[Registre des dons] Est-ce que l’anonymat est préservé en cas de décès du donneur ?

1. Le cadre dans lequel se pose la question
Nous allons traiter le cas d’une personne issue d’un don qui exerce son droit d’accès aux origines auprès de la CAPADD. Le dossier du donneur existe toujours et celui-ci contient l’identité complète du donneur. Le registre des donneurs de gamètes tenu par l’Agence de la biomédecine est interrogé mais il ne contient aucune information sur le donneur, ce qui signifie que le donneur n’a pas consenti à la communication de ses données personnelles aux personnes issues de son don. La CAPADD interroge l’INSEE et découvre que le donneur est décédé. Dans cette situation, que peut communiquer la CAPADD au demandeur ?

2. Annonce du décès ?
La CAPADD aurait pu décider de se contenter de répondre aux demandeurs qu’il n’était pas possible de leur communiquer l’identité du donneur, sans en donner la raison (le donneur peut avoir refusé, le donneur peut ne pas avoir été retrouvé, le donneur peut être décédé, etc.). Cependant, la CAPADD a décidé d’informer les demandeurs quand le donneur est décédé.

3. Communication de l’identité du donneur décédé ?
De nombreuses personnes issues d’un don font un parallèle entre leur situation et celle des nés sous X. Il faut savoir que dans le cas des nés sous X, si la mère biologique ne s’est jamais opposée de son vivant à la communication de son identité à son enfant biologique, alors, celui-ci a le droit de connaître son identité après son décès. Pour les personnes qui font le parallèle entre les nés d’un don et les nés sous X, il serait logique et normal que si le donneur ne s’est jamais opposé de son vivant à la communication de son identité à une personne issue de son don, alors celle-ci doit avoir le droit de connaître son identité après son décès.

Le législateur n’est pas du même avis et considère que les nés sous X et les nés d’un don ne sont pas équivalents. C’est la raison pour laquelle, ce ne sont pas les mêmes articles de loi qui instaurent l’anonymat dans le cas des personnes nées sous X et des personnes issues d’un don. Dans le cas des dons de gamètes, les articles instaurant le principe d’anonymat sont les suivants :
Article 16-8 du code civil : « Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut connaître l’identité du receveur ni le receveur celle du donneur. »
Article L1211-5 du code de la santé publique : « Le donneur ne peut connaître l’identité du receveur, ni le receveur celle du donneur. Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée. »

Le principe d’anonymat du don de gamètes va donc obéir au même principe d’anonymat que le don d’organes. Si quelqu’un bénéficie d’un don de coeur, il y a une forte probabilité que le donneur soit décédé et pourtant, l’anonymat du donneur sera protégé. Cela signifie que le principe d’anonymat perdure malgré le décès du donneur.

4. Communication des données personnelles non directement identifiantes du donneur décédé ?
Le registre des dons de gamètes tenu par l’Agence de la biomédecine contient l’identité des donneurs, ainsi que des données personnelles non directement identifiantes. Certaines personnes issues d’un don considèrent qu’à défaut de pouvoir leur communiquer l’identité du donneur, il devrait au moins être possible de leur transmettre les données personnelles non directement identifiantes.

Pour que le registre des dons de gamètes tenu par l’Agence de la biomédecine possède les données personnelles non directement identifiantes du donneur, il faut nécessairement que le donneur ait rempli un formulaire pour inscrire ses données. Ce formulaire ne peut être rempli que si le donneur a au préalable consenti à la communication de son identité et de ses données personnelles non directement identifiantes aux personnes issues de son don. Cela signifie que si le donneur est décédé sans avoir consenti à la communication d’informations aux personnes issues de son don, le registre des dons de gamètes tenu par l’Agence de la biomédecine ne contient aucune donnée non directement identifiante du donneur ! On comprend alors tout de suite qu’il est impossible de communiquer au demandeur les données personnelles non directement identifiantes du donneur présentes dans le registre des dons de gamètes, pour la simple raison que le registre ne contient pas les données personnelles non directement identifiantes du donneur !

J’espère qu’il ne viendrait à l’idée de personne de demander que les membres de la CAPADD se réunissent pour organiser une séance de spiritisme afin d’interroger l’âme des défunts donneurs et obtenir leurs données personnelles non directement identifiantes.

5. Communication des données médicales du donneur décédé ?

On entend parfois que la vie privée d’une personne s’éteint avec son décès mais le loi française prévoit que d’une certaine façon, la volonté d’une personne puisse lui survivre. Un patient peut par exemple décider que son dossier médical doit rester strictement confidentiel et dans ce cas, sa volonté sera respecté.

Si de son vivant, le patient n’a pas exprimé la volonté que son dossier médical reste confidentiel, alors celui-ci peut être consulté par ses ayants droit (conjoint et enfants). Par enfant, il faut comprendre au sens légal de la filiation. Cela signifie qu’un enfant adopté sans lien biologique avec son père aura le droit de consulter son dossier médical après sa mort, alors qu’une personne issue de son don qui n’a pas de lien de filiation avec la donneur, ne pourra pas consulter le dossier médical.

Le législateur a tout de même prévu que si certaines conditions sont réunies (le dossier médical a 50 ans et le patient est décédé depuis 25 ans), alors le dossier médical du patient devient une archive publique qui peut être librement consultée par n’importe qui. Cela signifie que la personne issue du don devrait pouvoir consulter le dossier médical du donneur, sachant qu’elle trouvera dedans ses données médicales, ainsi que son identité.

Pour éviter tout malentendu, je précise que dans cet article, je traite de la possibilité de communiquer les données médicales du donneur directement à une personne issue de son don. Il faut en effet savoir que la loi prévoit la possibilité pour qu’un médecin en charge de la santé d’une personne issue d’un don, puisse obtenir certaines données médicales relatives au donneur. Cette possibilité offerte au médecin d’une personne issue d’un don n’est pas liée au fait que le donneur soit vivant ou décédé.

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