Cet article explique les enjeux associés au recours contre l’annexe A de l’arrêté du ministre de la santé et de la prévention du 29 août 2022 fixant le contenu du formulaire de consentement du tiers donneur à la communication de son identité et de ses données non identifiantes aux personnes majeures nées de son don et du contenu du formulaire de collecte.
1. L’instauration du droit d’accès aux origines
La loi relative à la bioéthique du 2 août 2021 a instauré un droit d’accès aux origines pour les personnes issues d’un don de gamètes ou d’embryons. Toute personne issue d’un don peut saisir la CAPADD pour demander des informations sur le tiers donneur. Si le donneur a consenti à la communication de ses données figurant dans le registre des dons de gamètes et d’embryons tenu par l’Agence de la biomédecine et si les données du donneur figurent effectivement dans le registre, il est alors possible pour la CAPADD de répondre positivement au demandeur.
Afin que le demandeur obtienne les informations désirées, il est donc nécessaire que le tiers donneur ait réalisé les deux actions suivantes :
1) Consentir à la communication de ses données figurant dans le registre des dons
2) Renseigner ses données (données d’identité + données personnelles non directement identifiantes) dans le registre des dons tenu par l’Agence de la biomédecine
2. Période transitoire
Les personnes conçues par don avant le 1er septembre 2022 n’ont pas la certitude de pouvoir bénéficier du droit d’accès aux origines.
Depuis le 1er septembre 2024, tous les nouveaux donneurs ont l’obligation de consentir à la communication de leurs données figurant dans le registre des dons.
Article L2143-2 du code de la santé publique : « Toute personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peut, si elle le souhaite, accéder à sa majorité à l’identité et aux données non identifiantes du tiers donneur définies à l’article L. 2143-3.
Les personnes qui souhaitent procéder à un don de gamètes ou proposer leur embryon à l’accueil consentent expressément et au préalable à la communication de ces données et de leur identité, dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article. En cas de refus, ces personnes ne peuvent procéder à ce don ou proposer cet accueil. »
Nous sommes actuellement dans une période transitoire pendant laquelle les centres de don ont le droit de continuer à utiliser des gamètes et des embryons provenant de donneurs n’ayant pas consenti à la communication de leurs données aux personnes issues de leur don.
L’article 4 du décret n° 2022-1187 du 25 août 2022 est le suivant : « I. – Jusqu’à la date fixée par le décret prévu au C du VII de l’article 5 de la loi du 2 août 2021 susvisée, les organismes ou établissements de santé mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du code de la santé publique attribuent en priorité les gamètes donnés et les embryons proposés à l’accueil avant le 1er septembre 2022, dans le respect des règles d’attribution des gamètes prévues à l’article L. 1418-1 du même code »
L’article 1 du décret n° 2023-785 du 16 août 2023 est le suivant : « La date à compter de laquelle ne peuvent être utilisés pour une tentative d’assistance médicale à la procréation que les gamètes et les embryons proposés à l’accueil pour lesquels les donneurs ont consenti à la transmission de leurs données non identifiantes et à la communication de leur identité en cas de demande des personnes nées de leur don est fixée au 31 mars 2025. »
La période transitoire prendra fin le 31 mars 2025 et après cette date, les centres de don seront dans l’obligation de n’utiliser que des gamètes et des embryons dont les donneurs ont consenti à la communication de leurs données aux personnes issues d’un don.
Les médias (Ouest France par exemple) ont donc expliqué que toutes les personnes conçues après le 31 mars 2025 auront la garantie de pouvoir connaître l’identité du donneur.
3. Recours n°1 devant le Conseil d’État
Il y a eu un recours de déposé contre l’article R2143-7 du code de la santé publique : « IV. -Après recueil de leur consentement, les tiers donneurs communiquent, dans un délai de trois mois, les données d’identité et les données non identifiantes mentionnées au I de l’article L. 2143-3 à un organisme ou établissement de santé mentionné au troisième alinéa de l’article L. 2142-1, dans les conditions prévues à l’article R. 2143-5. »
Ce délai de trois mois peut ne pas être respecté pour diverses raisons :
– Le donneur veut renseigner le registre des dons mais le centre de don n’est pas disponible pour recueillir les données du donneur
– Le donneur ne veut pas renseigner le registre des dons
– Le donneur est décédé
– Etc.
Le problème de cet article de loi, c’est qu’il fixe un délai de trois mois pour remplir le registre des dons mais sans rien prévoir si ce délai n’est pas respecté.
Dans ses décisions n° 467271 et n° 467467 du 31 mai 2024, le Conseil d’État a rejeté le recours pour cause d’irrecevabilité.
Extrait de la décision : « 8. Les conclusions tendant à l’annulation du IV de l’article R. 2143-7, dans leur version résultant du décret attaqué, n’ont été présentées que dans des mémoires enregistrés les 23 décembre 2022, 18 mars 2023 et 29 août 2023, après l’expiration du délai du recours contentieux. Ces conclusions sont ainsi tardives et, par suite, irrecevables. »
Des médias ont fait état de personnes issues d’un don qui ont reçu des réponses négatives de la CAPADD et qui ont entamé des actions en justice. Il se peut donc que dans le futur, un tribunal soit saisi par une personne issue d’un don dont le tiers donneur a consenti à la communication de ses données mais qui n’a pas renseigné le registre des dons dans le délai de trois mois.
Tel que je comprends la loi, le fait pour un donneur de ne pas respecter le délai de trois mois est sans réelle conséquence. Il ne serait cependant pas improbable que le donneur reçoive une lettre de relance pour l’informer qu’il est censé renseigné le registre des dons de gamètes et d’embryons.
Le rapporteur public (M. Laurent DOMINGO) a traité dans ses conclusions cette question dans son paragraphe 6 à la fin de la page 7.
4. Recours n°2 devant le Conseil d’État
Comme expliqué plus haut, pour qu’une demande d’accès à ses origines aboutisse, il est nécessaire que le tiers donneur réalise ces 2 actions :
1) Consentir à la communication de ses données figurant dans le registre des dons
2) Renseigner ses données (données d’identité + données personnelles non directement identifiantes) dans le registre des dons
Supposons qu’un donneur ancien régime transmette en mars 2025 son consentement à la communication de ses données figurant dans le registre des dons, alors, le centre de don sera en droit de continuer à utiliser les gamètes du donneur au delà du 31 mars 2025. Cependant, la CAPADD ne pourra répondre positivement aux saisies des personnes issues du don de ce donneur que si celui-ci renseigne le registre des dons tenu par l’ABM.
Il y a eu un recours de déposé devant le Conseil d’État avec comme demande que le consentement ne soit considéré comme valable que si le registre des dons est renseigné. L’objectif de cette demande était de faire qu’à chaque fois que la loi fait référence à des donneurs ayant consenti à la transmission de leurs données non identifiantes et à la communication de leur identité en cas de demande des personnes nées de leur don, il faille comprendre que cela implique que le donneur a également renseigné le registre des dons. En validant cette demande, cela aurait permis qu’après le 31 mars 2025, les centres de don ne puissent pas utiliser de gamètes et d’embryons dont les donneurs n’auraient pas renseigné le registre des dons.
Dans sa décision n° 468493 du 31 mai 2024, le Conseil d’État a rejeté le recours.
Extrait de la décision : « Il ne résulte pas davantage des dispositions applicables que le formulaire doive indiquer la possibilité, pour les tiers donneurs ayant réalisé un don de gamètes avant l’entrée en vigueur de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, de ne communiquer que leurs données non identifiantes, à l’exclusion de leur identité, ou de bénéficier d’un délai de rétractation de leur consentement, ou encore que le consentement du donneur ne doive être considéré comme valide qu’après l’inscription de ses données dans le registre tenu par l’Agence de la biomédecine. Les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’impliquent pas que le formulaire devrait comporter de telles mentions. Il s’ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, des dispositions des articles L. 1244-2 du code de la santé publique et du principe de sécurité juridique ne peuvent qu’être écartés. »