Astrid et son mari ont dû recourir à une PMA avec don de sperme pour pouvoir vivre une grossesse. Ils ont maintenant une géniale petite fille de 3 ans. Elle regrette que sa fille ne puisse avoir accès à ses origines, mais ayant elle-même été conçue grâce à une PMA avec don dans les années 70, elle espère pouvoir l’accompagner au mieux tout au long de sa vie.
Interview
- Une sélection des candidats au don de gamètes est pratiquée par les CECOS afin de ne pas conserver des donneurs présentant un fort risque de transmettre une maladie génétique grave. Est-ce que tu approuves que ces donneurs soient exclus du don ?
Mon mari est lui-même atteint d’un syndrome génétique qui provoque le décès avant 4 ans de la moitié des enfants portant ce syndrome. Il est déjà tellement compliqué de réussir à avoir cet enfant, je pense qu’il est humain de ne pas souhaiter que cet enfant soit porteur d’un syndrome létal ou très handicapant. On sait qu’aucun enfant n’est parfait, mais on souhaite leur offrir une vie « normale ».
- Est-ce que ton mari et toi avez demandé au CECOS de pratiquer un appariement du groupe sanguin ? (C’est-à-dire que le donneur ait le même groupe sanguin que le père de l’enfant)
Nous n’avons rien demandé, cela nous a été imposé.
- Est-ce que ton CECOS pratiquait le « parrainage » ?
Oui tout à fait, on nous en a parlé dès l’annonce des 18 mois d’attente : si nous apportions un donneur, l’attente serait réduite à 12 mois et si nous apportions 2 donneurs, elle serait réduite à seulement 6 mois. Nous avons refusé d’avoir recours à un parrainage, afin de ne pas avoir à obliger un proche à donner.
- Est-ce que ton CECOS permettait aux bénéficiaires d’un don de conserver le même donneur pour une seconde grossesse ?
Le professeur qui nous suivait au CECOS nous a indiqué que les médecins refusaient d’utiliser le même donneur pour une éventuelle seconde grossesse, m’ayant expliqué que permettre aux 2 enfants d’avoir quelques ressemblances physiques ne les intéressait pas (ce qui s’oppose pourtant à leur principe d’appariement avec le père d’intention) car ils ne souhaitaient pas créer de famille (génétique). J’avoue être restée outrée de ce manque de considération à reconnaître notre famille comme une vraie famille…
- Le projet de loi relatif à la bioéthique prévoit que les enfants issus d’un don puissent avoir accès aux antécédents médicaux du donneur à partir de leur majorité. Selon toi, est-ce que les bénéficiaires du don devraient également avoir accès à ces informations dès le début de la grossesse ?
Je pense effectivement que les parents devraient avoir accès à ses informations, qui ne permettent pas, de toute façon, d’accéder à l’identité du donneur. On nous rabâche que les donneurs sont en bonne santé, mais nous avons tous des prédispositions à certains maladies héréditaires et notre santé évolue sans cesse au fil de nos vies. Savoir que certaines pathologies sont présentes chez le donneur ou sa famille proche, permettrait de faire de la prévention et de mettre à égalité les enfants conçus par don et ceux non-conçus par don.
- Selon toi, est-ce que les bénéficiaires du don devraient avoir accès à des données non identifiantes sur les donneurs, et si oui, lesquelles ?
Pendant ma grossesse, j’aurais aimé connaître la couleur de peau, des yeux, des cheveux et une fourchette de taille du donneur de ma fille. Car il est difficile d’imaginer et de rendre réel son futur enfant lorsqu’on ne connaît pas la moitié de ses origines.
- Si ce n’est pas déjà fait, est-ce que ton mari et toi avez l’intention d’informer votre fille de son mode de conception ?
Nous en avons toujours parlé devant elle, tout notre entourage connaît son mode de conception. Nous avons refusé d’en faire un tabou. Nous lui en avons parlé dès sa naissance, notamment grâce à 3 livres pour enfants qui traitent de la conception par PMA avec don.
- L’infertilité a été reconnue comme Grande cause nationale 2020. As-tu des propositions de mesures pour lutter contre les causes d’infertilité et améliorer les traitements ?
Les causes sont variées et certaines ont une origine embryonnaire et on ne peut les éviter. Cependant, la pollution et certains produits chimiques, tels que le glyphosate, sont responsables également, et il serait temps de cesser leur utilisation, quels que soient les lobbies industriels.
Pour les traitements, quand je vois les résultats des PMA à l’étranger, je pense qu’il est temps que la France progresse de ce côté-là. En effet, grâce à des traitements différents, plus personnalisés, mais notamment grâce au DPI (Diagnostic Pré-Implantatoire) des embryons (la plupart des embryons créés et transférés ont des anomalies chromosomiques, ce qui amène systématiquement à des fausses couches), certains pays européens ont des taux de réussite 2 à 3 fois supérieurs à la France.
- Que penses-tu de l’actuel projet de la loi relatif à la bioéthique ?
Il était temps que l’accès aux origines des personnes nées par PMA avec don soit mis en place. L’anonymat définitif est obsolète et injuste pour ces enfants et adultes. Ce projet ne retirera rien à ceux qui ne veulent rien savoir et donnera des réponses à ceux qui se posent des questions. C’est une question d’humanité.
Nous te remercions pour toutes ces réponses