Accès aux données non identifiantes du donneur par les parents (amendement 502)

Attention, il s’agit d’un article « blog », c’est à dire que c’est un article personnel qui n’engage que son auteur et en aucune façon l’association.

L’amendement 502

En deuxième lecture à l’assemblée nationale, les députés ont voté en faveur de l’amendement 502 qui prévoit que les bénéficiaires d’une AMP avec tiers donneur pourront accéder aux données non identifiantes du donneur.

Amendement 502

Les données non identifiantes sont les suivantes :
1° Leur âge ;
2° Leur état général tel qu’elles le décrivent au moment du don ;
3° Leurs caractéristiques physiques ;
4° Leur situation familiale et professionnelle ;
5° Leur pays de naissance ;
6° Les motivations de leur don.

L’accès aux données non identifiantes pour les personnes issues d’un don

La loi prévoit que les personnes issues d’une AMP avec tiers donneur auront un droit d’accès aux données non identifiantes du donneur à partir de leur majorité.

Des amendements avaient été déposés pour que les personnes issues d’un don aient la possibilité d’accéder aux données non identifiantes avant leur majorité mais ils ont été rejetés au motif qu’il fallait vraiment que les personnes issues d’un don soient majeures pour prendre connaissance de ces données non identifiantes. En ce qui me concerne, j’aurais été plutôt favorable à autoriser les personnes issues d’un don à accéder accès aux données non identifiantes du donneur avant leur majorité.

Ce qui me pose problème avec l’amendement 502, c’est qu’il risque d’y avoir une inégalité entre les personnes issues d’un don. C’est-à-dire que les personnes issues d’un don seront dépendantes du bon vouloir de leurs parents pour avoir accès aux données non identifiantes du donneur. Il se peut que des parents communiquent à leurs enfants les données non identifiantes du donneur alors que d’autres parents ne le feront pas.

Mon opinion sur l’anonymat et le droit d’accès aux origines

Je suis favorable au droit d’accès aux origines pour les personnes issues d’une AMP avec tiers donneur. Je suis également favorable au principe d’anonymat entre receveurs et donneurs. Je suis favorable à ce que les bénéficiaires d’un don aient accès à des données non identifiantes du donneur mais seulement ce qui est utile.

L’âge du donneur

Pour le suivi d’une grossesse avec don d’ovocytes, c’est important de connaître l’âge de la donneuse. C’est la raison pour laquelle, je suis favorable à ce que les bénéficiaires d’un don puissent pour des raisons médicales connaître l’âge de la donneuse d’ovocytes dès le début de la grossesse.

En dehors de cette raison médicale liée à la grossesse, je ne vois pas l’utilité de connaître l’âge du donneur. Je précise que je ne prétends pas tout savoir et donc, si des bénéficiaires d’un don pensent que je me trompe et que c’est très important pour elles de connaître l’âge du donneur, qu’elles n’hésitent pas à me le dire. Si je reçois des explications sur l’utilité de connaître l’âge du donneur, je mettrai à jour ce billet.

Les antécédents médicaux du donneur

Il me semble absolument essentiel que les bénéficiaires d’un don aient accès aux antécédents médicaux du donneur. C’est donc une excellente chose que les bénéficiaires d’un don puissent avoir accès à ces données médicales !

Cependant, ce qui me pose problème avec l’amendement 502, c’est qu’il est indiqué que les bénéficiaires du don auront accès à ces données dès la naissance de l’enfant, mais aucune limite de fin n’est fixée, et cela me dérange un peu. J’estime que dès que la personne issue d’une AMP avec tiers donneur est majeure, c’est à elle que revient de prendre en charge sa santé. Aussi, j’estimerais normal que dès que la personne issue du don atteint l’âge adulte, ses parents n’aient plus accès aux données médicales du donneur.

Les caractéristiques morphologiques

Je suis également favorable à ce que les bénéficiaires d’un don aient accès aux caractéristiques morphologiques du donneur. Ces données sont par exemple susceptibles de les aider à anticiper si leur enfant sera grand ou petit.

Comme précédemment, cela me dérange que l’amendement ne prévoit pas de durée limite pour l’accès à ces données par les bénéficiaires d’un don. J’estimerais normal que dès que la personne issue du don atteint l’âge adulte, ses parents n’aient plus accès aux caractéristiques morphologiques du donneur.

Pays de naissance, profession, motivations, etc.

Concernant les autres données non identifiantes, cela me pose problème que les bénéficiaires d’un don y aient accès.

Je n’arrive pas à comprendre ce que cela va apporter aux bénéficiaires des dons de connaître le pays de naissance du donneur.

Concernant la profession du donneur, cela m’inquiète un peu car je sais que certaines personnes sont convaincues que l’intelligence est héréditaire. Je crains que si le donneur a par exemple une profession « non intellectuelle », les bénéficiaires du don décident d’orienter leur enfant vers une profession ne nécessitant pas de faire des études supérieures. J’en profite pour recommander le très bon film « Bienvenue à Gattaca » qui montre ce que serait une société dans laquelle, dès la naissance d’un enfant, sa destinée est déjà prédéfinie en fonction de son ADN.

La donnée la plus problématique selon moi est les motivations pour le don. Je pense que les futurs donneurs s’appliqueront sur la rédaction de leurs motivations afin de renseigner au mieux les éventuels futurs enfants à naître. Je pense que les futurs donneurs rédigeront ce texte en ayant en tête les informations dont pourraient avoir besoin les enfants issus de leur don. Le fait que les bénéficiaires du don aient également accès à ces motivations risque d’avoir des conséquences. Je crains que des donneurs n’osent plus écrire des choses trop personnelles du fait que ces motivations seront aussi lues par les parents. Il se peut même que des donneurs écrivent leurs motivations davantage pour les parents des enfants que pour les enfants.

Et encore une fois, l’amendement 502 ne prévoit pas de limite de temps pour l’accès à ces données…

Les donneurs sont les grands oubliés des députés

Ce qui me semblent illogique, c’est que les députés qui ont voté pour que les données personnelles du donneur puissent être communiquées aux parents et aux enfants, ont estimé qu’en revanche, les donneurs n’avaient pas le droit d’avoir accès à leurs propres données personnelles ! En effet, ils ont rejeté l’amendement 1542.
amendement 1542

Les députés ont également rejetés l’amendement 236 qui prévoyait que les donneurs puissent savoir si leur don a permis une naissance, afin de se préparer à éventuellement être contacté dans le cadre du droit d’accès aux origines.

Conclusion

Vous aurez probablement compris que l’amendement 502 ne me convient pas telle qu’il est rédigé.

En ce qui me concerne, voici ce que je souhaiterais :
– Possibilité pour les personnes issues d’un don d’avoir accès aux données non identifiantes du donneur avant leur majorité.
– Possibilité pour les bénéficiaires d’un don de connaître l’âge de la donneuse d’ovocytes durant toute la période de la grossesse.
– Pour les bénéficiaires d’un don, possibilité à la naissance des des enfants et pendant 18 ans, de connaître les caractéristiques morphologiques et les antécédents médicaux du donneur.

J’en profite pour recommander la lecture du très bon article Loi de bioéthique : retour sur le « contrat d’anonymat » passé avec les donneurs de gamètes écrit par la journaliste Laureline Dubuy.

Publication de Frédéric LETELLIER