don aient aussi accès à des données non identifiantes, telles que les motivations du donneur mais dans le cas d’un mort, il n’est pas possible de lui demander d’écrire ses motivations.
Risque de consanguinité
Pour limiter les risques de consanguinité, la France et d’autres pays imposent que le donneur ne puisse donner que dans un seul centre et ce centre doit essayer de limiter le nombre de naissances issues de ce donneur. Dans le cas d’un mort, difficile de savoir s’il a déjà fait des dons… Ou alors, il faut qu’il y ait un registre national des dons qui soit à jour et exact (si le registre contient une faute sur l’orthographe d’un donneur, le donneur pourrait ne pas être retrouvé).
Qualité et quantité des spermatozoïdes
Il est généralement conseillé de s’abstenir de tout rapport sexuel 3 jours avant d’effectuer un recueil de spermatozoïdes. Dans le cas d’une personne morte, il me semble difficile de savoir à quand remonte son dernier rapport sexuel. Le risque étant qu’au final, on déploie de gros moyens pour récolter des spermatozoïdes qui au niveau de la qualité/quantité ne seront pas optimum.
Consentement du donneur
Il me semble indispensable que le donneur donne son consentement de son vivant pour un don de spermatozoïdes.
Dans le cas d’un don d’organes, on peut comprendre qu’une personne puisse donner son consentement pour que cela soit effectué après sa mort car cela serait compliqué de faire don de son cœur de son vivant. En revanche, si la personne est favorable au don de spermatozoïdes qui est simple à réaliser, il me semble que cette personne le ferait de son vivant plutôt que d’autoriser que cela soit pratiqué après sa mort. C’est la raison pour laquelle, j’ai de gros doutes sur le fait que la personne décédée aurait donné son consentement pour un tel don. C’est notamment pour cette raison que je suis en désaccord avec l’étude qui estime que cette pratique est éthique.
Pour l’instant, cette pratique n’existe pas en France mais si cela devait être envisagé un jour, j’essayerai de m’y opposer. Je le ferai à titre personne et non pas au nom de l’association Dons de gamètes solidaires.
Publication de Frédéric LETELLIER