Lors du premier rendez-vous d’un donneur de gamètes dans un centre AMP, il lui est créé un dossier médical. Ce dossier médical contient notamment des données personnelles du donneur (son nom, son prénom, sa date de naissance, sa profession, ses caractéristiques physiques, son groupe sanguin, ses motivations pour être donneur, etc.).
Si dans le dossier médical du donneur, il est inscrit les caractéristiques physiques du donneur (couleur des yeux, couleur des cheveux, taille et ethnie), c’est que ces données peuvent servir à réaliser un appariement avec le couple receveur.
Depuis 1994, il est inscrit dans la loi que le don est anonyme, c’est à dire que le couple receveur ne peut pas connaître l’identité du donneur et que la réciproque est également vrai. Les CECOS considèrent que si un donneur obtenait une copie de ses caractéristiques physiques, cela aurait pour conséquence de rompre le principe d’anonymat. La logique étant que si le donneur découvrait qu’il a les yeux marrons, il pourrait supposer que dans l’hypothèse où il aurait été pratiqué un appariement, alors, un membre du couple receveur pourrait probablement avoir les yeux marrons. De la même manière, si un donneur découvrait qu’il mesure 2 mètres, il pourrait supposer qu’un membre du couple receveur est probablement très grand. C’est la raison pour laquelle, les CECOS refusent de donner aux donneurs une copie de leurs données personnelles présentes dans leur dossier médical.
2. L’avis de l’Agence de la biomédecine
En France, c’est l’Agence de la biomédecine qui a la responsabilité légale du don de gamètes. L’association Dons de gamètes a interrogé l’Agence de la biomédecine pour savoir si celle-ci considérait que les donneurs avaient le droit d’obtenir une copie de leurs caractéristiques physiques présentes dans leur dossier médical. Le Dr Claire de Vienne qui est le médecin référent en AMP à l’Agence de la biomédecine, nous a répondu le 15 décembre 2020. L’Agence de la biomédecine considère que les donneurs ont le droit d’obtenir leurs caractéristiques physiques.
3. L’avis des parlementaires
Le projet de loi bioéthique qui a été déposé en 2019, prévoyait que des données identifiantes et non identifiantes (les caractéristiques physiques) du donneur de gamètes puissent être communiquées à des personnes issues du don. Dans le cadre des discussions sur ce projet de loi, des parlementaires ont déposé des amendements pour qu’il soit explicitement inscrit dans la loi que les donneurs de gamètes ont le droit d’accéder à leurs propres données personnelles qui seront susceptibles d’être communiquées à des personnes issues de leur don.
Ces amendements ont été retirés au motif que les parlementaires ont jugé qu’ils étaient déjà satisfaits car le RGPD donne ce droit aux donneurs de gamètes.
Extrait du compte rendu de la discussion du 7 janvier 2020 :
Le fait que les parlementaires aient dit que les donneurs ont déjà le droit d’avoir accès à leurs données personnelles grâce au RGPD, a une réelle importance, car en cas de doute, la justice peut se référer à l’intention du législateur, tel qu’elle ressort des débats parlementaires.
4. La loi de bioéthique
La loi relative à la bioéthique a été publiée au Journal officiel le 3 août 2021.
L’article L2143-3 du code de la santé publique indique que les caractéristiques physiques du donneur sont des données non identifiantes. Cet article semble donc être en contradiction avec les CECOS qui estiment qu’il n’est pas possible de communiquer aux donneurs de gamètes leurs propres caractéristiques physiques au motif qu’il s’agit de données identifiantes.
L’article L2143-2 du code de la santé publique indique que les donneurs peuvent actualiser leurs données identifiantes et non identifiantes (ce qui inclut donc les caractéristiques morphologiques). Comment est-ce possible d’autoriser à un donneur d’actualiser ses données personnelles alors qu’il lui est interdit d’avoir accès à ses données personnelles ?
5. Notre requête du 26 avril 2021
L’association Dons de gamètes solidaires demande :
1°) de prescrire une expertise médicale, au contradictoire de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), l’association dons de gamètes solidaires, afin de répondre à la question de savoir si la communication des données personnelles qu’il sollicite conduit nécessairement et concrètement à violer l’anonymat des donneurs et des receveurs au point de rendre possible l’identification de ceux-ci de manière directe ou indirecte ?
Il soutient que :
– dans la perspective d’une action en responsabilité, la conduite d’une expertise est utile, dès lors que de nouveaux éléments doivent être pris en considération pour répondre à ses demandes, notamment l’entrée en vigueur du Règlement 2016/679 du parlement européen et du conseil du 27 avril 2016 (RGPD),
– seule la divulgation d’éléments d’informations permettant d’identifier les receveurs et les donneurs est interdite, alors qu’une demande portant sur les éléments qui ne permettant pas d’identifier un receveur ou un donneur ne méconnaît pas le principe d’anonymat ou même la vie privée des différents intervenants,
– ses demandes portent notamment sur la délivrance d’une copie de la fiche cartonnée (celle-ci contient l’identité du donneur, sa profession, son âge, ses caractéristiques physiques et les motivations du donneur).
6. La décision du Tribunal administratif de Paris du 3 août 2021
Il résulte qu’en l’état du droit, et dans l’attente de la décision du Conseil Constitutionnel qui a été saisi le 2 juillet 2021 de la loi bioéthique adoptée le 29 juin 2021, et notamment de l’article L. 2143-4 du code de la santé publique relatif à la conservation des données, et du nouvel article L. 2143-5-1 du même code qui autorisera le tiers donneur qui souhaite connaître le nombre d’enfants nés grâce à son don ainsi que leur sexe et leur année de naissance à s’adresser à la commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur est placé auprès du ministre chargé de la santé prévue à l’article L. 2143-6, la demande telle qu’elle est formulée doit être rejetée.
ORDONNE :
Article 1er : La requête est rejetée